Inghels, Nicolas - Le mouvement anarchiste en Belgique francophone de 1945 à 1970, vingt-cinq ans d'anarchie
UNIVERSIT LIBRE DE BRUXELLES Facult de Philosophie et Lettres Le mouvement anarchiste en Belgique francophone de 1945 1970 Vingt-cinq ans dÕanarchie INGHELS Nicolas Mmoire prsent sous la direction de Monsieur Jos GOTOVITCH, en vue de lÕobtention du titre de licenci en Histoire contemporaine 2. I. Anne acadmique 2001-2002INTRODUCTION LÕanarchisme fait lÕobjet dÕun certain nombre de prjugs trs tenaces de la part du grand public. Tantt assimil une utopie, tantt un pril pour la socit, il est le plus souvent tout simplement ignor. Les historiens eux-mmes sÕy sont assez peu intresss1. Un intrt personnel pour le sujet, une sympathie naturelle pour certains penseurs proches de cette idologie et, par-dessus tout, une fcheuse Ç manie È de toujours vouloir dpasser les ides reues nous ont pouss consacrer notre mmoire de licence lÕhistoire du mouvement anarchiste. Nous avons dcid de centrer notre tude sur le cas belge francophone et de prendre pour cadre temporel la priode qui sÕtend de 1945 1970. Il convient videmment de justifier ces choix. Au niveau du cadre gographique, celui-ci a t guid par la volont de trouver le plus de sources possibles et de pouvoir les exploiter au mieux. Notre restriction au domaine francophone sÕexplique par le fait quÕil nous est vite apparu que lÕactivit anarchiste belge se concentrait lÕpoque surtout sur la Wallonie et sur Bruxelles. De plus, les sources que nous avons exploites ainsi que nos outils de recherche nous fournissaient principalement des informations sur cette rgion. Cela ne nous empchera pas de faire parfois, quand ce sera ncessaire, quelques incursions hors de ce territoire, principalement dans des pays europens (France, Espagne et Italie surtout), notamment dans le cadre dÕun chapitre que nous avons consacr lÕaction internationale des anarchistes belges. Les limites temporelles de cette tude ont pour raison dÕtre lÕabsence de travail scientifique se rapportant cette priode. Cette situation sÕexplique sans doute par le fait que celle-ci est souvent juge inintressante. LÕide (fausse) selon laquelle la guerre dÕEspagne et la dfaite anarchiste qui sÕy produisit aurait sonn le glas de ce mouvement est trs rpandue. Notre choix se justifie galement par un dsir dÕenglober et de confronter deux dates essentielles dans lÕhistoire du mouvement : 1945 et 1968. Nous avons nanmoins un peu pouss notre tude au-del des vnements de mai afin de pouvoir valuer lÕinfluence que ceux-ci ont exerce et aussi dans le but de Ç faire rond È, cÕest--dire de dcrire Çvingt-cinq ans dÕanarchie È, comme Marcel DIEU2, personnage cl de notre recherche, dcrivit jadis Ç Quarante ans dÕanarchie3 È. Cet intervalle peut paratre assez rduit mais, tant donn le caractre relativement Ç rcent È du mouvement, cela nous a paru suffisant. 1 Voir infra p.4 2 Marcel DIEU (30/05/1902 Ð 14/08/1969) dit Hem DAY, libraire, franc-maon, militant anarchiste depuis la premire guerre mondiale, il collabora de nombreuses revues durant toute lÕentre-deux-guerres et finit par crer la sienne pour y diffuser sa propagande anti-communiste, anti-fascisme et pacifiste. En 1933, lui et Lo CAMPION renvoyrent leur carnet militaire au Ministre de la Dfense nationale pour se dlier de toutes obligations militaires et signaler ainsi leur refus de participer aux guerres venir. Ils furent finalement, aprs quelques mois de prison, exclus de lÕarme. Durant la guerre dÕEspagne, il partit Barcelone Ïuvrer la propagande rvolutionnaire anarchiste, de manire pacifique et non-violente. De retour en Belgique, il se consacra entirement la propagande, continua ses publications et fit jusquÕ sa mort de nombreuses confrences. Celles-ci taient principalement consacres lÕhistoire de lÕanarchisme ou ses personnalits importantes. Il ralisa aussi normment de recherches sur des sujets divers et devint pour certains, Belges ou trangers, une rfrence intellectuelle (Jean-Franois FUèG, Ç Hem DAY È in Nouvelle biographie nationale, vol. 5, 1999, pp.199-201) 3 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, pp.41-58 3. Dans le cadre dfini ci-dessus, nous avons cherch relever toutes les manifestations de lÕactivit anarchiste (ou du moins le maximum). Nous entendons par Ç manifestations È des ralits trs diverses : groupes plus ou moins structurs, personnalits plus ou moins emblmatiques, actions plus ou moins spectaculaires, publications plus ou moins importantes, prises de position plus ou moins coutes. Notons que nous mentionnerons aussi bien les manifestations manant ouvertement du mouvement anarchiste que celles o la Ç voix È libertaire a pu sÕexprimer. Souvent en effet, les anarchistes se sont associs des combats autres que lÕopposition lÕtat, en gardant cependant toujours ce principe lÕesprit. LÕanarchie constitue un projet tellement vaste et tellement vague quÕelle peut intgrer de nombreux dbats. Pendant la priode qui nous intresse, cÕest surtout la question de lÕantimilitarisme et de lÕobjection de conscience qui a focalis les attentions des anarchistes. Notre projet initial tait dÕailleurs de raliser un mmoire sur les anarchistes pacifistes. Partant du constat que ces deux termes paraissaient antinomiques pour de nombreuses personnes, nous voulions montrer quÕils formaient au contraire une alliance logique. Au fur et mesure de lÕavancement de nos recherches, il nous est apparu quÕil tait dommage et rducteur de se limiter ce seul aspect. Durant cette priode, le mouvement anarchiste brassait de trs nombreux dbats et tendances diffrentes, qui taient parfois entremls. Nous avons dcid de tenter de dresser un tableau le plus complet possible de cette activit anarchiste multiforme. Il est possible cependant, mme si nous avons fait de notre mieux pour que cela nÕarrive pas, que ce biais initial se ressente la lecture de notre mmoire. DÕautres avertissements doivent encore tre faits. Avant tout, nous tenons signaler que si ce mmoire a pour ambition de donner la vision la plus complte du mouvement cette poque et est le fruit dÕun travail relativement important, il ne prtend en aucun cas constituer une tude exhaustive et dfinitive sur le sujet. Par exemple, pour ce qui est des groupes et acteurs tudis, nous avons essay de nÕoublier personne mais il existe certainement des personnes, des associations ayant eu une activit phmre ou trs locale dont nous nÕavons pas eu vent. De plus, nous sommes tributaire de lÕinformation que nous a fournie nos sources et de nos outils de recherche. Ainsi, pour ce qui concerne la presse anarchiste, nous nous sommes servi comme nous lÕexpliquerons dans notre mthodologie dÕun ouvrage rpertoriant les revues francophones, en prenant le parti de lui faire confiance, dcision videmment dicte par le temps et les moyens dont nous disposions pour raliser notre recherche. Il y a srement des revues, des tracts, des communiqus, des prises de position que nous nÕavons pas mentionns. Tout dire est impossible et nÕaurait de toute faon eu aucun sens. Aprs un chapitre dcrivant la mthodologie employe et une mise au point terminologique sur les diffrentes notions voques (anarchisme, libertarisme, individualisme, anarcho-syndicalisme, non-violence,É), nous entreprendrons de dresser ce tableau de la manire la plus complte et la plus objective possible. Le but de notre travail sera de montrer la richesse de cette priode pour le sujet. Une activit anarchiste assez importante sera constate. Cela ne signifie pas ncessairement que cette poque a vu de grandes avances dans le domaine de lÕanarchie. Nous verrons que ces annes se sont caractrises par dÕincessantes disputes au sein des groupes, qui ont fait que les historiens ont pu tirer la conclusion que rien dÕintressant ne sÕy tait pass. Nous pensons au contraire que tous ces dbats sont trs intressants. Ils tiendront une grande place dans notre mmoire. Nous tcherons galement de dgager dÕautres caractristiques du mouvement cette poque, de dgager des constantes. Enfin, nous examinerons lÕvolution qui sÕest produite au sein du mouvement. Notre objectif final sera de dterminer si, entre les bornes temporelles que nous avons fixes, on peut observer une rupture ou bien une continuit. 4. II. MTHODOLOGIE La premire tape de notre travail a videmment consist en une recherche historiographique sur le sujet. Nous avons donc ralis, avant de nous lancer dans notre tude, un tat de la question sur lÕanarchie en gnral et sur lÕhistoire du mouvement belge en particulier. La consultation des ouvrages bibliographiques gnraux ou spcialiss de rfrence et des catalogues des grandes bibliothques auxquelles nous avions accs a abouti un constat de carence. Nous nous sommes en effet trs vite rendu compte de la pauvret historiographique du sujet, surtout concernant la Belgique. La majeure partie de la littrature est consacre aux aspects philosophiques de lÕanarchie et ses penseurs les plus minents. Des tudes sur lÕhistoire du mouvement existent galement, mais celles-ci sont surtout consacres aux origines du mouvement libertaire, de la Premire Internationale la premire guerre mondiale. Historiquement, cette date, lÕanarchisme perd de son importance et sÕloigne des mouvements de masses, ce qui le rend sans doute moins intressant pour les historiens. Ces constatations sÕappliquent tout particulirement lÕhistoriographie belge. On ne relve que quelques rares ouvrages sur lÕactivit anarchiste dans notre pays ainsi que des mmoires sur des aspects prcis ou sur certains acteurs du mouvement. Le tout a t synthtis et complt par Jan MOULAERT dans un ouvrage intitul Rood en Zwart, qui reste la rfrence pour lÕhistoire du mouvement anarchiste en Belgique. Mais malheureusement, celui-ci est peu disert sur la priode qui nous intresse. Notre recherche a donc t complte par lÕhistoriographie franaise. Comme le mouvement anarchiste belge francophone est, pour des raisons dÕordre linguistique, principalement tourn vers la France, nous esprions trouver l des informations intressantes. Ce fut parfois le cas mais, le plus souvent, lÕabsence de renseignement sur la priode prise en compte a pu encore une fois tre constate. Toutefois, il existe quand mme des ouvrages gnraux de qualit sur lÕhistoire de lÕanarchie qui poussent leur recherche au-del de la premire guerre mondiale et mme parfois, mais plus rarement, au-del de la seconde guerre mondiale. Ainsi, la rfrence de base dans les tudes sur lÕanarchie, savoir la thse de Jean MAITRON intitule LÕHistoire du mouvement anarchiste4 fut complte dans sa deuxime dition par une tude sur lÕaprs premire guerre mondiale. Hlas, ce supplment, assez complet pour la priode dÕentre-deux-guerres, ne brosse plus que grossirement lÕhistoire du mouvement de 1945 1975. Nous avons donc d complter notre information par des tudes manant des anarchistes eux-mmes, dcids faire le point sur leur histoire et la vulgariser. Ceux-ci taient en premire loge pour dcrire les vnements et nous apportent donc parfois des renseignements prcieux, notamment dÕun point de vue biographique. Cependant, leurs travaux nÕont pas toujours un caractre trs scientifique, notamment cause de la vision fortement oriente quÕils portent sur les faits. Outre ces ouvrages gnraux, nous avons consult des travaux plus prcis sur le sujet ou sur des aspects particuliers de celui-ci. Concernant les acteurs du mouvement, nous aurions aim trouver plus dÕinformations dans les ouvrages biographiques de rfrence, mais cela ne fut pas le cas. Les dictionnaires biographiques spcialiss dans lÕhistoire du mouvement ouvrier en Belgique, comme en France, se sont aussi avrs peu instructifs. Il a donc fallu se contenter des quelques publications internes au mouvement anarchiste, des brochures biographiques sur certains Ç camarades È parues lÕoccasion de leur dcs ou en commmoration de leur disparition. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de raliser, pour tous les acteurs cits, une biographie complte. Nous avons galement trouv des lments intressants dans des ouvrages sur des aspects plus prcis, ne concernant pas ncessairement lÕanarchisme mais des sujets connexes, par exemple des ouvrages sur lÕobjection de conscience et lÕhistoire des 4 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, 2 tomes 5. mouvements pacifistes en Belgique ou encore sur des groupes de contestation phmres comme le mouvement provo ou les vnements de mai 1968. La deuxime tape de notre dmarche fut la recherche de sources. Etant donn la nature de notre recherche, cela ne fut pas toujours vident. LÕtude dÕun mouvement sur une priode dtermine exige de recourir des sources parpilles et disparates. En effet, le mouvement anarchiste nÕest pas une institution organise comme un parti par exemple, qui bnficie dÕun archivage systmatique. Pour un sujet tel que le ntre, il faut exploiter diffrents types de sources. Le premier genre de sources auquel nous nous intresserons sera les archives rcoltes par les anarchistes eux-mmes, intresss par lÕhistoire de leur mouvement et conscients de lÕimportance que peut avoir la collecte de documents (on le verra, cÕest une constante dans les milieux anarchistes). Parmi ces collectionneurs infatigables, le plus important fut sans aucun doute Hem DAY. Ses archives personnelles ont constitu une source essentielle pour notre mmoire. Celles-ci ont malheureusement t parpilles. Ainsi, de son vivant, il fit don dÕune partie de ses archives au Mundaneum, alors dirig par son ami Georges LORPHéVRE5. A lÕpoque, cette institution ne se trouvait pas encore Mons mais Bruxelles. Ces archives, qui contenaient principalement des papiers dÕavant la deuxime guerre mondiale dont beaucoup de journaux, ont connu de multiples dmnagements et ne furent donc pas toujours entreposes dans les meilleures conditions. Ce premier lot dÕarchives fut clat entre le muse de la presse et la future collection anarchie du Mundaneum. A sa mort, une partie importante de ses archives fut dpose aux Archives Gnrales du Royaume qui, en 1986, ont confi son inventorisation Johan DEBRUYN6. CÕest ce fonds compos de plus de cinq mtres dÕarchives qui fut le plus important pour notre mmoire, puisquÕil contient les documents relatifs lÕaprs-guerre jusquÕ la mort de DIEU en 1969, cÕest--dire juste avant fin de la priode que nous nous proposons dÕtudier. Une partie de ces archives se retrouvrent galement chez ses collaborateurs Jean CORDIER7 et Jean VAN LIERDE8. A la mort du premier en 1999, les papiers de Hem DAY rintgrrent en partie les collections du Mundaneum ; nous avons consult le reste directement dans la famille du docteur CORDIER. Jean VAN LIERDE et la Maison de la Paix dÕIxelles, dont nous reparlerons, firent rcemment un tri dans leurs archives pour en faire don dÕune partie au Centre dÕEtudes et de Documentation Guerre et Socits Contemporaines (C.E.G.E.S.) et au Mundaneum. Les papiers relatifs au pacifisme sont partags entre les deux centres, le C.E.G.E.S. possdant, outre sa bibliothque personnelle, lÕexclusivit des documents sur lÕaction de Jean VAN LIERDE au Congo, les seuls faisant lÕobjet dÕun 5 Georges LORPHéVRE (18/03/1912 Ð 2/09/1997), professeur et documentaliste. DÕabord ouvrier dÕusine, il rencontra en 1927 Paul OTLET lors dÕune confrence au Palais Mondial et devient son secrtaire jusquÕ sa mort en 1944. Il le remplaa alors dans ses fonctions au sein des organismes internationaux de bibliographie pour amliorer et diffuser la Classification Dcimale Universelle. Dans le mme temps, Georges LORPHéVRE, pacifiste convaincu, sÕinvestit, avec sa femme, au sein de lÕInternationale des Rsistants la Guerre (Jean- Franois FEG, Aperu des collections du Mundaneum, Mons, Mundaneum, (collection des inventaires 4), 1999, p.12 et Biographie de Georges LORPHéVRE ralise par son pouse Christiane LORPHéVRE Ð MONTLIBERT, notre demande) 6 Johan DEBRUYN, Inventaris van de papieren Marcel DIEU alias Hem DAY, A.G.R., Brussel, 1986, 159p. 7 Jean CORDIER (1919 - 1999), mdecin et professeur aux universits de Bruxelles et de Mons. Dans sa jeunesse, il fut attir par le Parti Communiste avant de rejoindre le mouvement anarchiste (Jean-Franois FEG, Aperu des collections du Mundaneum, Mons, Mundaneum, (collection des inventaires 4), 1999, p.9) 8 Jean VAN LIERDE (n en 15 fvrier 1926) Issu dÕune famille trs catholique, il collabora dans un premier temps aux J.O.C. et au P.S.C. et travailla lÕusine avant de reprendre des tudes Bruxelles. CÕest l que dans lÕimmdiate aprs-guerre, il ctoya les milieux libertaires. Pacifiste non-violent depuis la guerre, durant laquelle il participa la Rsistance, il refusa le service militaire, ce qui lui valut de connatre de nombreuses fois la prison entre 1949 et 1952 avant dÕtre envoy travailler la mine pour se Ç racheter È. A sa sortie, il mit toute son nergie dans le combat pour la reconnaissance du statut dÕobjecteur de conscience. Dans ce cadre, il fut actif dans de nombreuses organisations pacifistes. Dans un mme temps, il lutta contre le colonialisme et se battit pour lÕindpendance du Congo. Il devint ainsi ami avec Patrice LUMUMBA. Il fut aussi un des fondateurs du C.R.I.S.P. (Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, 208p. et Jean VAN LIERDE, Carnets de prisons dÕun objecteur de conscience (1949-1952), Vie ouvrire, Bruxelles, 1994, 262p.) 6. inventaire. Le fonds VAN LIERDE du Mundaneum fut intressant plus dÕun titre puisquÕ ct des documents sur son action personnelle au sein des mouvements pacifistes, se trouvaient des papiers dÕHem DAY mais aussi des dossiers sur le mouvement anarchiste audel des annes de vie de Marcel DIEU. Si on suit le cheminement des archives dÕHem DAY, qui sont les plus intressantes pour nous, on se rend compte que celles-ci se trouvent prsent partages entre le Mundaneum et les A.G.R., qui furent les deux principaux centres dÕarchives que nous avons consults. La grande diffrence entre les deux lieux rside dans le classement (ou non-classement) des archives. A Bruxelles, comme nous lÕavons vu, celles-ci ont t soigneusement rpertories et classes par thmes (une partie sur le pacifisme, une autre sur lÕanarchisme). A Mons au contraire, elles sont parpilles entre les diffrents fonds constitus au fur et mesure des donations et acquisitions successives. Ainsi, outre les fonds Hem DAY, VAN LIERDE et CORDIER dj mentionns, le Mundaneum possde aussi les archives de lÕavocat montois Christophe TAQUIN, qui contiennent des livres ayant appartenus Hem DAY achets un bouquiniste, les papiers de Marcel GORIS, militant socialiste dÕEvre qui avait fond en 1980, notamment avec Jean CORDIER, lÕa.s.b.l. Ç Les amis dÕHem DAY È. Ensemble, ils organisrent des confrences et une exposition sur les revues anarchistes. Ces archives contiennent certaines affiches de la collection dÕHem DAY, certaines de ses revues, mais surtout les papiers de lÕa.s.b.l. Enfin, pour complter ses collections sur lÕanarchisme, le Mundaneum racheta les archives de lÕanarchiste Alfred LEPAPE9 un bouquiniste. Alfred LEPAPE tait lui aussi un collectionneur infatigable du mouvement libertaire, mais il ne reste quasiment rien de ses archives, qui furent toutes disperses sa mort. Seule une infime partie des fonds relatifs lÕanarchisme avaient t inventoris par le Mundaneum lorsquÕil dcida, en 1980, dÕorganiser une exposition sur la presse anarchiste10. Nous avons donc d dpouiller quasiment lÕensemble de ces collections pour retrouver les papiers qui nous intressaient et dresser nous-mme notre propre inventaire11. Heureusement, des indications parfois prcises avaient t inscrites sur lÕavant des botes, nous orientant dans nos recherches parmi les huit mtres dÕarchives que le fonds contenait. On le constate, ce centre fut prcieux pour notre recherche. Outre les archives, nous avons galement pu y consulter des ouvrages sur lÕanarchie, dont certains absolument introuvables ailleurs. Ainsi, nous avons eu la chance de pouvoir accder la thse de Ren BIANCO sur la presse anarchiste francophone, instrument essentiel dans notre recherche, que possdait Georges LEFEVRE, archiviste au Mundaneum. Pour nos recherches, nous avons galement pris contact avec dÕautres centres dÕarchives, mais aucun nÕavait de sources intressantes pour notre mmoire, except peut-tre lÕInstitut dÕHistoire Sociale de Gand qui a, il y a quelques annes, rcupr lÕensemble des archives du Syndicat Unifi du Livre et du Papier, au sein duquel lÕanarchiste Jean DE BOè12 a t trs 9 Alfred LEPAPE (1925 Ð 1996), militant anarchiste pacifiste du Borinage. Il entra dans le mouvement libertaire au sortir de la seconde guerre mondiale. (Jean-Franois FEG, Aperu des collections du Mundaneum, Mons, Mundaneum, (collection des inventaires 4), 1999, p.12) 10 Paulette TEMERMAN, LÕAn-Archie, livres et priodiques, catalogue de lÕexposition, Mundanum, Mons, 1980 11 Comme le fonds dÕarchives sur lÕanarchie nÕest pas inventori compltement, nous en avons fait notre propre classement avec nos propres cotes dÕinventaire. Ainsi, chaque trave a t numrote. Il y a en tout huit traves numrotes de T1 T8. La trave 1 commence au dbut du fonds par les archives en provenance de Jean CORDIER. Une lettre a t assign chaque niveau de lÕtagre, il y a maximum sept niveaux. Les tagres sont donc divises de A jusque G (la lettre A correspondant lÕtagre la plus haute). Certaines botes, surdimensionnes, se trouvent dposes sur les tagres, elles ne seront donc pas mentionnes dans ce classement alphabtique. Enfin, chaque niveau est divis en maximum huit botes ou classeurs numrotes de gauche droite. Seul le fonds LEPAPE possde ses propres numros, indpendant de lÕemplacement des botes dans la trave) (voir Annexe I) 12 Jean DE BOè (20/03/1889 Ð 02/01/1974) militant anarcho-syndicaliste belge, typographe, il voyagea en Europe. Il adhra trs vite aux ides anarchistes. Lors de lÕaffaire Bonnot, un tribunal franais le condamna dix ans de bagne pour avoir hberg un des gangsters recherchs par la police. Il en sortit en 1922 aprs avoir purg sa peine, puis revint travailler en Belgique. Il collabora alors certaines revues anarchistes, parfois sous le couvert dÕun pseudonyme (QUERCUS, DEMO Georges). Il se lana en mme temps dans lÕaction syndicale. En 1937, il partit pour lÕEspagne, o il va adopter deux petites orphelines espagnoles. En 1941, alors que la gestapo 7. actif. Selon nos renseignements, ces archives concernent surtout lÕaction syndicale du militant (certes trs intressante et qui mriterait dÕtre tudie) et pas son activit dans les milieux anarchistes. Nous avons donc dcid de ne pas lÕexploiter. Enfin, nous avons pris contact plusieurs reprises avec le ministre de la justice pour avoir accs aux dossiers de la Sret de lÕtat dont nous souponnions quÕils devaient regorger dÕinformations sur les milieux tudis, qui faisaient lÕobjet dÕune surveillance attentive. Mais nos demandes ce sujet sont restes sans rponse. Nous savons pourtant que la Sret dispose dÕarchives sur ce mouvement. Ainsi par exemple, les archives du groupe lÕAlliance, dont nous parlerons dans notre travail, qui se trouvaient au domicile de lÕun des ses animateurs, Franois DESTRYKER13, ont toutes t saisies lors de perquisitions dans le cadre de lÕopration Ç Mamouth È initie par le ministre de lÕintrieur Jean GOL en 1984 pour remonter la piste des Cellules Communistes Combattantes (C.C.C.). Cette opration sera un chec concernant lÕenqute sur les terroristes. Par contre, elle permettra la Sret de lÕEtat de ractualiser ses fichiers politiques sur lÕensemble de la gauche. Nous nous sommes donc rabattu vers les papiers du Ministre du Travail et de la Prvoyance sociale, Lon-Eli TROCLET pour la priode couvrant les annes 1954-1958, rapports trimestriels manant de la Sret de lÕtat, consultables au C.E.G.E.S.14 Il nÕy est nulle part fait rfrence aux anarchistes, ce qui en soit constitue dj une information : sans doute ces milieux ne sont-ils pas jugs trop Ç dangereux È lÕpoque. Le deuxime type de sources que nous avons exploit fut les revues anarchistes parues pendant la priode tudie. En effet, comme le constate R. BIANCO15, la presse reprsente un trs bon moyen dÕapproche du mouvement libertaire. Son tude systmatique sÕavre indispensable. Dans certains cas, les publications reprsentent mme les seules et uniques sources dont nous disposons sur des aspects particuliers de lÕhistoire de lÕanarchisme. Les groupes appartenant la mouvance anarchiste utilisaient normment ce mode de communication. CÕtait un moyen de propagande privilgi. La presse avait aussi un rle de liaison entre les associations et les individus appartenant au mouvement anarchiste. De plus, de nombreux dbats ont eu lieu dans les pages des journaux anarchistes, ce qui nous permet de nous rendre compte des proccupations de ces milieux. Les actions entreprises par les groupes anarchistes y sont galement dcrites, ainsi que leurs buts. Enfin, le dpouillement des revues et le relev systmatique des noms des auteurs des articles, quand ceux-ci signaient ou utilisaient un pseudonyme identifiable, permet de reprer les personnes qui participent au mouvement, qui lÕaniment et qui sont les charnires entre les groupes et entre les idologies. Avant dÕtudier la presse anarchiste, il tait ncessaire dÕidentifier les publications qui peuvent tre considres comme relevant de cette tendance. Pour le dterminer, nous avons tait sur le point de lÕarrter, il fuit en France et revint se cacher en Belgique en 1943. En 1945, il unifia le mouvement du livre alors divis en six organisations et devient le secrtaire du Syndicat unifi du Livre et du Papier de Bruxelles et prsident de la Centrale de lÕIndustrie du Livre affilie elle-mme la Fdration Gnrale du Travail de Belgique (Jean MAITRON, Ç Jean DE BOè È in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais [ressource lectronique], Paris, Editions de lÕAtelier, Editions ouvrires, 1997 et Lo CAMPION, Ç Jean DE BOè È in JÕai russi ma vie, Paris, Editions Borrgo, 1985, p.74) 13 Franois DESTRYKER, (n en 1944). Alors quÕil entamait ses tudes Bruxelles, il fut trs impressionn par la grande grve et les manifestations de 1961. En 1965, la fin de ses tudes, il reut le prix de morale laque Francisco Ferrer et, intrigu dcida de sÕintresser ce personnage. CÕest ainsi quÕil fit connaissance avec les ides anarchistes et avec Hem Day. En 1967, il fut appel faire son service militaire, mais ne fut pas reconnu comme objecteur de conscience. Plus tard, il fut trs influenc par lÕouvrage de Daniel GUERIN, Pour un marxisme libertaire, qui tentait de concilier lÕanarchisme et le marxisme. Au milieu annes septante, il rompit compltement avec les ides anarchistes, privilgiant les thses marxistes et le communisme de conseil. (interview de Franois DESTRYKER) 14 Veiligheid van de Staat, tweede directie studiediensten, Driemandelijks bericht, 1954-1958, C.E.G.E.S., AA1684 15 Ren BIANCO, Ç Les anarchistes dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais È in Michel DREYFUS, Claude PENNETIER, Nathalie VIET-DEPAULE (dir), La part des militants. Biographie et mouvement ouvrier : Autour de MAITRON, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais, dition de lÕAtelier/dition Ouvrire, Paris, 1996, p.189 8. utilis comme outil de recherche la thse de Ren BIANCO16, qui rpertorie toutes les revues anarchistes francophones et les dcrit pour aboutir une synthse vraiment brillante des caractristiques de cette presse. Pour la Belgique, celui-ci relve dix-sept revues anarchistes francophones pour la priode de 1945 197017. Pour chacune dÕelles, lÕauteur mentionne le nombre de publications, la priode de parution et le lieu dÕdition. Dans les annexes, il en prsente galement les grandes caractristiques et cite les lieux o elles sont conserves. Ces informations nous furent trs utiles pour retrouver ces sources mme si, dans certains cas, lÕinformation donne quant au lieu de conservation nÕest pas ou plus exacte. La thse de BIANCO nÕest plus toujours dÕactualit, certaines revues ne sont plus en place, dÕautres ont disparu. Certains numros se sont donc rvls introuvables. Dans ce cas, nous nous sommes content de reprendre les informations fournies par Ren BIANCO, qui sont assez sres en gnral. Nous aurions aim, afin dÕvaluer le poids quÕavaient les revues, connatre le nombre dÕabonnements distribus en Belgique. Nous avons dÕailleurs, avec le soutien de notre directeur, entrepris une dmarche auprs de la Poste pour pouvoir consulter leurs archives bancaires. Mais nous avons d nous rsoudre ne trouver aucune information de ce ct-l : les archives bancaires de la Poste sont systmatiquement brles au bout de dix ans. Nous avons pu consulter les publications anarchistes en diffrents endroits. Certaines, mais assez peu finalement, se trouvaient la Bibliothque Royale ou au C.E.G.E.S. Nous avons aussi dcouvert des revues parpilles dans les diffrents fonds dÕarchives que nous avons dpouills. Mais cÕest au Centre International de Recherche sur lÕAnarchisme (C.I.R.A.) Lausanne que nous en avons retrouv le plus grand nombre. Les responsables du centre nous ont donn une grande libert dÕaccs ses collections, pour que nous puissions travailler selon les horaires qui nous convenaient le mieux. Enfin, dans le cadre de nos recherches, nous nous sommes rendu plusieurs foires du livre anarchiste Gand. Ces visites, si elles ne furent pas forcment fructueuses au niveau des priodiques dcouverts, nous ont permis de rencontrer des passionns du sujet, notamment les anarchistes du centre libertaire de Bruxelles, rencontres qui ont facilit notre travail quand nous avons voulu exploiter notre troisime type de sources : les sources orales. Pour rcolter celles-ci, nous avons ralis une srie dÕinterviews de vieux militants du mouvement dont, force de recherches, nous avons pu retrouver les coordonnes. Si la plupart taient ravis de pouvoir voquer leurs souvenirs de jeunesse, dÕautres ne furent pas toujours trs collaborant. Certains ont il est vrai parfois assez nettement pris leurs distances par rapport lÕidologie anarchiste. Nos contacts nÕont pas ncessairement pris la forme de rencontres personnelle. Nous avons parfois communiqu avec eux par courrier (postal ou lectronique), nous avons rencontr des proches dÕanarchistes disparus, certaines personnes nous ont envoy leur biographie, dÕautres nous ont fourni des documents dÕarchives, dÕautres encore ont accept de relire certaines parties de notre mmoire pour confirmer la vracit de nos propos. Ces renseignements nous furent prcieux, voire cruciaux quand nous ne disposions dÕaucune autre source sur le sujet. Le fait de prendre pour objet dÕtude une priode si proche prsente lÕavantage de pouvoir avoir recours ce type de sources. Nanmoins, celles-ci doivent tre utilises avec prudence. En effet, avec le temps, au-del de la slectivit de la mmoire, on constate parfois une certaine tendance modifier les faits, de faon consciente ou pas, afin de donner une image plus valorisante de son action. Aussi parfois avons-nous t confront certaines contradictions entre nos sources. Nous avons pris le parti de privilgier les sources crites et de considrer lÕinterview comme une source occasionnelle pour notre mmoire, laquelle nous nÕavons recouru que quand aucun renseignement ne pouvait tre trouv par un autre moyen. 16 Ren BIANCO, Rpertoire des priodiques anarchistes de langue franaise dans un sicle de presse anarchiste dÕexpression franaise 1880-1983, Thse pour le doctorat dÕtat, Aix-Marseille, 1987, 7 vol. 17 Voir Annexe II. 9. Notre dernier travail, et non le moindre, fut de mettre ensemble les lments rcolts pour leur donner un sens. A partir des donnes dont nous disposions, nous avons tent de dpeindre un tableau le plus complet possible de lÕactivit du mouvement anarchiste cette poque. 10. III. NOTIONS THORIQUES DE BASE Il nous a paru ncessaire de faire prcder notre travail dÕune mise au point terminologique sur les notions politiques utilises tout au long de celui-ci. En effet, nous ferons constamment rfrence dans les pages qui suivent un certain nombre de tendances politiques dont la signification exacte nÕest pas toujours vidente. Comme nous allons le voir immdiatement, la notion mme dÕanarchie est trs difficile dfinir. Il existe de plus entre certaines notions des distinctions assez complexes, subtiles, que nous allons tenter dÕclaircir. On distingue en effet diffrentes nuances dans lÕanarchie, auxquelles les anarchistes se rfrent tout le temps, et il est important de bien les saisir pour tre en mesure de comprendre leurs positions et leurs actions. La dfinition du terme anarchie pose dÕemble problme. Il sÕagit en effet dÕun mot minemment polysmique. Au-del du problme de la dfinition, une difficult supplmentaire apparat : le terme a connu une volution smantique qui fait que les significations se sont superposes. Signifiant au dpart Ç dsordre È, le mot a pour la premire fois t employ dans le sens prcis de doctrine politique par Proudhon en 1840 pour dsigner un Ç tat socitaire harmonieux rsultant naturellement de la suppression de tout appareil gouvernemental18 È. Au cours du temps, sous lÕinfluence notamment des attentats anarchistes de la Belle Epoque, le terme sÕest charg de connotations ngatives (dsordre, violence), vision qui domine lÕheure actuelle. Ainsi, si on regarde dans un dictionnaire usuel actuel comme le Robert par exemple, on constate que le terme anarchie ne se dfinit que par la notion pjorative de Ç dsordre È. Cette vision unique est trs ancre dans les mentalits. Au-del de cette dfinition, lÕanarchie est avant tout un systme politique dont lÕautorit, sous toutes ses formes (lÕEtat, le capital et la religion), serait exclue. Etymologiquement, lÕanarchie, vient des termes grecs an (a privatif) et arkh (gouvernement, autorit). LÕanarchie serait donc Ç un rgime social dÕo ser[ait] bannie, en droit et en fait, toute ide de salariant et de salari, de capitaliste et de proltaire, de matre et de serviteur, de gouvernant et de gouvern19 È. Selon les anarchistes, si lÕordre social tait bas non plus sur le principe dÕautorit, mais bien sur celui de Ç lÕentente, [É], il procde[ait] [alors] du principe de Libert20 È. Dans une telle socit, lÕindividu, Ç sÕengagera[it] librement [ou] ne voulant faire subir personne son autorit, il se refusera[it] subir lÕautorit de qui que ce soit21È. La vritable nature de lÕhomme ne se rvlerait que dans une telle socit, o Ç lÕindividu nÕaura[it] dÕobligation que celle que lui imposera[it] sa propre conscience22 È. On peut le constater, cette vision de lÕanarchie est tout fait diffrente de celle qui prvaut en gnral. Au contraire dÕun repoussoir, lÕanarchie serait un idal atteindre. Cela amena Elise Reclus dclarer, dans une formule reste clbre et qui peut sembler paradoxale : Ç LÕanarchie, cÕest lÕordre È. LÕanarchisme dans sa forme politique est parcouru par de nombreux courants. Nous en dfinirons les principaux, tout en sachant trs bien que lÕanarchisme nÕtant pas une doctrine arrte, dÕautres nuances peuvent tre tablies. Chaque anarchiste adopte en effet des 18 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 1, p.14 19 Sbastien FAURE, Ç Anarchie È in Sbastien FAURE (dir), Encyclopdie anarchiste, Paris, Librairie Internationale, tome 1, p.56 20 Ibidem, p.58 21 Ibidem, p.56 22 Ibidem, p.56 11. positions personnelles sur tel ou tel point thorique ou tactique de la doctrine, qui le diffrencie des autres. Cette caractristique a pour consquence quÕil y a autant dÕanarchismes que dÕanarchistes. Nous tenterons malgr tout dÕtablir de grandes distinctions gnrales. On peut distinguer dans lÕanarchisme deux grands courants distincts. Le premier, lÕanarchisme individualiste, trouve sa source dans les rflexions de penseurs comme John LOCKE, William GODWIN ou Max STIRNER. Ceux-ci ont pouss le libralisme son paroxysme. LÕanarchisme individualiste trouve sa force dans la critique de la socit qui, selon les partisans de cette tendance, oppresserait lÕindividu. Ainsi, comme le disait Emile ARMAND, un anarchiste individualiste surtout connu pour son apologie de lÕamour libre : Ç Les individualistes anarchistes sont des anarchistes qui considrent au point de vue individuel la conception anarchiste de la vie, cÕest--dire basent toute ralisation de lÕanarchisme sur "le fait individuel", lÕunit humaine anarchiste tant considre comme la cellule, le point de dpart, le noyau de tout groupement, milieu, association anarchiste23 È. LÕanarcho-communisme, encore appel communisme libertaire, dont BAKOUNINE et KROPOTKINE sont les reprsentants, cherche tablir une socit socialiste galitaire aux antipodes du libralisme. Les anarcho-communistes, lÕinverse des individualistes, Ç se proccupent avant tout des formes de production et des exigences de la vie collective24 È. Mais contrairement aux communistes, en tant que libertaires, ils sont hostiles toute forme dÕtat et dÕautorit, et ils sÕopposent donc dans les moyens et dans la forme lÕautoritarisme marxiste. CÕest BAKOUNINE qui fut la base de la scission de la Premire Internationale, il cra ainsi la premire variante de lÕanarcho-communisme : le socialisme rvolutionnaire. Pour lui, Ç les communistes croient devoir organiser les forces ouvrires pour sÕemparer de la puissance politique des tats. Les socialistes rvolutionnaires sÕorganisent en vue de la destruction, ou si lÕon veut [É] en vue de la liquidation des tats. Les communistes sont les partisans du principe et de la pratique de lÕautorit, les socialistes rvolutionnaires nÕont de confiance que dans la libert25 È. Au sein de la mouvance communiste libertaire, un nouveau sous-groupe va natre du besoin dÕorganiser le mouvement anarchiste pour le rendre efficace et pour construire la lutte rvolutionnaire. Ç LÕanarcho-syndicalisme est un mouvement [..] qui tient sa doctrine de lÕanarchisme et sa forme dÕorganisation du syndicalisme rvolutionnaire26 È. Une des figures de proue de cette pense, Emile POUGET, approuva en 1906 un texte, connu sous le nom de Charte dÕAmiens, qui affirmait que Ç dans lÕÏuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers ; lÕaccroissement du mieux-tre des travailleurs par la ralisation dÕamliorations immdiates ; [É] Mais cette besogne nÕest quÕun ct de lÕÏuvre du syndicalisme ; il prpare lÕmancipation intgrale [É]. Il prconise comme moyen dÕaction la grve gnrale et il considre que le syndicat, aujourdÕhui groupement de rsistance, sera, dans lÕavenir, le groupe de production et de rpartition, base de rorganisation sociale27 È. On le voit, ces diffrentes tendances ont pour point commun le rejet de lÕautorit, la lutte pour la libert. Chez les anarchistes, cette volont de libert fait lÕobjet dÕun combat politique. Ce nÕest pas le cas des libertaires, qui ne portent pas de rflexion politique sur la socit. Comme les anarchistes, ils rejettent lÕautoritarisme dÕinstitution et lÕimmixtion de celle-ci dans leur vie, mais leur opposition prend plus la forme dÕune attitude individuelle que dÕun combat politique. Ce qui les diffrencie des anarchistes, cÕest quÕils nÕont pas dÕidal de socit 23 Emile ARMAND, Ç Anarchie, anarchisme, individualisme, anarchiste È in Sbastien FAURE (dir), Encyclopdie anarchiste, Paris, Librairie Internationale, tome 1, p.69 24 Henri ARVON, L’anarchisme au XXe sicle., Paris, Presses universitaires de France, 1979, p.20 25 Daniel GURIN, Ni dieu ni matre : anthologie historique du mouvement anarchiste, Paris, La Dcouverte & Syros, tome 1, p.167 26 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.34 27 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 1, p.319 12. anarchiste. Leur lutte est moins visionnaire, peut-tre plus raliste et moins utopique. Vu de la sorte, le libertarisme est un courant prsent dans toutes les socits, toutes les poques et qui, gnralement, se limite de la contestation. Presque tous les individus se sont dj insurgs contre une injustice, un abus dÕautorit et ont donc, par l, manifest une attitude libertaire. Nous ne pourrons forcment pas parler de chacun dÕeux dans notre mmoire. Nous nÕaborderons que les libertaires qui, conscients de leur contestation, ont dcid de rejoindre ou de travailler avec les anarchistes. Dans cette partie prliminaire, nous aimerions galement dfinir ou du moins claircir dÕautres termes qui, sans se rapporter directement lÕanarchie, reviendront rgulirement tout au long de notre mmoire. Ainsi, il est important de bien comprendre la distinction que nous tablissons entre les termes anti-militarisme, pacifisme et non-violence. LÕanti-militarisme constitue une attitude de rejet : cÕest une opposition au militarisme, lÕarme. Ç LÕanti-militarisme a pour objet de disqualifier le militarisme, [É] dÕabolir le rgime des casernes28 È. On peut videmment trs bien se dclarer anti-militariste sans tre anarchiste. Par contre, lÕinverse nÕest pas vrai. En principe, tous les anarchistes souscrivent lÕanti-militarisme puisque le systme militaire comprend les notions dÕautorit, de hirarchie, dÕalination, bref, tout ce quÕils hassent. La socit militariste est lÕoppos de leur idal. Certains poussent le rejet du militarisme plus loin, en devenant pacifistes, cÕest--dire en rejetant aussi la guerre. Une bonne dfinition du pacifisme nous est donne encore une fois par lÕEncyclopdie anarchiste, selon laquelle le pacifisme est Ç lÕensemble des doctrines condamnant le principe de la guerre, prconisant lÕapplication de la morale aux rapports entre les peuples, poursuivant lÕabolition des guerres, la solution des conflits internationaux par des moyens pacifiques, tendant lÕinstauration dÕun rgime de paix internationale permanente29 È. Cette dfinition donne une vision unique, consensuelle, du pacifisme. Pourtant, lÕopposition la guerre peut prendre diffrentes formes et sÕassortir de nuances plus ou moins prcises. Ainsi, certains admettent la guerre dfensive et dÕautres pas, certains souscrivent la notion de patrie et dÕautres pas, certains considrent possible lÕtablissement dÕun rgime de droit et de paix dans lÕtat social actuel tandis que dÕautres pensent que la paix est impossible sans lÕabolition du capitalisme. Le pacifisme atteint son paroxysme avec la non-violence. Cette notion fut popularise en France grce aux premires actions de GANDHI. LÕinfluence dterminante que son action nonviolente exera dans lÕindpendance de lÕInde marqua beaucoup les esprit et fut souvent montre en exemple. On peut dfinir la non-violence comme une Ç doctrine[É] (ou systme de pense) qui vise[É] fonder sur une critique radicale de la violence la volont de chercher et de mettre en Ïuvre des moyens de lutte politique et sociale qui soient compatibles avec cette critique30 È. La non-violence a donc un double sens : opposition et action. Elle combine le combat contre lÕinjustice avec le refus dÕavoir recours la force. La grande diffrence entre les deux notions rside dans la notion dÕaction. Celle-ci est bien prsente dans la non-violence alors quÕelle est presque absente du pacifisme. Pour tre exact, la lutte existe bien dans le chef des pacifistes mais elle se limite une opposition la guerre alors que la lutte non-violente a un objet plus global puisquÕelle peut sÕtendre toutes les questions sociales. Pour certains, le pacifisme sÕassimilerait de la non-rsistance voire, dans le cas des pacifistes intgraux, de 28 s.n., Ç Anti-militarisme È in Sbastien FAURE (dir), Encyclopdie anarchiste, Paris, Librairie Internationale, tome 1, p.97 29 Ren VALFORT, Ç Pacifisme, pacifiste È in Sbastien FAURE (dir), Encyclopdie anarchiste, Paris, Librairie Internationale, tome 3, p. 1902 30 Christiona MELLON, Jacques SEMELIN, La non-violence, Paris, Presses universitaires de France (que sais-je ?), p.21 13. la lchet. A lÕinverse, la non-violence, mme en cas de refus intgral dÕutiliser la violence, possde des moyens dÕaction31. Il sÕagit de ce quÕon appelle lÕaction directe non-violente, qui peut prendre diffrentes formes : dsobissance civique, grve de la faim, manifestations,É Cette notion, comme toutes celles vues dans ce chapitre, fera lÕobjet de nombreuses discussions dans les milieux anarchistes que nous allons tudier. 31 Ibidem, p.22 14. IV. LE MOUVEMENT ANARCHISTE EN BELGIQUE Aprs ces diffrents chapitres prliminaires, nous allons entreprendre lÕtude proprement dite de lÕhistoire du mouvement anarchiste en Belgique. Nous dcrirons successivement les diffrents Ç lieux È o les anarchistes ou libertaires belges pouvaient se rencontrer et unir leurs efforts en vue de lÕavnement de leurs idaux. Par Ç lieux È, nous entendons deux ralits distinctes : les groupes et les revues. Nous avons pris le parti de ne pas sparer les deux car, dans les faits, groupes et revues fonctionnaient de concert. Les publications anarchistes taient toujours lÕmanation dÕun groupe de personnes, mme dans le cas o celuici nÕexistait pas formellement. Dans ce chapitre, nous dcrirons de faon relativement prcise les caractristiques des groupes et revues, leur mode de fonctionnement, les dbats et conflits qui sÕy sont drouls et les actions ventuelles qui y ont t menes. Il faut signaler que nous ne nous limiterons pas aux groupes et revues ouvertement anarchistes, nous tudierons galement ceux o des libertaires se sont montrs actifs. Il sÕagit dÕun travail assez mticuleux, qui peut sembler rbarbatif, mais qui est essentiel car, partir de ces donnes, nous pourrons dgager certaines tendances gnrales du mouvement (proccupations, difficults rencontres,É). Ces observations nous ont conduit distinguer diffrentes priodes dans lÕhistoire de lÕanarchisme belge cette poque. Nous sommes nanmoins conscient du caractre arbitraire de ce dcoupage. Nous voulions avant tout montrer lÕvolution du mouvement pour, en final, tenter de rpondre la question que nous avons annonce dans notre introduction : y a-t-il rupture ou continuit entre 1945 et 1970 ? Aussi avons-nous privilgi une structure chronologique. Nous aurions tout aussi bien pu adopter une structuration prenant pour base les tendances idologiques ou les situations gographiques. Cela aurait vacu lÕaspect diachronique, qui nous semble essentiel dans une tude telle que celle-ci. Nous serons particulirement attentif au fait de dterminer si, au fil du temps et de la succession des groupes, on voit rapparatre les mmes individus. Chacun dveloppant une vision particulire de lÕanarchie, on examinera les rapports de force qui se sont produits au sein du mouvement et leur rsolution : quelle tendance lÕa-t-elle emport, qui a pris lÕascendant sur les autres ? Nous mettrons particulirement lÕaccent sur les ventuels conflits de gnration qui se sont faits jour au sein du mouvement. Mais lÕhistoire de lÕanarchie ne se rsume videmment pas en une succession de conflits. Les solidarits entre les groupes seront galement mises en lumire. 1. 1918-1945 : Mise en contexte Avant de nous pencher sur la priode qui nous intresse, il nous a sembl important de rsumer en quelques lignes, surtout pour la Belgique, la situation du mouvement anarchiste pendant les annes qui prcdent. Celle-ci nÕtait gure brillante. En effet, depuis la fin de la premire guerre mondiale, le mouvement anarchiste belge connaissait une perte de vitesse importante. Cette situation tait due en partie aux sentiments de dsillusion envers lÕHomme et, plus encore, envers le mouvement anarchiste. Celui-ci nÕavait pas pu sÕunir pour refuser la guerre et certains anarchistes lÕavaient au contraire justifie et exalte ouvertement32, 32 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.41 15. notamment par la signature du Manifeste des Seize33. De plus, la rvolution russe dÕoctobre 1917 avait suscit lÕenthousiasme auprs de certaines personnes qui rallirent plus tard les mouvements communistes, se dtachant par l de lÕanarchisme34. Nanmoins, certains anarchistes belges, rests fidles leurs idaux, vont se lancer dans la propagande crite afin de lutter contre cette dsaffection. En 1921, une Fdration Communiste Anarchiste Belge vit le jour. Au sein de cette fdration, il y avait initialement trois groupes : celui de Bruxelles, celui de Lige et celui du Borinage35. Des personnalits anarchistes dont le nom reviendra trs souvent dans ce mmoire (ERNESTAN36, ADAMAS37, Camille MATTART38,É) en faisaient partie. Des congrs nationaux furent organiss rgulirement par la fdration durant lÕentre-deux-guerres39. Le mouvement anarchiste belge sÕenrichit cette poque de lÕarrive dÕItaliens exils pour des raisons politiques ou venus en Belgique pour y travailler. Ceux-ci sont principalement des anti-fascistes. Ils participeront activement au mouvement anarchiste40. Ainsi, cinq revues anarchistes en langue italienne furent dites Bruxelles dans lÕentre-deuxguerres, ce qui donne une bonne ide de leur importance41. Certains Belges collaborrent dÕailleurs ces publications et parfois les ditrent, comme par exemple Hem DAY, ERNESTAN ou Jean DE BOè42. La cration du Comit International de Dfense Anarchiste 33 Nom impropre donn la dclaration faite par quinze anarchistes europens (parmi lesquels KROPOTKINE, Jean GRAVE et le Belge Jules MOINEAU), qui se prononaient contre le retour la paix jusquÕau dpart de lÕenvahisseur allemand, justifiant de la sorte les politiques Ç dÕunion sacre È dans les cas o le pays tait menac par un rgime intolrable et imprialiste (Gaetano MANFREDONIA, LÕanarchisme en Europe, Paris, Presses universitaires de France (que sais-je ?), pp.85-86) 34 J-P VERHOEVEN, De quelques courants anarchistes franais confronts aux guerres 1914-1918 et 1939-1945, mmoire de licence, U.L.B., 1977, p.54 35 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, pp.43-44 36 ERNESTAN, (15/07/1898 Ð 17/02/1954) pseudonyme de Ernest TANREZ. Il prit contact avec le mouvement libertaire en 1921, anne o il commena crire dans un journal anarchiste avant de lancer son propre journal, Rbellion, pour soutenir la rvolution espagnole. Ds le dbut des hostilits de la deuxime guerre mondiale, il fuit en France o les autorits le dportrent au camp du Vernet. A son retour en Belgique, il fut de nouveau arrt, mais cette fois par les nazis, et intern au camp de Breendonck. Aprs la guerre, il continua son action de propagande dans diverse revues (Hem DAY, ERNESTAN (1898-1954), sa vie, son oeuvre, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1955 et Lo CAMPION, Le drapeau noir, lÕquerre et le compas, Wissous, Goutal-Darly, 1978, pp.130- 131) 37 ADAMAS (06/08/1869 Ð 02/08/1953), pseudonyme de Jean-Baptiste SCHAUT, militant anarchiste gantois dÕorigine franaise (n Roubaix), il collabora jusque dans lÕentre-deux-guerres diffrentes revues et groupes anarchistes (s.n., Ç Adamas È in S. ALARCIA [et al], Dictionnaire biographique des militants du mouvement ouvrier belge, Bruxelles, Editions Vie ouvrire, 1995 et Faire-part de dcs in Mundanuem, fonds Hem DAYVAN LIERDE, T3 C8) 38 Camille MATTART (n le 12 septembre 1886) Ouvrier mineur, principal animateur du groupe anarchiste de Flmalle durant lÕentre-deux-guerres et responsable de la revue LÕEmancipateur, il organisa lÕachat de matriel dÕimprimerie en 1929. Aprs la guerre, il soutint de loin les diffrentes actions du mouvement anarchiste, en envoyant de temps autre un article pour les revues libertaires ou en faisant don de petites sommes dÕargent. (Didier KAROLINSKI, Le mouvement anarchiste en Wallonie et Bruxelles, mmoire de licence, Universit de Lige, 1983, pp. 152-153 et Agenda de Hem DAY, 1965 in Mundaneum, fonds Hem DAYÐCORDIER, bote T1 D4 et lettre de Camille MATTART Hem DAY, le 17 septembre 1965 in Mundaneum, fonds Hem DAY, T4 E2, farde correspondance) 39 Didier KAROLINSKI, Le mouvement anarchiste en Wallonie et Bruxelles, mmoire de licence, Universit de Lige, 1983, 178 p. 40 Anne MORELLI, Ç LÕimmigration italienne en Belgique aux XIXe et XXe sicles È in Anne MORELLI (dir), Histoire des trangers et de l’immigration en Belgique : de la prhistoire nos jours, Bruxelles, Vie ouvrire, 1992, p.197 41 Anne MORELLI, La presse italienne en Belgique, 1919-1945, Leuven-Louvain, Editions Nauwelaerts (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine), 1981, p.5 42 Hem DAY donna sa bote postale comme contact pour les revues Bandaria nera, guerre au fascisme, auxquelles collaborrent aussi ERNESTAN et Jean DE BOè. Hem DAY collabora aussi Guerra di classe, le journal qui succda Bandiera nera (Anne MORELLI, La presse italienne en Belgique, 1919-1945, Leuven- Louvain, Editions Nauwelaerts (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine), 1981, 137p.) 16. (C.I.D.A.) en 1928 se fit dÕailleurs en collaboration avec les Italiens43. Ce groupe sÕest notamment battu pour dnoncer lÕoppression du rgime fasciste et pour faire cesser les expulsions et les extraditions dont furent victimes les immigrs politiques italiens44. Plus tard, une mme action sera entreprise en faveur des Espagnols45. LÕaide aux trangers eut toujours une place importante dans le travail des groupes anarchistes et surtout de Hem DAY. Ce dernier, ds les annes trente, accueillit pendant deux ans ASCASO et DURUTTI, deux leaders de la Fdration Anarchiste Ibrique dj en exil46. Il prta galement refuge de nombreuses personnes vivant dans la semi-clandestinit : des anarchistes no-malthusiens, des antifascistes italiens, espagnols, allemands, des juifs, des objecteurs de conscience de toutes les nationalits et ceci avant, pendant et aprs la deuxime guerre mondiale47. Dans ce but, il avait mis en place tout un rseau dÕvacuation, notamment vers lÕAmrique du Sud. Mais lÕarrive de lÕoccupant nazi disloqua tout, le mouvement se spara pour longtemps. Ainsi, certains anarchistes quittrent la Belgique pour la France, lÕAngleterre ou plus loin encore. Beaucoup vivaient dans la crainte que leurs actions passes ne leur causent des ennuis et attendaient impatiemment la chute de leurs nouveaux oppresseurs. Certains anarchistes belges ou trangers se lancrent dans la Rsistance, dÕautres choisirent la collaboration. Il y eut des arrestations, des condamnations, des dportations. Les idaux anarchistes de solidarit et de fraternit semblaient tellement loin de la ralit que certains en vinrent en douter48. Aprs la guerre dÕEspagne, qui avait dj rendu perplexes certains anarchistes49, la deuxime guerre mondiale et son cortge dÕhorreurs fit des ravages dans leurs rangs. LÕanarchisme mondial, plus que jamais affaibli, allait maintenant se retrouver coinc entre les deux nouveaux blocs qui se partageaient le monde, insatisfait des deux solutions proposes et incapable de faire entendre une voix alternative. 43 Plus dÕinformation sur le C.I.D.A. dans Raoul VAN DER BORG, Hem DAY Ð Marcel DIEU. Een leven in dienst van het anarchisme en het pacifisme, mmoire de licence, V.U.B., 1973, pp.70-94 et sur lÕanti-fascisme italien dans Anne MORELLI, Fascismo e anti-fascismo nellÕemigrazione italiana in Belgio (1922-1940), Roma, Bonacci, 1987, pp.103-111 44 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.49 45 Ibidem, p.54 46 Lo CAMPION, Les anarchistes dans la Franc Maonnerie ou les maillons libertaires de la chane dÕunion, Marseille, culture et libert, 1969, p.163 47 s.n. Ç Allocution de Louis BONFANTI È in Hommage Hem DAY , Paris-Bruxelles, Pense et Action, n¡40, p.17 48 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY , Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, pp.54-55 49 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 1, p.35 ou Gaetano MANFREDONIA, LÕanarchisme en Europe, Paris, Presses universitaires de France (que sais-je ?), p.108 17. 2. 1944-1952 : Tentatives de reconstruction On a vu quel point le mouvement anarchiste fut branl par la seconde guerre mondiale. Pourtant, peine les derniers combats livrs, on voit apparatre dans le chef de certaines personnes des tentatives de reconstruction du mouvement. Dans ce chapitre, nous allons tudier quatre groupes (dont une revue) qui jourent un rle dans ce redressement. Nous dcrirons ces groupes et ces revues du point de vue de leur histoire, de leur mode de fonctionnement et de leur idologie. Notons que mme si nous avons situ ces groupes dans le chapitre consacr la priode 1944-1952, ils ont parfois eu une existence beaucoup plus longue. Dans un souci de cohrence, les informations qui suivent iront donc au-del de lÕanne 1952. Comme nous le ferons toujours dans ce mmoire, nous prenons pour base la date de cration des groupes ou des revues afin de les Ç classer È. Le lecteur constatera que parmi les groupes tudis, un seul se dfinit clairement comme anarchiste. Les autres, en accueillant des anarchistes et en les laissant sÕexprimer, participrent aussi au renouveau libertaire. Ils ont pour objet des sujets chers au mouvement anarchiste : la justice sociale, le pacifisme, lÕanti-fascisme. Dans chaque cas, nous expliquerons pourquoi des anarchistes ont pu sÕy investir. ! Les Cahiers socialistes, Revue indpendante de critique sociale Cette revue nÕest pas dÕexpression anarchiste mais nous avons nanmoins dcid de lÕaborder car, comme son sous-titre lÕindique, elle se veut indpendante et tourne vers la critique sociale. De plus, un certain nombre dÕanarchistes y collaborrent, notamment ERNESTAN, personnalit importante du mouvement que nous tudions dans ce mmoire. Cette revue entretenait en outre des relations troites avec dÕautres groupes et organes de presse se rclamant quant eux clairement de lÕanarchie. Dans notre expos, aprs avoir prsent brivement lÕhistorique et les caractristiques Ç matrielles È de la revue , nous tcherons dÕen dcrire lÕidologie et de montrer en quoi celle-ci est conciliable avec lÕanarchisme et ce qui lÕen distingue. Nous attirerons galement lÕattention sur lÕvolution de la ligne ditoriale de la revue au cours du temps. Les Cahiers socialistes ont t crs pendant la seconde guerre mondiale, sous lÕimpulsion dÕun groupe de personnes qui sÕtaient rencontres lÕU.L.B. avant sa fermeture par lÕoccupant nazi50, au sein de la mouvance Ç de gauche È51. Ils furent bientt rejoints par dÕautres, plus gs, appartenant au courant socialiste depuis de nombreuses annes52. Les responsables de la revue ne changrent jamais durant les neuf annes de sa publication. LÕditeur responsable tait Raymond RIFFLET53, qui figurait galement parmi les principaux 50 Plus dÕinformations sur lÕU.L.B et lÕoccupation dans Andre DESPY-MEYER, Alain DIERKENS et Frank SCHEELINGS (dir), 25 novembre 1941, L’Universit libre de Bruxelles ferme ses portes, Bruxelles, Archives de l’Universit libre de Bruxelles, 1991, 221 p. 51 Notamment au sein des tudiants socialistes, du Cercle du Libre Examen ou encore du Cercle dÕHistoire (Laetitia VERHULST, L’aventure des Cahiers Socialistes : revue indpendante de critique sociale : novembre 1944 - novembre 1953, mmoire de licence, U.C.L., 2001, pp.42-48) 52 s.n. Ç Avant-Propos È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, n¡1, Bruxelles, novembre 1944, p.1 53 Raymond RIFFLET (21/12/1919 - 1997). Futur directeur gnral la Commission des Affaires Sociales des Communauts Europennes (Laetitia VERHULST, L’aventure des Cahiers Socialistes : revue indpendante de critique sociale : novembre 1944 - novembre 1953, mmoire de licence U.C.L., 2001, p.37 et p.173) 18. rdacteurs de la revue54, et le secrtariat tait pris en charge par R. MERJAY55. Le comit de rdaction tait lÕorigine compos de six personnes - E. TELLIER, G. VANDALE56, R. MERJAY, J. MAURICE57, Pierre DUMONT58, G.G. BRULAND59 - auxquelles vinrent trs vite sÕajouter R. DALLAS60 et P. OMER61. Ce nÕest quÕ partir du numro 18, la fin de lÕanne 1947, quÕERNESTAN, qui avait dj crit de nombreux articles, et Raymond RIFFLET sÕassocirent au comit de rdaction. On peut constater que tous les auteurs, au moins dans un premier temps, utilisaient un pseudonyme pour se prserver dÕventuelles reprsailles. Il ne faut pas oublier que la premire publication sortit des presses en novembre 1944, alors que la guerre nÕtait pas encore termine, la Bataille des Ardennes nÕavait mme pas encore eu lieu. La revue se prsentait sous forme de cahiers dÕun format de page A4 plie en deux dans une couverture cartonne62. Le nombre de pages nÕtait pas fixe ; celui-ci variait de trente-six cinquante-six selon les numros. Il nÕy avait pas rellement de priodicit, mme si on peroit au dbut la volont dÕen faire un mensuel, objectif qui va trs vite sÕavrer irralisable. Ds lors, les parutions sÕespaceront pour atteindre le nombre de trois numros par an partir de 1950 et ce jusque 1953. Malgr tout, on peut dire que la revue se portait plutt bien du point de vue des ventes63. Les auteurs ne furent jamais rtribus ; dans certaines circonstances exceptionnelles, ils nÕhsitaient pas au contraire apporter leur soutien financier la revue ou sÕoccuper eux-mmes de la distribution ou de la vente64. On constate quÕil y avait une certaine stabilit au niveau du prix de vente de la revue mme si toutefois, en 1949, le montant fut adapt Ç en raison de lÕaugmentation gnrale des frais dÕimpression65 È. Pour maintenir ses ventes, le Bureau mit sur place un abonnement qui offrait un numro gratuit par anne au contractant. Cela permettait la revue dÕavoir une bonne rentre dÕargent et de prvoir les cots. A la mme date, soit un an aprs la parution dÕun double numro spcial Congo66, qui connut un grand succs, apparut aussi un prix spcial pour la diffusion vers le Congo belge. Il faut galement signaler que la revue se vendait aussi en France partir de 1945. Le but de la revue tait dÕamener la rflexion et le dbat au sein de la mouvance socialiste. En dignes libre-exaministes, les auteurs refusaient tout dogme, mme socialiste. Leur but tait de crer le dialogue, dÕamener des rflexions constructives. Tous se regroupaient autour de la mme ide, le refus du totalitarisme, quÕil soit de gauche ou de droite. La monte du fascisme 54 Dans un premier temps, Raymond RIFFLET crivit sous le pseudonyme de E. TELLIER. (Ibidem, p.35) 55 R. MERJAY, Pseudonyme de Robert WANGERMEE (n le 21 septembre 1920). Docteur en Philosophie et Lettres, professeur lÕU.L.B., musicologue, il travailla la radio belge partir de 1946 et devint directeur adjoint des missions musicales de 1953 1960. Plus tard, il deviendra directeur gnral de la R.T.B. puis, de 1979 1984, administrateur gnral de la R.T.B.F. (Ibidem, pp.39-40 et pp.164-165) 56 G. VANDALE pseudonyme de Gilbert JAEGER (n le 23 octobre 1918). Futur Haut Commissaire adjoint aux rfugis lÕO.N.U. (Ibidem, pp.40-41 et p.165-166) 57 J. MAURICE, pseudonyme de Jacques MOREAU. Futur doyen de la Facult de Philosophie et Lettres dÕHeidelberg (Ibidem, p.41 et pp.79-80) 58 Pierre DUMONT, pseudonyme de Pierre VANBERGEN (n le 13 dcembre 1919). Futur chef de cabinet de Victor LAROCK et directeur gnral au Ministre de lÕducation nationale (Ibidem, p.41 et pp.167-168) 59 BRULAND G.G., Pseudonyme de Georges GORIELY (1921-1998). Il sortit docteur en droit de lÕU.L.B. en 1942 puis participa la Rsistance. En 1949, il devint docteur en philosophie et commena donner cours lÕU.L.B. Il tait aussi lÕanimateur de multiples activits scientifiques et politiques (Ibidem, pp.37-39 et pp.170-172) 60 R. DALLAS pseudonyme de Robert VAN SWIETEN (n le 24 novembre 1918). Il signait aussi sous le pseudonyme de R. DENYS. Il fut lÕorganisateur de lÕEnseignement Suprieur belge dans les annes 60 et futur Commissaire du gouvernement au centre Universitaire de lÕtat Mons (Ibidem, pp.86-87 et p.169) 61 P. OMER, pseudonyme de Omer PIRON (1912 - 15/091977). Futur animateur de Ç La pense et les Hommes È (Ibidem, p.83 et p169.) 62 Except pour les numros 5 7 63 La revue tirait mille exemplaires. Il arrivait quÕune deuxime dition sorte des presses lorsque la publication connaissait un gros succs (interview de Gilbert JAEGER) 64 Raymond RIFFLET, Ç LÕaventure des "Cahiers socialistes", novembre 1944 Ð Novembre 1953 È in Socialisme, Bruxelles , n¡146-147, avril-juin 1978, p.136 65 Le comit de rdaction, Ç Note de grance È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, n¡23, Bruxelles, Fvrier 1949, p.1 66 Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, Bruxelles, n¡s 16-17, juillet 1947, 130p. 19. et du stalinisme incita donc ses rdacteurs vouloir susciter un dbat sur la question de la dmocratie vritable. Pour eux en effet, ni les institutions dites dmocratiques, ni les partis dits socialistes ne sont capables de Ç dfendre efficacement les bases matrielles des principes de liberts et de dignits humaines67 È. LÕautoritarisme apparat invitablement comme le stade historique succdant au capitalisme libral, comme cela sÕest pass avant-guerre. Selon eux, ce mcanisme risque fortement de se reproduire aprs la libration, les principes de base de la socit nÕayant toujours pas t transforms. Ds lors, le but du groupe, pour contrecarrer cette volution, est de crer un mouvement, le Ç mouvement socialiste È, dont les principes taient noncs dans la charte publie dans le premier numro de la revue sous le nom de Manifeste aux hommes de bonne volont 68, intitul qui dnote bien le caractre trs Ç ouvert È de la revue. Celle-ci se voulait lÕexpression dÕun mouvement de pense bas sur des valeurs communes dÕactions (destruction par tous les travailleurs de la domination du capital et prise en main de lÕoutil de travail) et de morale (responsabilit et dignit dans le travail, panouissement de lÕindividu, droit des peuples disposer dÕeux-mmes, tablissement de relations pacifiques69, mancipation des minorits,É). Les anarchistes pouvaient parfaitement adhrer aux ides figurant dans la charte fondatrice de lÕorganisation. En effet, si la ligne ditoriale de la revue tait loin dÕtre anarchiste, celle-ci prnait malgr tout un socialisme libertaire qui tentait de donner une approche critique du marxisme. Pour ses auteurs, lÕessence mme du marxisme a t occulte par la doctrine trop rigide des socialistes et des partis. Il est important de laisser plus de libert aux socialistes, comme aux travailleurs. Cette approche rsolument libertaire les amena adopter, propos du dbat sur la participation lÕtat, conflit qui est la base de la scission de la Premire Internationale70, un point de vue plutt nuanc. Pour eux, les communistes, en conservant la notion dÕtat, perptuent un systme oppresseur tandis quÕen raction, les anarchistes prnent un individualisme Ç petit-bourgeois È dont les drives ne sont leur avis plus dmontrer. La solution rsiderait selon eux dans une alternative : lÕautogestion. La revue ne sÕaffichait certainement pas comme une revue tatiste. En effet, pour ses auteurs, Ç lÕtat nÕest ni une forme du socialisme ni un moyen de le raliser71 È. Malgr tout, ils estimaient que chaque individu avait le droit de faire valoir son idal socialiste au sein dÕun parti72. Bref, la revue sÕopposait catgoriquement lÕautoritarisme, elle se situait donc dans lÕidologie des socialistes libertaires, sans toutefois tomber dans Ç lÕextrmisme È des anarchistes, quÕelle considrait comme les Ç champions de la fainantise universelle et de la dissolution des obligations morales73 È. La revue connut de par son esprit critique un succs certain auprs de nombreuses tendances. Ainsi elle devint la lecture des Ç marxistes, [É] anarchistes, [É] syndicalistes, [É] indpendants "de gauche", [É] radicaux, [É] "lacs" militants, [É] chrtiens engags74 È, qui nÕhsitrent pas participer ensemble cette revue en dpit de leurs divergences dÕopinion 67 Le comit de rdaction, Ç Manifeste aux hommes de bonne volont È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, Bruxelles, n¡1, novembre 1944, pp.3-37 68 Le comit de rdaction, Ç Manifeste aux hommes de bonne volont È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, Bruxelles, n¡1, novembre 1944, p. ? 69 La revue fit entre autres beaucoup pour la cration, en 1947, du Mouvement pour les tats-Unis socialistes dÕEurope qui deviendra plus tard la Gauche europenne (Laetitia VERHULST, L’aventure des Cahiers Socialistes, revue indpendante de critique sociale : novembre 1944 - novembre 1953, mmoire de licence U.C.L., 2001, pp.127-160) 70 Jean PRPOSIET, Histoire de lÕanarchisme, (Paris), Tallandier, 1993, p.87 71 Le comit de rdaction, Ç Manifeste aux hommes de bonne volont È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, Bruxelles, n¡1, novembre 1944, p.26 72 Le comit de rdaction, Ç Extrait des statuts È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, Bruxelles, n¡1, novembre 1944, p.40 73 Le comit de rdaction, Ç Manifeste aux hommes de bonne volont È in Les Cahiers Socialistes. Revue indpendante de critique sociale, Bruxelles, n¡1, novembre 1944, p.22 74 Raymond RIFFLET, Ç LÕaventure des "Cahiers socialistes", novembre 1944 Ð Novembre 1953 È in Socialisme, Bruxelles, n¡146-147, avril-juin 1978, p.137 20. sur certains sujets. Cette revue, de par son clectisme, permit certains anarchistes de sÕexprimer par le biais dÕarticles trs engags qui, sous couvert dÕun socialisme libertaire, dveloppaient trs clairement leurs ides anarchistes. De plus, nous retrouvons ici des auteurs qui, loin dÕtre eux-mmes des anarchistes et sÕen dfendant dÕailleurs, collaboreront plus tard dans des publications tendance libertaire plus Ç extrmiste È75. La publication sÕtendit sur la priode de novembre 1944 novembre 1953, aprs quoi celleci fusionna avec la revue Socialiste en janvier 1954, dirige par Ren EWALENKO, qui tait le directeur de lÕInstitut Emile Vandervelde depuis 1953. Son comit de rdaction tait au dpart relativement indpendant du parti mais, au cours du temps, sÕen rapprocha fortement. Cette fusion traduit la volont affiche du groupe de fortifier le socialisme par lÕunification des forces. Pourtant, malgr la volont du comit de rdaction des Cahiers socialistes de garder leur ton critique et leur libert dÕexpression, une fois la fusion consomme, la revue rompit compltement avec toute idologie libertaire. Plus aucun militant anarchiste nÕcrivit dans ses pages. Idologiquement, la revue sÕorienta uniquement vers le socialisme tatique et sÕattacha beaucoup plus au marxisme que ne le faisait la revue des Cahiers Socialistes. LÕaccrochage que connut Omer PIRON avec les autres auteurs76 lorsquÕil dnona, dans son article Le marxisme, mythe moderne77, le dogmatisme marxiste78, cltura dfinitivement la priode de critique et de libert que permettait la revue Les Cahiers socialistes79. ! Pense et Action Le groupe Pense et Action, lÕinverse de ce qui a prcd, appartient quant lui clairement au courant anarchiste et constitue mme notre principale rfrence dans lÕtude des anarchistes belges durant lÕpoque prise en compte. Si Les Cahiers socialistes, par lÕespace dÕexpression quÕils ont offert certains auteurs anarchistes, contenaient des germes dÕun renouveau de ce mouvement, cÕest vritablement Pense et Action qui marque la renaissance de lÕanarchie en Belgique au sortir de la seconde guerre mondiale. Ce groupe a t fort actif et a compt parmi ses animateurs certaines figures de proue du courant qui nous intresse, personnalits qui reviendront constamment au fil de notre passage en revue des diffrents Ç lieux de rencontre È des acteurs du mouvement. Nous faisons videmment ici allusion Hem DAY, dont nous avons expliqu dans notre introduction la place essentielle quÕil tiendrait dans notre travail, mais aussi dÕautres personnalits qui joueront galement un rle assez important. De nombreuses personnes ayant ctoy de prs ou de loin le groupe se retrouveront par la suite dans dÕautres associations appartenant la tendance anarchiste. Nous pourrons ainsi nous rendre compte du caractre fortement imbriqu des relations qui existent dans ce milieu, lment essentiel que nous voudrions mettre en vidence dans notre mmoire. En raison de son importance et de lÕinfluence considrable que ce groupe exera, nous nous y attarderons plus particulirement. Nous en prsenterons lÕorigine, lÕhistoire, la composition, les tendances idologiques, les dbats et les projets qui y ont t mens. 75 Citons ds prsent P. OMER, R. DALLAS et R. RIFFLET 76 Signalons lÕarticle rponse de Stphan BERNARD, dans lequel il affirme : Ç la lecture des deux pamphlets dÕOMER sur le marxisme mÕa plong dans un double tonnement : celui de voir un auteur qui se dit socialiste aborder sur ce ton les problmes du Socialisme, et celui de voir une revue socialiste publier cette prose È (Stphan BERNARD, Ç Socialisme et Anti-marxisme È in Socialisme, Bruxelles, n¡13, janvier 1956, p.51) 77 Omer PIRON, Ç Le marxisme, mythe moderne, 1ire partie È in Socialisme, Bruxelles, n¡11, septembre 1956, pp. 462-468 et Omer PIRON, Ç Le marxisme, mythe moderne 2ime partie È in Socialisme, Bruxelles, n¡13, janvier 1956, pp.36-51 78 Ç Il nous parat souhaitable et ncessaire que le socialisme contemporain se libre de ses Ïillres marxistes et de ses routines intellectuelles, [É]È (Omer PIRON, Ç Le marxisme, mythe moderne 2ime partie È in Socialisme, Bruxelles, n¡13, janvier 1956, p.51) 79 Signalons dÕailleurs quÕ partir de cette date Omer PIRON nÕcrira plus jamais aucun article dans la revue 21. Le groupe fut fond le 28 mars 1945 la suite dÕune confrence de son animateur, Marcel DIEU, dit Hem DAY, intitule Ç Pour rompre le silence80 È. Le but du groupe tait dÕveiller et de dvelopper la conscience individuelle et intellectuelle pour lutter contre toutes les formes dÕautoritarisme81. Ils avaient en point de mire la rvolution mais leur contribution lÕavnement de celle-ci consistait en un travail sur lÕindividu et non sur la mobilisation dÕun mouvement de masse : Ç Il faut [É] mettre lÕaccent sur lÕindividu. L est lÕessentiel, l est notre but82 È. LÕlment fdrateur au sein du groupe tait lÕHumanisme. Une fois par semaine, le groupe se runissait au premier tage de la Brasserie Flamande83, dans le quartier de la Bourse. Ces runions prenaient le plus souvent la forme de confrences. En tout, plus dÕune centaine de confrences furent donnes84 sur divers sujets touchant des domaines aussi varis que la sociologie, la politique, lÕconomie, la psychologie, la littrature, la philosophie, les sciences, les Beaux Arts,É85 Les causeries taient gnralement lÕÏuvre dÕun des membres rudits du groupe, sympathisant ou ami86. Elles taient suivies par une trentaine de spectateurs, parfois une centaine87. Ces confrences taient accessibles tous moyennant un droit dÕentre de cinq francs pour les membres et de dix francs pour les nonmembres. La composition du groupe tait assez htroclite. On retrouvait parmi les membres de nombreux anarchistes ou libertaires comme ERNESTAN, Joseph DE SMET, Jean DE BOè, George SIMON, le docteur Jean CORDIER, Georges LORPHéVRE, Louis BONFANTI88, Jean VAN LIERDE, ainsi que des Espagnols et des Italiens issus gnralement de lÕimmigration ayant fuit ou fuyant le fascisme comme notamment Corrado PERISSINO89. Les anarchistes franais Bernard SALMON90 ou Lo CAMPION91 participrent galement parfois aux runions du 80 s.n., Ç Bilan de lÕactivit 1945 du groupe de Bruxelles È in Pense et Action, n¡ 4, 20 dcembre 1945, p.23 81 Tract Pense et Action, groupe de libre discussion, dit par Georges SIMON in AGR, fonds Hem DAY, dossier 107 82 Hem DAY, Ç Editorial È in Pense et Action, n¡1, 20 septembre 1945, p.2 83 Brasserie Flamande, 24, rue Auguste Orts, Bruxelles 84 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY , Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.55 85 s.n., Ç Bilan de lÕactivit 1945 du groupe de Bruxelles È in Pense et Action, n¡ 4, 20 dcembre 1945, p.23 86 Citons notamment certains membres du Mouvement Socialiste comme Raymond RIFFLET, Georges GORIELY,É 87 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.56 88 Louis BONFANTI, anarchiste et objecteur de conscience en 1939, il fut considr comme dserteur de lÕarme franaise. Il se rfugia en Belgique dans un premier temps chez Hem DAY et la sortie de la guerre sÕimpliqua dans les mouvements anarchistes et pacifistes (J. NEUVILLE, Ç BONFANTI Louis È in Jean MAITRON (dir), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais [ressource lectronique], Paris, Editions de lÕAtelier, Editions ouvrires, 1997 et s.n. Ç Allocution de Louis BONFANTI È in Hommage Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, n¡40, pp.16-19 89 Corrado PERISSINO, (n le 11 dcembre 1914). Anarchiste italien, immigr en Belgique, il fut actif, dans les milieux anarchistes et anti-fascistes des annes trente. En 1941, il fut arrt par les Allemands sur demande des autorits italiennes. Il continua son action dans les milieux anarchistes et anti-fascistes durant toute la priode que nous tudions (Anne MORELLI, La participation des migrs italiens la Rsistance belge, Roma, Ministero Affari esteri, 1982, p.120 et Anne MORELLI, Fascismo e anti-fascismo nell Èemigrazione italiana in Belgio (1922-1940), Roma, Bonacci, 1987, p.104 et p.108) 90 Bernard SALMON, (dcd le 08 avril 1979). Anarchiste pacifiste et franc-maon franais, il collabora diffrentes revues anarchistes pacifistes. Il sÕimpliqua dans la section franaise du W.R.I. et devint le correspondant et le gestionnaire de la revue Pense et Action en France. (Lo CAMPION, Ç Bernard SALMON È in Lo CAMPION, JÕai russi ma vie, Paris, Editions Borrgo, 1985, pp.145-146 et Hem DAY, Ç congrs triennal de lÕI.R.G du 27 au 31 juillet 1951 È in I.R.G., Bulletin priodique de la Section Belge de lÕInternationale des rsistants la Guerre, n¡22, septembre 1951, pp.2-4) 91 Lo CAMPION (24/03/1905 Ð 6/03/1992). Militant anarchiste, chansonnier. De nationalit belge, il vcut dans un premier temps Paris, avant de venir habiter Bruxelles dans les annes vingt. Il entra en contact avec les 22. groupe. Hem DAY voyageait souvent Paris pour les rencontrer. Ils taient trs lis et appartenaient dÕailleurs tous trois la confrrie burlesque du Ç Taste Fesses È92, qui fut fonde notamment par lÕartiste Boris VIAN et Henri MONIER, dessinateur au Canard Enchan93. Sur la trentaine de membres permanents de Pense et Action, la moiti tait issue de lÕimmigration94. Notons nanmoins que le nombre dÕanarchistes italiens avait fortement diminu depuis la deuxime guerre mondiale. Beaucoup furent en effet dports par les Allemands sur dnonciation de fascistes italiens ou expulss de Belgique aprs la guerre en raison de leur activisme, mme si ceux-ci avaient apport une aide prcieuse la Rsistance95. Bien que ces personnes provenaient dÕhorizons trs diffrents, elles se runissaient autour de lÕide du libertarisme. Ajoutons encore que parmi les personnes assistant aux causeries de Pense et Action, les seuls qui nÕappartenaient pas de prs ou de loin aux milieux anarchistes taient pour la plupart des francs-maons. LÕappartenance de HEM DAY la franc-maonnerie nÕtait un mystre pour personne lÕpoque. Il avait t initi en 1932 la Loge Ç Vrit È n¡852, du Droit Humain, Bruxelles96. ERNESTAN avait quant lui t initi la Loge Ç Action et Solidarit È n¡2, du Grand Orient de Belgique. Certains considraient mme Pense et Action comme un Ç repre È de francs-maons97. Cette accointance des milieux anarchistes avec la franc-maonnerie tait parfois assez mal vue par certains, qui la trouvaient contre-nature. Pourtant, il y a toujours eu des anarchistes au sein de la franc-maonnerie. Les loges maonniques accueillirent notamment Pierre-Joseph PROUDHON, Michel BAKOUNINE, Louise MICHEL, les frres RECLUS (Elie, Elise et Paul), Sbastien FAURE, Francisco FERRER, VOLINE,É Certains considrent cette appartenance comme tout fait normale, car ces deux groupements se rejoignent au moins sur un point essentiel : Ç Pour les anarchistes comme pour les francs-maons, le dnominateur commun est lÕhomme98 È. De plus la francma onnerie rige en principe la libert individuelle de chacun et se base sur la Raison, ce qui ne peut que convenir aux anarchistes. La loge prsenterait, selon les partisans de cette union, peu prs les mmes caractristiques que la socit libertaire : Ç Un maon libre dans une loge libre99 È. Mais cette vision des choses nÕest pas partage par tous les anarchistes, pas plus que par tous les francs-maons. Les anarchistes maons vont donc tenter dÕexpliquer leurs opposants les raisons de leur adhsion cet ordre. Ainsi, Hem DAY fera un expos sur ce sujet dans sa loge100. Lo CAMPION, lui-mme franc-maon101, crira quant lui deux ouvrages sur le sujet, ou plutt deux versions dÕun mme texte : la premire version, qui date de 1969102, tait destine aux initis tandis que la seconde version, parue en 1978, tait rserve aux milieux libertaires et sÕimpliqua dans les mouvements de libre pense. Il collabora certaines revues en tant que caricaturiste avant dÕentamer sa carrire de chansonnier. Il sÕinvestit avec Hem DAY, quÕil vient de rencontrer, dans la lutte pacifiste. Au dbut de la deuxime guerre mondiale, il fut dport au camp du Vernet et, une fois libr, il participa la Rsistance. Aprs la guerre, il cra lÕhebdomadaire satirique Pan. Tiraill entre Paris et Bruxelles, il choisit finalement la ville lumire pour relancer sa carrire artistique (thtre, chanson, cinma). (Jean-Franois FUèG, Ç CAMPION LoÈ in Nouvelle biographie nationale, vol. 5, 1999, p.33) 92 Les statuts de la confrrie des chevaliers du Taste-fesses sont retranscrits dans lÕautobiographie de Lo CAMPION (Lo CAMPION, JÕai russi ma vie, Paris, Editions Borrgo, 1985, pp.119-120) 93 Lo CAMPION, Les anarchistes dans la Franc-Maonnerie ou les maillons libertaires de la chane dÕunion, Marseille, Culture et libert, 1969, p.163 94 Interview de Jean VAN LIERDE 95 Anne MORELLI, Ç LÕimmigration italienne en Belgique aux XIXe et XXe sicles È in Anne MORELLI (dir), Histoire des trangers et de l’immigration en Belgique : de la prhistoire nos jours, Bruxelles, Vie ouvrire, 1992, p.199 96 Lo CAMPION, Le drapeau noir, lÕquerre et le compas, Wissous, Goutal-Darly, 1978, p.135 97 Interview de Gilbert JAEGER 98 Lo CAMPION, Le drapeau noir, lÕquerre et le compas, Wissous, Goutal-Darly, 1978, p.5 99 Ibidem, p.6 100 Manuscrit dÕHem DAY, LÕanarchie et la F.M., p.7 in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, bote T1 C1 101 Il fut initi le 7 avril 1930 la loge Ç Les Amis Philanthropes È Bruxelles (Lo CAMPION, Le drapeau noir, lÕquerre et le compas, Wissous, Goutal-Darly, 1978, p.150) 102 Lo CAMPION, Les anarchistes dans la Franc-Maonnerie ou les maillons libertaires de la chane dÕunion, Marseille, culture et libert, 1969, 242p. 23. Ç profanes È103. Entre les deux versions, on constate, outre une typographie diffrente (la version Ç usage interne È utilisait des abrviations familires aux maons, qui sont Ç traduites È dans la seconde version pour rendre possible pour tous la bonne comprhension), lÕomission de dtails ou de noms pour garantir lÕanonymat de certaines personnes. Cet ouvrage, assez amusant par les multiples anecdotes quÕil relate, ne suffira videmment pas convaincre tous les sceptiques. La question de la compatibilit de lÕanarchisme avec lÕorganisation maonnique constituera un dbat rcurrent tout au long de lÕhistoire du mouvement anarchiste104. Hem DAY sut habilement tirer profit de son appartenance la francma onnerie dans son combat pour lÕanarchie. Il nÕhsitait jamais faire jouer ses relations, qui taient nombreuses et parfois assez haut places, pour aider des camarades dans le besoin. Ainsi, selon Jean VAN LIERDE, il nÕtait pas rare que Marcel DIEU recommande lÕun ou lÕautre ami ses relations appartenant la magistrature afin de rgler certains problmes administratifs105. De mme, les militants anarchistes comptaient souvent sur son aide pour rgler leurs ennuis avec lÕadministration ou mme parfois pour trouver du travail !106 La communication du groupe avait pour support la revue Pense et Action. Une revue qui portait le nom de Vie et Action107 paraissait dj avant-guerre, sous la forme dÕun journal. HEM DAY en tait lÕditeur et lÕauteur. Fin 1945, Marcel DIEU, aid dÕun autre anarchiste, Georges SIMON, entreprit de se lancer dans la publication dÕune revue mensuelle, Pense et Action, qui se voulait lÕhritire de la prcdente et avait pour objectif de servir de tribune aux ides dveloppes au sein du groupe. Cela nÕtait pas vident lÕpoque tant donn les multiples contraintes administratives et matrielles exiges pour avoir lÕautorisation de fonder un priodique la libration (rationnement du papier, certificat de civisme, enqute et autorisations en tous genres,É108). Les deux hommes, en vrais libertaires, dcidrent de passer outre ces contraintes et cela ne leur causa jamais aucun problme. Cette revue devait servir de Ç lien entre tous ceux qui, par-del les mles dÕaujourdÕhui et de demain recherchent les bases possibles dÕune libre volution des hommes dans les socits109 È. Elle se dclarait donc ouverte tous, comme lÕatteste encore la formule inscrite sur la quatrime de couverture de chaque numro de la revue : Ç Pense et Action entend chercher, par-del tout sectarisme, toute idologie politique ou dogmatique, les lments dÕune culture authentiquement rvolutionnaire, dfendre le bien-fond des revendications essentielles de lÕesprit et des hommes ! 110 È. La revue connatra un nombre important de collaborateurs111. Nous retrouverons parmi ceux-ci des crivains non-anarchistes112, invits sÕexprimer sur des sujets trs varis. Les auteurs anarchistes prsentaient quant eux dans leurs articles une vision fortement intellectualise de lÕanarchisme. A cet gard, il est important de noter que si la revue et le groupe sÕappelaient Pense et Action, le groupe travaillait bien plus dans le sens de la pense et de la rflexion que de lÕaction. La majeure partie des articles ou des causeries abordaient des sujets philosophico-politiques. Peu taient dÕactualit. Les auteurs de ces diffrents articles ralisaient en fait bien souvent un travail dÕhistoriens. Ils faisaient Ïuvre dÕactualisation des penseurs qui leur taient chers. Ainsi, de nombreux articles (et confrences) traiteront de Sbastien FAURE, Han RYNER, Eugne HUMBERT, Francisco FERRER, Max NETTLAU, GANDHI, KRISNAMURTI, Runham BROWN ou 103 Lo CAMPION, Le drapeau noir, lÕquerre et le compas, Wissous, Goutal-Darly, 1978, 155p. 104 Voir par exemple infra p.105 105 Interview de Jean VAN LIERDE. 106 Lettre de Guy BADOT Hem DAY, Gilly, le 22 avril 1951 in A.G.R. fonds Hem DAY , dossier 399 107 s.n., Ç Allocution de Louis BONFANTI È in Hommage Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action n¡40, octobre-novembre 1970, p.17 108 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.55 109 Hem DAY, Ç Editorial È in Pense et Action, n¡1, 20 septembre 1945, p.1 110 Ibidem, p.1 111 Nous avons compt cent vingt-deux auteurs, y compris les auteurs dÕarticles repris dÕautres revues ou de textes sortis dÕouvrages plus importants et plus anciens 112 Citons par exemple la collaboration de certains fondateurs du Ç mouvement socialiste È 24. Etienne de La BOèTIE. Une partie importante des articles va aussi tre consacre lÕhistoire des mouvements sociaux (le 1er mai, la Commune,É) ou la culture (lÕexistentialisme, le surralisme, ZOLA, BALZAC,É). A ct de ces textes et exposs vocation culturelle, on trouvait quand mme des articles plus engags. Ainsi, les thmes de lÕanti-communisme tatique et de lÕanti-sovitisme tiendront une place importante dans les articles de Pense et Action, surtout ceux crits par Hem DAY. Une grande attention tait aussi accorde aux ides pacifistes. Une chronique pacifiste trouvait dÕailleurs sa place dans tous les numros de la revue. Le groupe connut un succs international. Sa revue fut envoye partout dans le monde : en Italie113, en Suisse114, au Vietnam115, au Costa Rica116. On peut dÕailleurs en retrouver des exemplaires dans de nombreuses bibliothques trangres, en France, en Hollande, en Suisse, en Angleterre, en Sude, au Danemark, aux tats-Unis et en Urugay117. Un compte en banque gr par Bernard SALMON fut dÕailleurs ouvert en France pour les abonnements des Franais. Les publications atteignirent quarante-six numros sur la priode de septembre 1945 dcembre 1952. Au dbut, Hem DAY comptait faire de sa revue un mensuel, projet auquel il parvint se tenir jusquÕen 1947. Par aprs, la suite de difficults financires, le bulletin devint double et bimensuel. A partir de novembre 1948, la revue fut confronte de graves problmes conomiques qui ne furent rsolus que grce lÕaide de Ç quelques amis [É] liquider les arrirs dÕimprimerie118 È. Ds lors, la revue continua paratre tous les deux mois pendant cinq numros aprs quoi elle ne parut plus quÕpisodiquement. Bref, en dpit du fait quÕaucun rdacteur nÕtait rtribu119, tout au long de son existence, la revue a t confronte des problmes dÕargent, dus notamment lÕaugmentation du prix des matires premires et de la main-dÕÏuvre120. De plus, on constate ds le dbut des publications que de nombreuses personnes ne payaient pas compltement leur abonnement, phnomne qui est prouv par les nombreux rappels aux lecteurs parus dans diffrents numros121. Enfin, la revue se vendait aussi en France, mais perte122. Pour essayer de limiter les pertes, Hem DAY, qui se plaignait de devoir tout faire seul123, dut dans un premier temps diminuer le nombre de pages. Ainsi, par exemple, les numros 9 et 10 passrent de trente-deux vingt-quatre pages. Il jumela ensuite les numros, ce qui permit de toujours conserver un nombre raisonnable de pages tout en limitant les frais de port. La correspondance de la revue tant trs leve, il sera aussi demand toutes les personnes qui crivent au journal et qui souhaitent une rponse de joindre un timbre leur lettre124. Bref, petit petit, le groupe va sÕenfoncer dans des gouffres financiers cause de la publication de la revue, si bien que celle-ci dut sÕarrter en 1952. La revue mensuelle cotait trs cher et demandait un investissement en temps trs important. De plus, Marcel DIEU, malade, ne pouvait plus en assurer la publication125. 113 Lettre du liceo scientifisco statale Ç alessandro volta È (Milano) Hem DAY, 12 dicembre 1962 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, farde correspondance T4 E1 114 Lettre Hem Day, Bsel, le 4 novembre 1952 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, farde correspondance T4 E1 115 Lettre de Nygyen VAN MANG (Saigon) Hem DAY, le 27 janvier 1951 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, farde correspondance T4 E1 116 Lettre de J.N. MOURELO, director de El Sol (Costa Rica), Hem DAY, 24 de noviembre de 1963 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, farde correspondance T4 E1 117 Hem DA Y, Ç Brochures de Hem DAY et brochures dites par les ditions Pense et Action È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.113 118 s.n., Ç A nos Amis (ies) Lecteurs (trices), Abonns (nes) È in Pense et Action n¡ 37, octobre 1949, p.1 119 Pense et Action n¡25, septembre1947, quatrime de couverture 120 s.n., Ç Aux Amis de " Pense et Action" È, in Pense et Action n¡ 46, dcembre 1952, p.1 121 s.n., Ç Avis important pour les abonns de Belgique È in Pense et Action n¡27, dcembre 1947, couverture intrieure avant 122 s.n., Ç Aux amis et abonns de France È in Pense et Action, n¡26, octobre-novembre 1947, couverture intrieure avant 123 s.n., Ç Deux mots aux amis È in Pense et Action, n¡ 26, octobre-novembre 1947, couverture intrieure avant 124 Pense et Action, n¡ 44-45, mars-avril 1951, couverture intrieure 125 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.56 25. Cette anne-l voit donc apparatre, dans la ligne de Pense et Action, Les Cahiers de Pense et Action. Jusque 1970126, des cahiers vont tre dits sur des thmes divers. Ils reprenaient des Ïuvres ou des extraits dÕÏuvres crites par des penseurs que Hem DAY admirait127 et qui avaient dÕailleurs dj souvent t abords dans les colonnes de Pense et Action. L encore, des problmes dÕargent vont apparatre comme en tmoigne le manque de priodicit des cahiers. Ces difficults semblent venir du fait que de nombreux numros taient envoys titre publicitaire des sympathisants potentiels ou amis, procd trs rpandu dans les milieux anarchistes128. De plus, il y avait des problmes de comptabilit importants et une grande dsorganisation. Ainsi, par exemple, des exemplaires des Cahiers taient encore envoys des personnes qui ne payaient plus leur abonnement et qui parfois crivaient la rdaction en sÕtonnant de continuer recevoir les nouvelles publications.129 Pour faire des conomies, lÕoccasion, Hem DAY rachetait des stocks dÕouvrages invendus traitant des ides anarchistes, en arrachait les couvertures et les remplaait par celles de ses cahiers. Ce fut notamment le cas en 1964 avec le cahier n¡26-27 sur Socialisme et libert, Marx et Bakounine, James Guillaume, soixante ans dÕhrsie, publi initialement aux ditions de la Bacounire Neuchtel ou encore le cahier n¡32-33 de 1966 intitul U.R.S.S., un tat patron dit au dpart par la Ruche ouvrire Paris.130 A ct de ces rditions de textes dÕauteurs clbres, Les Cahiers de Pense et Action publirent aussi des tudes, des biographies, des biobibliographies ainsi que des travaux plus modestes sur certains collaborateurs et amis de Hem DAY131, qui nous furent dÕailleurs bien utiles pour trouver des renseignements biographiques sur les acteurs du mouvement. A partir de 1950, lÕactivit du groupe ne va pas tarder dcliner. Mme si des runions se tiendront toujours aprs cette date, leur nombre semble moins important. Seul Hem DAY va continuer son travail de propagande. On retrouvera malgr tout encore Pense et Action lors des rencontres internationales soit pacifistes132, soit anarchistes133. ! LÕInternationale des Rsistants la Guerre (I.R.G.), section belge du War Resisters International (W.R.I.) Comme pour Les Cahiers socialistes, ce groupe nÕtait pas rellement de tendance anarchiste mais des libertaires en faisaient toutefois partie et se sentaient, sur certains points, trs proches des ides qui y taient dveloppes. LÕI.R.G. tait une institution pacifiste qui avait pour caractristique dÕtre la seule ne pas baser son refus de la guerre sur des fondements de nature religieuse. De plus, elle prnait un pacifisme intgral non-violent, ce qui tait assez original lÕpoque. En effet, comme lÕexplique Jean VAN LIERDE, il existait 126 CÕest en 1969 que Hem DAY publiera ses derniers Cahiers de Pense et Action, mais un dernier numro sera dit par ses proches en 1970 pour lui rendre un dernier hommage (s.n. Ç Hommage Hem DAY È in Pense et Action, Paris-Bruxelles, Pense et Action, octobre-novembre 1970, 54 p.) 127 Francisco FERRER, William GODWIN, Etienne DE LA BOèTIE, Barthlemy DE LIGT, Han RYNERÉ 128 Ren BIANCO, Rpertoire des priodiques anarchistes de langue franaise dans un sicle de presse anarchiste dÕexpression franaise 1880-1983, Thse pour le doctorat dÕtat, Aix-Marseille, 1987, vol. 1, p.193 129 Comme par exemple, un certain BORIE, ancien professeur la retraite (lettre de BORIE Hem DAY, le 10 juillet 1962 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, bote T3 A3) 130 Jean-Franois FUèG, Ç Des sources pour lÕhistoire du mouvement anarchiste È in Cent ans de lÕoffice international de bibliographie, 1895-1995, Mons, Mundaneum, 1995, p.363 131 Par exemple ERNESTAN, Manuel DEVALDéS (anarchiste individualiste, 5/02/1875 Ð 22/12/1956), Grard DE LACAZE-DUTHIERS (anarchiste pacifiste, 26/01/1876 Ð 6/05/1958) 132 Voir infra, pp.34-35 133 Voir infra, pp.95-104 26. durant la priode qui nous intresse de nombreux groupes pacifistes, mais deux seulement prnaient la non-violence : il sÕagit de lÕI.R.G., que nous tudions ici, et du Mouvement International de Rconciliation (M.I.R.)134. Jean VAN LIERDE, qui sera un acteur de tous les combats en faveur de la non-violence et particulirement de lÕobjection de conscience, travaillera dÕailleurs dans les deux organisations135 et nÕaura de cesse que de vouloir les unifier pour permettre un travail plus important et mieux organis136. Le fait que les anarchistes et libertaires puissent se retrouver au sein de cette organisation tient au fait que la dclaration de principe de lÕassociation tait : Ç La Guerre est un crime contre lÕHumanit. Pour cette raison, nous sommes rsolus nÕaider aucune espce de guerre et lutter pour lÕabolition de toutes ses causes137 È. Cette affirmation nÕtait videmment pas pour dplaire aux anarchistes puisquÕelle servait leur dmarche anti-tatique, la notion dÕtat figurant selon eux parmi les principales causes expliquant la guerre138. Le caractre areligieux du groupe, qui sÕopposait en cela son homologue (le M.I.R.), joua galement un grand rle dans lÕadhsion des anarchistes celui-ci. LÕInternationale devint donc rapidement un lieu de rencontre important pour les anarchistes, et pas uniquement au niveau belge. De nombreux anarchistes du monde entier sÕaffilieront au W.R.I. En Belgique, de nombreux membres de Pense et Action seront ainsi membres de lÕI.R.G.139 LÕI.R.G., et a fortiori la W.R.I., date dÕavant la seconde guerre mondiale. CÕest en 1921 que des rsistants la guerre issus de quatre pays europens se rencontrrent en Hollande dans un congrs international qui sÕest droul Bilthoven pour unir leurs actions. A lÕissue de cette rencontre, ils fondrent le groupe Ç Paco È (Paix en espranto), qui devint en 1923, aprs le transfert de son bureau Londres, la War Resisters International. LÕInternationale travaillait sur deux plans. Concrtement, il sÕagissait de soutenir les personnes qui rsistaient seules au militarisme et la conscription et, sur un plan plus philosophique, dÕessayer de raliser Ç un monde sans guerre et un nouvel ordre social o tous cooprent au bien commun140 È. A partir de 1925, des congrs internationaux du W.R.I. furent organiss tous les trois ans, except pendant la deuxime guerre mondiale. CÕest lors de ces congrs que la politique internationale de lÕassociation tait dtermine. Ces congrs regroupaient des dlgus des organisations affilies. Chaque organisation locale versait une cotisation calcule dÕaprs le nombre de ses membres, mais des fonds supplmentaires pouvaient tre demands lÕoccasion pour soutenir des grandes campagnes. Une partie de lÕargent servait combler le Fonds Gnral de Secours qui venait en aide aux pacifistes et leurs familles. Lors du vote, les voix des dlgus taient comptes en fonction du nombre de membres affilis, avec un maximum de cinq voix par dlgu. Un Conseil International de cinq neuf membres tait galement lu pour organiser les actions raliser entre les congrs internationaux et pour 134 Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, p.125 135 Ainsi que dans de nombreuses autres : Tmoignage chrtien (1948-1958), Route et paix (1952-1957) Coexistante (1957-1962) Carrefour de la paix (1962-1964), Service Civil de la Jeunesse, (S.C.J.), Burgerdienst voor de Jeugd, (B.D.J. )(1964), la Maison de la Paix Ixelles (avec lÕaide du Baron Antoine Allard et de lÕabb Paul CARRETTE) (1968), Paix sur Terre, Comit National dÕAction pour la Paix et le dveloppement, (C.N.A.P.D.) (1970) (Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, pp.175-192) 136 Pour la Belgique, cÕest partir de 1968 que le bulletin de la section belge de lÕInternationale des Rsistants la Guerre devint commun avec celui du M.I.R. Il faudra attendre 1976 pour que les deux groupes fusionnent en un seul appel M.I.R.-I.R.G. (plus dÕinformations dans Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, p.127) 137 Cette dclaration figure notamment en tte de tous les numros du bulletin 138 Hem DAY, Ç Pacifismes et tats, rapport prsent au congrs international du W.R.I., Londres juillet 1957 È in Documents de lÕInternationale de Rsistant Guerre (section belge), n¡5, Bruxelles, 1957, 11p. 139 Citons Hem DAY, Jean VAN LIERDE, Georges LORFéVRE, Jean CORDIER, Louis BONFANTI, Corrado PERISSINOÉ 140 Cahiers de prsentation de lÕI.R.G. Internationale des Rsistants la Guerre, Section de Belgique, Bruxelles, s.d., s.p. in C.E.G.E.S., fonds VAN LIERDE, dossier non-class 27. contrler le travail du Secrtariat. Deux Belges y travaillrent durant la priode que nous tudions : Hem DAY et Jean VAN LIERDE141. Au niveau de lÕorganisation, il existait diffrentes sections nationales ou locales, qui taient autonomes. Elles employaient les moyens dÕaction et de propagande qui leur convenaient le mieux. La section belge comptait une centaine dÕaffilis. LÕactivit du groupe consistait principalement en lÕorganisation de rencontres, de confrences-dbats auxquelles, selon les dires de Jean LEBON142, qui tait trs impliqu dans le mouvement cette poque, environs quinze trente personnes assistaient chaque fois143. La revue I.R.G., qui sÕappellera plus tard Non-violence et Socit, permettait un bon suivi de lÕactivit du groupe. Cette publication nÕtait pas proprement parler une revue, mais plutt un bulletin de liaison. Celui-ci tait envoy tous les membres et sympathisants de la section belge de la W.R.I. Seul un petit comit collaborait activement la revue et en rdigeait les articles. Certains numros taient dÕailleurs parfois uniquement composs dÕarticles manant dÕun seul et mme auteur. De plus, beaucoup de ces contributions nÕtaient pas signes. La majeure partie des articles se limitait donner un compte-rendu des activits de la section belge ou bien annonait celles venir. On compte peu dÕarticles de fond dcrivant lÕidologie du groupe et des participants son journal. Toutefois, cela nÕempchait pas certains anarchistes de prendre parfois des positions politiques, notamment sur le pacifisme intgral. Un des conflits importants qui va animer le dbat au sein de la W.R.I. et donc de lÕI.R.G. est la question de la participation aux instances politiques officielles. En effet, en 1959, des membres de lÕI.R.G. vont prsenter une liste aux lections lgislatives en Hollande. Un parti a t cr pour lÕoccasion, le Parti Socialiste Pacifiste. Son programme tait simple et radical : dsarmement complet sur le plan national et international, sortie de lÕO.T.A.N., disposition de dix pour cent de lÕancien budget de guerre lÕaide aux pays sous-dvelopps, liquidation de lÕarme dans le courant des annes venir, construction acclre de maisons, dÕcoles et amlioration de lÕinstruction144. CÕest lÕavocat Hein VANWIJK, un des initiateurs du parti et lui-mme candidat, qui va dfendre ce projet dans les colonnes du journal de la section belge de lÕI.R.G. A coups dÕarticles, toujours plus virulents, lui et Hem DAY vont essayer de sÕexpliquer. Pour Hem DAY et la frange anarchiste de lÕI.R.G., lÕaction parlementaire ne peut conduire quÕ un chec. LÕentre dans un Parlement, par le pouvoir et lÕautorit quÕelle confre, ne peut avoir quÕun effet dsastreux sur les candidats, y compris ceux qui y vont avec les meilleures intentions qui soient. Mais cette tentation tait inluctable selon lui : Ç Toute la gangrne du parlementarisme a ravag les esprits, mme chez ceux qui ont gard un semblant de raison, voire de bon sens dans cette superstition du nombre [É] oubliant que dans cette terre du pacifisme et de lÕanti-militarisme des Domela NIEUWENHUIS, des Barthlemy DE LIGT ont t farouchement des anti-parlementaires145 È. Le parti ne rcoltera que peu de voix, mais suffisamment cependant pour envoyer deux candidats sur les bancs du Parlement. Hem DAY ne se priva pas de leur faire remarquer leur incapacit faire respecter leur programme au milieu des autres reprsentants, dÕautant plus quÕils furent carts dÕoffice de toutes les commissions caractre militaire146. Hein VANWIJK envisageait 141 Ibidem 142 Jean LEBON (n en 1916). Il fut initi durant ses tudes secondaires aux ides pacifiste et antimilitariste par son professeur de franais qui lÕamena entrer dans lÕI.R.G. Paul OTLET lui enseigna les principes de la Classification Dcimale Universelle et le poussa encore dans son pacifisme. A la fin de la deuxime guerre mondiale, il devint le secrtaire de la section belge de lÕI.R.G. jusquÕen 1951 et puis son trsorier jusque 1954. Il affectionnait particulirement la non-violence de TOLSTOì et de GANDHI et dmontra lÕinfluence du premier sur le second dans un article paru dans Pense et Action. (Jean Lebon, Ç LÕinfluence de Tolsto dans la vie de Gandhi È in Pense et Action, n¡30-31, mars-avril 1948, p.6) (s.n., Ç Jean LEBON È in Repres, Krainem, Cercle de posie et de littrature de Krainem, n¡89, novembre 2001, pp.12-13) 143 Interview de Jean LEBON 144 Hem DAY, manuscrit, Puristes & politiques in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 7, farde 5 145 Hem DAY, texte dactylographi, Parti pacifiste in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 6, farde 1 146 Hem DAY, Ç Le parti pacifiste aux Pays-Bas È in Bulletin de la section belge de lÕI.R..G., n¡65, juillet 1959 28. quant lui le ct positif de la chose : la cration dÕun parti amnerait peut-tre le dbat pacifiste dans la socit et celui-ci pourrait catalyser toutes les nouvelles forces du pays pour devenir un poids au sein du Parlement et imposer ses conditions aux partis traditionnels147. Pour Hem DAY, seule lÕaction directe dÕun large mouvement de masse pourrait parvenir changer le cours de lÕHistoire148. LÕI.R.G., par son mot dÕordre trs libre, permettait la tenue de dbats sur tous les sujets et les anarchistes en profitrent pour exposer leurs ides. Ainsi par exemple, face au problme de la dcolonisation et de la guerre dÕAlgrie, les anarchistes, comme leur habitude, adoptrent un point de vue non-dogmatique. Certains se prononcrent contre lÕindpendance de lÕAlgrie, qui nÕamnerait selon eux quÕune dgradation des mÏurs et de la culture, dÕautres lÕinverse dfendirent le combat anti-colonialiste149. Le mme dbat parcourra les rangs pacifistes de lÕI.R.G.150 Ainsi, la Dclaration sur le droit l’insoumission dans la guerre d’Algrie, dite Manifeste des 121, fut signe en dcembre 1960 par des anarchistes, des pacifistes et des intellectuels de toutes tendances qui, au nom de la lutte contre le colonialisme, prenaient fait et cause pour les combattants algriens. Certains anarchistes nÕtaient pas favorables lÕindpendance nationale des anciens pays coloniss, mais cela ne veut certainement pas dire quÕils taient pour le colonialisme151. Selon une certaine logique anti-tatiste, ils nÕhsitaient pas condamner Ç la mystique et la farce de lÕindpendance nationale È, qui ne faisait que remplacer lÕoppression dÕun tat par un autre. Hem DAY, obissant aux principes du pacifisme intgral, refusera de signer le Manifeste des 121, ne voulant aucunement soutenir un camp puisque lÕun et lÕautre utilisaient la force arme et la violence. Il condamnait toutes les guerres, y compris celles dÕindpendance. Il se justifiait en dclarant que celles-ci taient plus du got des Ç disciples de Lnine È152. Ce refus dÕaccepter lÕinacceptable amena Hem DAY et ceux qui se rangeaient son avis condamner la position des anarchistes signataires. Cette attitude rappelait selon eux en certains points celle des anarchistes qui avaient sign le Manifeste des seize pendant la premire guerre mondiale. Pour les non-signataires, la seule solution pour lÕAlgrie serait la coexistence fraternelle des deux communauts, unies contre le colonialisme, et agissant main dans la main par le biais dÕactions directes non-violentes. La position de Hem DAY sur ce dbat fut largement diffuse dans la presse anarchiste mondiale153. La section belge de lÕI.R.G. fut prsente sur de nombreux terrains, elle collabora avec diffrents autres groupes, ce qui montre son ouverture dÕesprit et sa volont de voir aboutir ses revendications. Ainsi, une de ses plus importantes collaborations fut celle tablie avec les Jeunes Gardes Socialistes lÕoccasion de lÕorganisation de la manifestation Fusil-Bris, insigne du W.R.I., La Louvire, le 15 octobre 1961. La manifestation rencontra un beau succs : plus de 7000 jeunes se mobilisrent pour la paix sur les thmes de Ç non lÕarme, 147 J.H. WIJK, Ç Rponse de J.H.WIJK È in Bulletin de la section belge de lÕI.R..G., n¡67, novembre 1959, pp.2-3 148 Hem DAY, texte dactylographi, Parti pacifiste in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 6, farde 1 149 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.114 150 Hem DAY, A propos du manifeste des 121 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 18, farde 1 151 Hem DAY, Mystique et farce de lÕindpendance nationale, in A.G.R., fonds Marcel DIEU, dossier 84 152 Hem DAY, Ç Pourquoi je ne signe pas le "manifeste dit des 121" È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡6, de avril-juin 1961 pp. 27-28 153 Hem DAY, Ç Pourquoi je ne signe pas le "manifeste dit des 121" È in Bulletin de la section belge de lÕIRG, n¡74, fvrier 1961. Cet article fut aussi publi dans dÕautres revues, en Belgique, dans LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡6, de avril-juin 1961 ; en France, dans Les Cahiers du pacifisme, organe de la L.A..P., section franaise de lÕI.R.G., Paris, n¡54, 4ime trimestre 1960 et dans Le Bulletin intrieur de la Fdration Anarchiste Franaise, Bordeaux, n¡36, fvrier 1961 ; aux Etats-Unis, dans LÕadunata dei refrattari, New York, n¡11, Saturday, March 18, 1961 ; au Mexique, dans Tierra y libertad, Mexico, n¡ 217, juni 1961 29. non lÕOtan, non la guerreÈ154. A lÕoccasion de cette manifestation, ainsi quÕen dÕautres circonstances155, lÕI.R.G. distribua de nombreux tracts antimilitaristes. Enfin, lÕaction qui mobilisa le plus les pacifistes de lÕI.R.G. fut la lutte pour la reconnaissance du statut dÕobjecteur de conscience et, en contrepartie, la cration dÕun service civil. Tout le monde nÕtait pas acquis cette cause. En effet, certains sÕinterrogeaient sur lÕintrt dÕun statut, reconnaissance officielle par les pouvoirs en place, et, plus encore, sur la lgitimit du service civil, qui constitue une participation aux rouages de lÕtat. LÕI.R.G. fut la base de la cration en 1949 du comit dÕAction pour un Statut Lgal des Objecteurs de Conscience156, auquel participrent de nombreuses personnalits comme le dput Gaston BACCUS, qui fut le premier dposer un projet de statut au Parlement, Charles GHEUDE, Prsident de lÕUnion Internationale des Avocats, Alfred SCHOKAERT, futur parlementaire, Pierre VANBERGEN, qui crivait dans Les Cahiers socialistes sous le pseudonyme de P. DUMONT, Franois DETROYER, Directeur de la revue Prolo, le Baron Antoine ALLARD,É Les anarchistes, emmens par Hem DAY, refusrent dÕy participer, conscients malgr tout de lÕutilit que pouvait avoir un tel comit et un tel statut. Le projet de dfense dÕun statut fut soutenu par lÕI.R.G. jusquÕ sa concrtisation en 1964 et encore aprs, jusquÕ son perfectionnement en 1969. Les anarchistes, tolrants, laissrent sÕexcuter le travail des lgalistes sans trop de critiques, respectueusement157. Avant-guerre dj, ce sujet avait pris une grande importante pour lÕI.R.G., surtout lors du procs de CAMPION-Hem DAY158. A lÕissue du conflit, ce fut au tour dÕautres membres de lÕI.R.G. ou dÕautres associations antimilitaristes de refuser le service militaire. Ce fut le cas de Michel ERLER, Jean VAN LIERDE, Nol PLATTEUW, Jacques LEJEUNE, la famille GARCET (le pre, Robert GARCET, interdisait son fils, nÕayant pas encore atteint lÕge de la majorit, dÕeffectuer son service militaire) et bien dÕautres. Ainsi, travers les diffrents numros de la revue, on pourra suivre toute lÕactivit et le parcours des objecteurs de conscience, quÕils soient membres de lÕI.R.G. ou pas. ! Solidarit Internationale Anti-fasciste (S.I.A.) Outre le pacifisme, lÕautre cheval de bataille des anarchistes belges au sortir de la seconde guerre mondiale tait lÕanti-fascisme, cause qui tait la raison dÕtre du groupe Solidarit Internationale Anti-fasciste (S.I.A.), au sein duquel un certain nombre de militants anarchistes taient actifs. Il sÕagit dÕune association internationale ayant une Ç branche È belge. Nanmoins, nous avons dcid de lÕaborder dans ce chapitre, et non dans le suivant, qui concerne entre autres la participation belge aux groupes internationaux, car la section belge de la S.I.A. possdait un sige en Belgique et dveloppait une activit tout fait 154 Jean VAN LIERDE, Ç Le Fusil Bris È in Paix et Coexistence, septembre-octobre 1961, p.20 155 Ainsi par exemple, le tract distribu lors de la manifestation contre les bases allemandes en Belgique du 10 septembre 1960 fut imprim cinq mille exemplaires (Bulletin de la section belge de lÕI.R..G., n¡76, octobre 1960, p.2) 156 Interview de Jean LEBON 157 s.n., Ç Allocution de Jean VAN LIERDE È in Hommage Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action n¡40, octobre-novembre 1970, pp.20-21 158 En 1933, Lo CAMPION et Hem DAY ayant fait leur service militaire, dcidrent de renvoyer leur carnet militaire au Ministre de la Dfense. Ils furent de suite rappels dans leurs rgiments dÕorigine. Refusant de sÕy rendre, ils furent passs devant le Conseil de Guerre pour dsertion. Aprs quelques mois de prison et une forte mobilisation en leur faveur, ils furent renvoys de lÕarme. Pour plus dÕinformations, lire CAMPION-Hem DAY, Autour du procs, Bruxelles-Paris, Pense et Action, 1968 ou Didier KAROLINSKI, Le mouvement anarchiste en Wallonie et Bruxelles, mmoire de licence, Universit de Lige, 1983, pp.114-134 30. indpendante159. Par cette activit, elle a pris une part assez importante dans le renouveau du mouvement anarchiste en Belgique francophone. La premire S.I.A. a t cre en juin 1937 en Espagne pendant la guerre civile. Il sÕagissait dÕun rseau international de solidarit contre le fascisme. A cette poque, ses membres entendaient ragir aux agissements de certains organismes de secours, qui nÕtaient en fait bien souvent que des appendices de partis politiques pratiquant la solidarit dans une volont de propagande. A lÕinverse, la S.I.A. se proposait de sÕoccuper des Ç victimes du fascisme et de lÕimprialisme multiforme, sans se proccuper de leurs tendances syndicales, politiques ou philosophiques160 È. La section belge de la S.I.A., a.s.b.l. dont les statuts ont t publis dans le Moniteur du 18 mai 1946161, faisait partie de ce vaste rseau de lutte contre le fascisme qui comptait plus de cinq cent cinquante sections et douze mille adhrents162 et tait lÕhritier de celui cr en 1937. Selon ses statuts, et dans la ligne philosophique de la premire S.I.A., la section belge se proposait de Ç secourir les individus et les organisations anti-fascistes dans la mesure du possible et sous tous les aspects que peut revtir la solidarit163 È. Le soutien aux antifascistes comportait aussi bien une aide conomique que juridique. A lÕorigine de lÕa.s.b.l. Ç Section belge de Solidarit Internationale Anti-fasciste È se trouvait un trio organisateur : Jean DE BOè, qui devint le secrtaire et le rdacteur responsable de la revue, Joseph DE SMET164, qui sÕoccupait de la comptabilit, et Franois KOECK165, qui en tait le trsorier. Ces fondateurs eurent normment de pouvoir dans lÕorganisation. A eux trois, ils formaient un comit qui prenait seul la dcision dÕautoriser ou pas lÕadhsion dÕun nouveau membre. Il est important de souligner lÕappartenance idologique de ces fondateurs au courant anarchiste. Comme son nom le laisse suggrer, lÕorganisation regroupait tous les anti-fascistes, quelle que soit leur tendance politique, mais dans les faits elle se limitait rassembler des anti-fascistes non-staliniens. Notons galement que lÕassociation constituait aussi un lieu de rencontre pour les immigrs qui avaient fui leur pays et leur rgime totalitaire, principalement durant lÕentre-deux-guerres mais aussi aprs la deuxime guerre mondiale. CÕest pourquoi lÕassociation prit aussi la dfense des demandeurs dÕasile166. Ainsi, on verra de nombreux Espagnols dans lÕorganisation et il ne fut pas rare que la S.I.A. se runisse et travaille en commun avec les anarcho-syndicalistes espagnols de la Confdration Nationale des Travailleurs (C.N.T.)167, une des raisons sans doute de la participation active de Jean DE BOè, qui se rclamait aussi de cette tendance. La guerre dÕEspagne et lÕexil rpublicain qui la cltura amena un peu moins de huit cents personnes trouver refuge en Belgique, sans compter les trois mille enfants adopts. Cette Ç vague È dÕimmigration constitua les premires bases des organisations anti-franquistes en Belgique168. Au sortir de la deuxime guerre mondiale, le gouvernement espagnol en exil encouragea le rassemblement de toutes les tendances de la gauche espagnole (communistes, socialistes et anarchistes) au sein dÕun seul et mme groupe pour les rendre plus fortes169. Ainsi se cra, dans un premier temps, une junte espagnole de libration qui publia notamment, 159 Nous avons fait le mme raisonnement quand nous avons trait de lÕI.R.G. 160 Programme du Grand Gala de Solidarit de la S.I.A. du 14 mars 1948 in AGR, fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 161 Invitation lÕA.G. de la S.I.A. 1960 in AGR, fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 162 Circulaire S.I.A., n¡1, Toulouse, le 12 dcembre 1948 in AGR, fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 163 Statuts de lÕa.s.b.l. Section belge de Solidarit Internationale Anti-fasciste (S.I.A.), Moniteur belge, n¡1343, 18 mai 1946 164 Joseph DE SMET, anarchiste individualiste belge, il tait alors employ 165 Franois KOECK, membre fondateur de la S.I.A. Il tait ouvrier 166 Citons notamment lÕaffaire OCTAVIA ALBEROLA in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, T2 17 167 Agenda de Hem DAY in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, bote T1 D4 168 Maria-Jos SANCHEZ, Ç Les Espagnols en Belgique au XXe sicle È in Anne MORELLI (dir), Histoire des trangers et de l’immigration en Belgique : de la prhistoire nos jours, Bruxelles, Vie ouvrire, 1992, p.256 169 Ibidem, p.261 31. en mai 1945, un tract expliquant lÕintrt dÕune union entre tous les anti-fascistes espagnols. Selon eux, cela permettrait Ç dÕaider dÕune manire plus efficace les compatriotes dÕEspagne qui continuent sans cesse lutter contre lÕodieux rgime fasciste È mais aussi Ç de veiller la dfense des intrts appartenant aux rfugis politiques et autres migrs espagnols È. Ce tract publi en espagnol et en franais mentionnait le fait quÕailleurs dans le monde aussi de nombreuses autres associations de regroupement taient en train de se mettre en place. Ce tract tait sign par le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, la Confdration Nationale du Travail, lÕUnion Gnrale des Travailleurs et le Mouvement Libertaire170. Selon certains historiens, le nombre dÕanarchistes espagnols en Belgique serait minime durant la priode que nous tudions, il serait mme quasiment nul. Pourtant, le nombre dÕEspagnols dans le pays depuis la deuxime guerre mondiale ne cessa dÕaugmenter surtout partir du dbut des annes soixante171 et si cette immigration nÕtait plus politique mais essentiellement conomique, la population espagnole resta toujours trs politise172. Aussi, nous retrouvons les traces de la C.N.T. en 1960 comme diteur dÕun tract sorti lÕoccasion du mariage royal de Baudouin et Fabiola en collaboration avec dÕautres organisations espagnoles (le Club Federico Garcia Lorca et la Fraternelle hispano-belge pour la troisime Rpublique) et la S.I.A. Celui-ci avait pour but de dnoncer aux citoyens belges les pnibles conditions de vie du peuple espagnol sous la dictature franquiste et la collaboration passive de la famille royale et des milieux clricaux173. Plus tard encore, en novembre 1965, des reprsentants de la C.N.T. ouvrirent un nouveau local, le Centre Libertaire, la rue des Tanneurs Bruxelles174. Cette activit nous a t confirme lors de nos interviews. Certaines personnes nous ont en effet signal lÕexistence dÕun assez important groupe dÕEspagnols actifs dans les milieux anarchistes et dont la rflexion et lÕaction taient centres sur les vnements dÕEspagne. Ceux-ci auraient principalement diffus les revues de la C.N.T. en exil et dÕautres groupes anarchistes espagnols. Les bnfices des diverses activits de la S.I.A. taient destins intgralement aider directement les anti-fascistes espagnols qui souffraient dans les prisons et les hpitaux dÕEspagne175. Pour coordonner les activits du groupe, une runion trimestrielle tait organise avec tous les membres au local de la S.I.A. qui se trouvait au Caf des deux Bcasses Bruxelles. Une permanence y fut tenue pendant de longues annes tous les mardis 20 heures. En 1950, lÕassociation sortit une publication qui fut principalement rdige par Jean DE BOè. Ce petit fascicule traitait presque exclusivement de la rpression policire contre les militants anarchistes en Espagne et plus particulirement de lÕassassinat des quatre militants anarchistes espagnols Luciano ALPUENTE, Wenceslao GIMENEZ, Francisco MARTINEZ et Jos SABATE qui avait t perptr cette anne-l176. Le groupe avait une certaine envergure puisque, si on en croit les archives que nous avons consultes, lors de lÕune des premires ftes organises la salle des Tramways par la section belge de la S.I.A, plus de quatre cents personnes furent prsentes et trois cent dix-huit 170 Tract de la Junte Espagnole de Libration, Comit de Belgique, Bruxelles, le 25 mai 1945 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 171 Maria-Jos SANCHEZ, Ç Les Espagnols en Belgique au XXe sicle È in Morelli (dir), Anne MORELLI (dir), Histoire des trangers et de l’immigration en Belgique : de la prhistoire nos jours, Bruxelles, Vie ouvrire, 1992, p.257 172 Ibidem, p.264 173 Tract Vive lÕEspagne libre in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, dossier T2 A7 174 Centre Libertaire, rue des Tanneurs 114, Bruxelles 175 Affiche datant de 1949 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 176 S.I.A. dans Ren BIANCO, Rpertoire des priodiques anarchistes de langue franaise dans un sicle de presse anarchiste dÕexpression franaise 1880-1983, Thse pour le doctorat dÕtat, Aix-Marseille, 1987, vol.3 32. dÕentre elles payrent un prix rduit, avantage sans doute rserv aux membres177. Pourtant, petit petit, lÕorganisation va commencer rencontrer des problmes financiers dus principalement lÕabsentisme de ses membres et leur abandon de la cause anti-fasciste. La S.I.A. va donc devoir ragir et faire des efforts de propagande pour faire revenir les anciens militants. Le 25 janvier 1958, Jean DE BOè rdigea un manifeste pour tirer la sonnette dÕalarme178. Un appel Ç au secours de la dignit humaine È est lanc pour ramener dÕanciens camarades179 . Ds ses dbuts, lÕassociation rassemblait principalement des intellectuels. On comptait dans ses rangs peu de travailleurs ou de jeunes, ce que regrettaient dÕailleurs ses dirigeants180. Pour essayer dÕassurer une relve la S.I.A., lÕorganisation va largir sa gamme dÕactivits, qui jusque l consistaient surtout en confrences ne rencontrant plus gure de succs, en organisant des cin-clubs181. En 1958, un changement important de direction va sÕoprer au sein de la S.I.A. puisque Jean DE BOè semble jeter lÕponge. Il dcida de laisser la place la jeunesse, en lÕoccurrence Stphan HUVENNE. Un changement de local semble aussi sÕeffectuer la mme poque, le groupe se runissant dornavant au Caf de la Paix182. Le nom du nouveau local du groupe traduit la nouvelle orientation de lÕassociation, qui va largir son champ de proccupations pour sÕinvestir de plus en plus dans les milieux pacifistes. Ainsi, par exemple, le 23 avril 1960, la S.I.A. invita Jacques LEJEUNE, objecteur de conscience et auteur du livre Tu ne tueras point, venir parler du pril atomique lors dÕune confrence au Centre International Prsence Africaine183. La S.I.A. sÕest encore investie dans diffrentes manifestations pacifistes. Ainsi, en 1960, le groupe a envisag dÕapporter son soutien lÕorganisation de la marche antiatomique de Mol Anvers. Finalement, la S.I.A. se retira de ce projet pour ne pas tre mle aux Ç trotskistes È184 qui se trouvaient parmi les Jeunes Gardes Socialistes et parce quÕelle ne pouvait dcemment sÕassocier lÕInitiative Bruxelloise pour la Dtente Internationale, qui comptait faire participer le comit organisateur de la marche divers groupements patriotiques lors dÕune veille nocturne aux flambeaux autour de la tombe du Soldat inconnu185, chose videmment impensable pour les libertaires de la S.I.A.186 La S.I.A. sÕinvestit aussi dans la coordination dÕactions pour la paix lances par LÕAnti-antitoutiste pour la paix187. Enfin, le groupe entra en relation avec des personnalits comme lÕanarchiste pacifiste franais Louis LECOIN, lequel envoya quatre mille affiches dites par le comit pour lÕEspagne libre Bruxelles, qui seront saisies leur arrive le 7 mars 1964 par les services de douane belge188, ce qui montre bien le caractre subversif que celles-ci devaient avoir lÕpoque. 177 Bilan de la fte de la S.I.A. (2 septembre 1946) in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 178 Circulaire sur le cinma, s.d. in AGR, fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 179 Programme de 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 180 Rapport de 1959 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 181 Circulaire de 1959 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1 182 Caf de la Paix, 46 rue des Chapeliers, Bruxelles 183 En 1958, le centre de documentation internationale dmnagea au 220 de la rue Belliard et accueillait dans ses locaux les Amis de la Prsence Africaine et la libraire Le livre Africain. (Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, p.184) 184 Ç De 1955 1964, les militants trotskystes [É] formrent la majorit au sein du Comit excutif national de la J.G.S. È (Marc LORNEAU, Ç Le mouvement trotskyste belge : septembre 1939-dcembre 1964 È in Cahiers Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n¡s 1062-1063 du 21 dcembre 1984, p.37). Pour plus de renseignements sur la politique dÕentrisme des trotskistes au sein des partis de gauche et principalement du P.S.B. et de ses organisations connexes, voir Marc LORNEAU, Ç Le mouvement trotskyste belge : septembre 1939-dcembre 1964 È in Cahiers Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n¡s 1062-1063 du 21 dcembre 1984, 57p. 185 Lettre de Robert FALONY, du Bureau National des Jeunes Gardes Socialistes, au secrtariat de la S.I.A., le 20 mars 1960 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 2 186 Manuscrit de Hem DAY in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 2 187 Voir infra p.56 188 S.I.A. dans Ren BIANCO, Rpertoire des priodiques anarchistes de langue franaise dans un sicle de presse anarchiste dÕexpression franaise 1880-1983, Thse pour le doctorat dÕtat, Aix-Marseille, 1987, vol. 3 33. Durant cette priode, la S.I.A. travaillait toujours main dans la main avec les organisations anarchistes belges. Ainsi, par exemple, elle organisa des sances communes de discussion avec le groupe Pense et Action ainsi quÕavec le Cercle la Botie, dont nous parlerons par la suite189. De mme, les confrenciers invits sÕexprimer lors des runions de la S.I.A. furent souvent des personnalits bien connues des milieux libertaires ou du moins des sympathisants. Citons notamment Hem DAY190, Louis BONFANTI191, Georges LORPHéVRE192 ou Jean VAN LIERDE193, tous membres de lÕI.R.G. ou de Pense et Action194. A la fin des annes 1960, une rupture importante semble avoir lieu au sein de la S.I.A. entre lÕancienne et la nouvelle gnration dÕanti-fascistes. Certains, emmens par Stephan HUVENNE, taient dÕavis quÕil fallait organiser des actions plus spectaculaires voire violentes, ce qui ne fut pas du got de tous et principalement des membres non-violents. CÕest pour cette raison sans doute que les jeunes anti-fascistes espagnols membres de la S.I.A. dcidrent de quitter celle-ci et de se retrouver au sein de la Fdration Ibrique des Jeunesses Libertaires (F.I.J.L.) alors en exil sur notre territoire195 dont nous reparlerons par la suite. 3. 1952-1959 : Unification et Rupture Durant la priode qui prcde, certains groupes anarchistes ou runissant des anarchistes se sont forms. Des anarchistes taient actifs dans diffrents combats, mais on ne peut pas vraiment parler de mouvement anarchiste. En effet, sÕil existait certains liens entre les groupes, on ne peut constater de vritable unification. La priode que nous allons maintenant tudier, bien quÕassez pauvre en manifestations de lÕanarchisme, est marque par la cration dÕun groupe (le seul n durant la priode 1952-1959) caractris par une volont dÕunir les efforts en vue de propager les idaux anarchistes. Toutefois, en dpit de cet objectif ambitieux, le groupe va lui-mme tre confront des dissensions internes, qui prirent des formes parfois vives, et qui causrent un tort considrable lÕanarchisme belge. A la lecture de ce chapitre, on pourra se rendre compte des errements auxquels les milieux anarchistes taient confronts cette poque, qualifie de Ç traverse du dsert È196 par certains historiens. ! LÕAction Commune Libertaire (A.C.L.) Alors que le groupe Pense et Action sÕessoufflait et ne semblait pas remplir suffisamment son rle de propagande, un nouveau groupe anarchiste va prendre le relais. En avril 1952, un premier courrier est envoy par Joseph DE SMET pour expliquer la ncessit de crer un front commun anarchiste. Le choix du nom du groupe, lÕAction Commune Libertaire, traduisait la volont de concilier deux formules organisationnelles : le Bureau, qui organise 189 Invitation de la S.I.A, sance commune, 24 octobre 1959 in AGR, fonds Hem DAY, dossier 40 farde 1 190 Notamment une confrence du 18 fvrier 1958 sur le thme de Ç Droit dÕAsile et Solidarit È (Programme de 1958 in A.G.R., Fonds Hem DAY, dossier 40, farde 1) 191 Par exemple une confrence en Ç hommage au Gnral Rondon È le 25 fvrier 1958 (Ibidem) 192 Par exemple la projection de Gnocide le 11 mars 1958 (Ibidem) 193 Notamment une confrence du 5 mars 1958 sur la Ç conception libertaire devant lÕtat È (Ibidem) 194 Ibidem 195 La F.I.J.L. tait interdite en France depuis le 9 aot 1963 (Rose-Marie GARCIA Y GOMEZ, Que sont les anarchistes espagnols devenus ?, mmoire de licence, U.L.B., 1993, p.49) 196 Gaetano MANFREDONIA, LÕanarchisme en Europe, Paris, Presses universitaires de France (que sais-je ?), pp.108-111 34. des runions et prend des contacts, et lÕEntente, Ç sorte de noyau de la socit future197 È. La premire runion eut lieu le premier mai 1952, Bruxelles, au Caf de la Paix198. A cette occasion, des dcisions importantes furent prises quant aux modalits organisationnelles du groupe, au systme de propagande adopter et aux moyens financiers quÕon y accorderait. Lors de cette runion, un Bureau a d tre mis sur pied199. Nous nÕavons trouv aucune trace des nominations, mais il semblerait quÕAlfred LEPAPE (Dour) soit devenu le responsable du groupe pour la propagande. Il tait en effet lÕditeur responsable de toutes leurs publications. LÕadministration et le secrtariat ont d tre confis Guy BADOT (Charleroi). A leur ct, on retrouve dans la correspondance les noms de Hem DAY (Bruxelles), Georges SIMON (Quaregnon), Joseph DE SMET (Gand), Luis BROECKE (Anvers) et ADAMAS (Lige). Pour mieux travailler, il semblerait que le comit se soit scind rgionalement pour organiser ses runions et rduire les dplacements. Le travail se faisait donc entre comits rgionaux qui correspondaient entre eux par courrier et qui, lÕoccasion, se runissaient. Une assemble gnrale devait avoir lieu au moins une fois par an en prsence de tous les membres. Au sortir de la premire runion, un appel fut lanc Ç aux amis et camarades libertaires, [et] tous les esprits libres È pour quÕils rejoignent le groupe et fassent triompher leur idal. LÕunion de toutes les Ç forces libres, paralyses trop souvent par la dispersion des efforts È devait permettre en toutes occasions de faire entendre la voix libertaire et dÕexercer une influence sur les vnements200. Cet appel fut publi dans la presse internationale201 et connut un retentissement assez important. Ainsi, le groupe reut des lettres de soutien, manant notamment dÕanarchistes de lÕancienne gnration comme Camille MATTART202, et des propositions de collaboration leur furent soumises, par exemple avec un groupe dÕanarchistes de Lille.203 En juillet-aot 1952 eurent lieu en Belgique les vnements connus sous le nom de Ç Rvolte des Casernes È. Une septantaine de miliciens de diffrentes casernes lancrent un mouvement de protestation contre lÕallongement du service militaire vingt-quatre mois. Ils furent trs vite arrts et durent passer devant le Conseil de Guerre. Cet vnement connut un trs grand retentissement. La F.G.T.B. lana mme une journe de grve ouvrire pour demander la grce des prisonniers204. LÕAction Commune Libertaire dcida de diffuser un tract expliquant la position des anarchistes ce sujet, qui consistait en une opposition systmatique contre toute forme de service militaire, quÕil soit de vingt-quatre, dix-huit, douze ou six mois : les anarchistes combattent le militarisme, le patriotisme et lÕtat205. Le texte fut diffus un peu partout, notamment dans la presse anarchiste trangre, comme par exemple en Italie206. LÕA.C.L. belge va galement prendre position lors de son assemble gnrale du 11 janvier 1953 sur les problmes que connaissait la Fdration anarchistes franaise. Ils 197 Lettre de Joseph DE SMET Hem DAY, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 198 Souvenons-nous quÕil sÕagit galement du lieu de rendez-vous de la S.I.A. partir de 1958 (voir supra, p. 43) 199 Guy BADOT, Convocation la runion du 1er mai, date du 15 avril 1952 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 200 Communiqu Aux amis et camarades libertaires, tous les esprits libres in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 201 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.57 202 Lettre de Camille MATTART RAVIGNA Hem DAY, le 20 juin 1952 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 203 Guy BADOT, Communication aux rgions, propositions de la 1ire rgion de la F.A. de crer dÕun journal commun, dat du 17 mai 1952 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 204 Carine JANSEN, LÕobjection de conscience en Belgique : 1919-1964, mmoire de licence, ULB, 1983, p.193 ou Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, pp.108-110 205 Alfred LEPAPE pour lÕAction commune libertaire de Belgique, tract Rvolte dans les casernes, Dour in A.G.R. fonds Hem DAY, dossier 399 206 Alfred LEPAPE, Azione Comune Libertaria del Belgio, Ç La rivolte militari È in LÕAdunata dei refr attari , Sabato 20 dicembre 1952, p.3 35. envoyrent un communiqu de protestation afin de le diffuser dans le journal Le Libertaire207. Ce communiqu dnonait le Ç gangstrisme È employ par lÕadministration de la F.A. au sein de son organe de presse208. En effet, depuis 1950, la Fdration Anarchiste Franaise tombait sous la coupe dÕun sous-groupe secret dveloppant une vision autoritaire de lÕanarchie, lÕOrganisation-Pense-Bataille (O.P.B.), qui russit contrler la rgion parisienne et imposer sa ligne idologique au Libertaire209. Peu de temps aprs, lÕA.C.L. dcida de sortir un tract lÕattention des travailleurs pour leur expliquer ce quÕest rellement lÕanarchisme, au-del des prjugs. De vives discussions sÕentamrent sur la forme que devait prendre ce texte. Celui-ci dfinissait lÕanarchisme comme Ç lÕidal le plus humain qui soit210 È et le sort des anarchistes tait associ celui des proltaires et de tous les exploits. Il mettait aussi en garde les travailleurs contre les dieux, les partis et les rvolutions autoritaristes. Enfin, en contrepartie de leur adhsion leur idologie, les anarchistes ne leur promettaient rien, Ç pas de miracles, pas de sauveurs, pas de bonnes places, Tous au combat211 È. Les anarchistes individualistes nÕacceptrent pas lÕensemble du texte212. CÕest Alfred LEPAPE qui calma le jeu en proposant lÕdition dÕun deuxime tract plus clair et plus gnral sur les diffrentes possibilits quÕoffrait lÕanarchisme213. La rdaction dÕun nouveau tract intitul Ç Ce que veulent les anarchistes È fut immdiatement entame. Les discussions vont encore une fois se polariser entre individualistes et anarcho-syndicalistes. Les individualistes bruxellois emmens par Hem DAY et Joseph DE SMET vont ainsi sÕopposer la frange rgionale wallonne de Guy BADOT et Georges SIMON. Les premiers voulaient que le tract soit le plus complet possible. Les deuximes entendaient privilgier la clart pour ne pas Ç assommer le lecteur avec de la thorie214 È, signalant sur un ton plein de sous-entendus envers les membres de lÕautre Ç bord È quÕil tait pour eux Ç plus intressant dÕamener des travailleurs [É] que des snobs en mal de philosophie215 È. Les premiers vont proposer un texte qui sera rejet parce que jug trop long. Les deuximes le transformrent alors compltement, aboutissant un texte trs vague, lui aussi rejet car trop Ç falot È216. En effet, force de discussions, le texte initial Ç fut tellement rduit quÕil se rvla par trop mascul217 È. Aprs une abondante correspondance ce sujet, le projet va finalement tre abandonn. On comprend aisment que ce genre de conflit nÕest pas profitable lÕA.C.L. ; cela a plutt tendance faire fuir les sympathisants218. Bruxelles va alors se lancer dans un projet de brochure intitul Ç A.B.C. de lÕanarchisme È. Ce projet sera propos lÕassemble du 14 juin 1953219 ; lÕintroduction en sera mme crite220. Il semble cependant que cette initiative nÕait abouti rien. 207 Communiqu, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 208 Plus dÕinformations dans Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.103 209 Plus dÕinformations dans Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 1, p.91 ou Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p 103 210 Alfred LEPAPE pour lÕAction commune libertaire de Belgique, tract Les anarchistes parlent aux travailleurs, Dour in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 211 Ibidem 212 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.57 213 Lettre dÕAlfred LEPAPE Hem DAY, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 214 Lettre de Guy BADOT Hem DAY, le 12 janvier 1953 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 215 Lettre de Guy BADOT hem DAY, le 26 mars 1953 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 216 Lettre de Joseph DE SMET Hem DAY, le 10 mai 1953 et lettre dÕAlfred LEPAPE Hem DAY, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 217 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.57 218 Lettre dÕAlfred LEPAPE Hem DAY, s.d. in A.G.R. fonds Hem DAY, dossier 399 219 Ordre du jour de lÕAssemble du 14 juin 1953 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 220 s.n., A.B.C., s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 36. Face ce malaise, Alfred LEPAPE va nouveau essayer de calmer les esprits en montrant au groupe les possibilits dÕaction quÕil peut avoir. Il ne perd pas foi dans lÕutilit des projets mens. Ainsi, il va par exemple afficher un des tracts dits un endroit o il pourrait tre Ç vu par des milliers de personnes È, esprant ainsi Ç convertir È le plus de monde possible, quitte sÕattirer un certain nombre dÕennuis221. Le groupe se lana alors dans un autre projet de publication, un tract de soutien Nol PLATTEUW, membre de lÕI.R.G et objecteur de conscience catholique, emprisonn une premire fois en janvier 1954 et condamn le 3 mars en Conseil de Guerre six mois de prison222. Ce projet est pris en main par Alfred LEPAPE, alors secrtaire du groupe du Borinage de lÕI.R.G., et par Hem DAY223. Pour eux, ce genre de prise de position pouvait constituer une bonne vitrine pour les ides anarchistes et pacifistes. Notons que cette initiative a t prise avec lÕaccord de Nol PLATTEUW, qui acceptait le soutien de tous les groupes antimilitaristes, du moment quÕils soient sincres224. Le tract exposait les positions des anarchistes sur lÕaffaire mais, au-del de ce Ç prtexte È, il sÕagissait dÕune condamnation globale du militarisme, de la guerre et de ce qui pour eux en constitue la cause : lÕtat. Dans leur tract, les membres de lÕA.C.L., pourtant rsolument athes, mettaient en avant le bon sens de la morale chrtienne de PLATTEUW, qui respectait la parole de Jsus Ç Aimez-vous les uns les autres225 È. Ce genre de position va amener des critiques de la part de vieux anarchistes comme Lon TERROIR, qui nÕacceptait pas que lÕon mette en avant la soumission lÕtat en acceptant la prison. Lui prnait dans un pareil cas des actes rfractaires ou bien lÕexil. Pour lui, les anarchistes doivent, selon leurs principes de libert, refuser tout prix la prison et ne surtout pas stigmatiser positivement les actes de soumission lÕEtat. Notons que ce dbat va lÕamener une brouille avec Hem DAY et le pousser finalement se retirer du mouvement anarchiste pour rester seul, faire son petit boulot, isol mais en restant Ç son matre È226. Toujours dans le cadre de lÕ Ç affaire PLATTEUW È, le groupe participa des actions plus concrtes, notamment lÕorganisation dÕune confrence dans le Borinage, plus prcisment Hornu227. Cette causerie de Hem DAY, organise dans le but de rcolter des fonds pour le procs de Nol PLATTEUW, devait traiter de la Ç confusion dans le pacifisme228 È. Malheureusement, bien que cette activit ait fait lÕobjet dÕune vaste publicit229, la sance nÕeut finalement pas lieu car il semblerait quÕune douzaine de participants aient t arrts par les forces de lÕordre230. Le groupe commena se dcourager, dÕautant plus que certains militants se plaindront de pas avoir t mis au courant suffisamment lÕavance pour pouvoir organiser des manifestations lors du procs de PLATTEUW231. Aprs cette nouvelle msaventure et en prvision des nouvelles lections, lÕA.C.L. va entreprendre la rdaction dÕun nouveau tract cette fois sur la question du vote et de lÕaction antiparlementaire. De nouveau, les tensions internes vont prendre le dessus entre les groupes crs prcdemment. Tous les membres se rendaient alors bien compte que lÕA.C.L., de par sa 221 En tant quÕditeur responsable, il aura en effet la visite de la police, niera les faits et refusera de donner les noms de ses distributeurs (Lettre dÕAlfred LEPAPE Hem DAY, reue le 5 juillet 1953 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399) 222 Carine JANSEN, LÕobjection de conscience en Belgique : 1919-1964, mmoire de licence, ULB, 1983, p.193 223 Lettre dÕAlfred LEPAPE Hem DAY s.d., in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 224 Ibidem 225 Alfred LEPAPE pour lÕAction commune libertaire de Belgique, Tract Nol PLATTEUW est en prison, Dour in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 226Lettre de Lon TERROIR Alfred LEPAPE, le 19 avril 1953 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 227 Lettre dÕAlfred LEPAPE Hem DAY, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 228 Ibidem 229 Mot au verso de lÕinvitation la runion de lÕA.C.L. du dimanche 20 dcembre 1953 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 230 Lettre de Georges Simon Hem Day, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 231 Ibidem 37. composition, nÕtait que le Ç rendez-vous des diverses tendances qui sÕaffrontent et non un groupe dÕaction pratique232 È. Les uns dnonaient les prises de position autoritaires des communistes libertaires, et les autres le comportement petit-bourgeois conformiste et bavard des individualistes. On finit par en venir aux insultes233. Alfred LEPAPE, excd, dcida alors de publier le tract en son nom propre et sur ses deniers234 puisque, selon ses dires, les autres nÕen avaient pas le courage et faisaient ainsi Ç honte lÕanarchisme235. È Il se retrouva alors isol avec en plus une condamnation payer pour les propos tenus dans le tract. Bless dans son honneur, et surtout par le fait que personne ne lÕait prvenu de la mort dÕERNESTAN, il refusa de prendre lÕargent que ses camardes avaient collect pour lui, prfrant le brler que de lÕaccepter si on lui envoyait236. Voil consomme sa rupture avec le groupe, impute pour certains sa Ç susceptibilit qui ressemble trangement lÕintolrance clricale ou stalinienne237 È. Cette histoire va entraner la dissolution de lÕA.C.L. : il devenait vident quÕaucune des diffrentes tendances de lÕanarchisme ne dsirait plus sÕassocier avec les autres. De plus, le rle de Ç tampon È nÕtait plus jou par Alfred LEPAPE, qui sÕtait retir du groupe. LÕAction Commune Libertaire ne se runira plus et, avant la cration du Cercle la Botie, il ne restera plus en Belgique que quelques individualits se rclamant de lÕanarchie, disperses dans le pays, ayant plus ou moins dÕinfluence personnelle dans leur milieu propre ou dans certaines organisations comme lÕI.R.G. par exemple238. 232 Lettre de Guy BADOT Hem DAY, le 25 mars 1954 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 233 Ibidem 234 Alfred LEPAPE, Tract Non, nous ne voterons pour personne in A.G.R. fonds Hem DAY, dossier 399 235 Lettre dÕAlfred LEPAPE Georges SIMON, (24 mars 1954) in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 236 Ibidem 237 Lettre de Georges SIMON Alfred LEPAPE, le 26 mars 1954 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 399 238 Joseph DE SMET, rapport belge improvis au congrs anarchiste de Londres, fin juillet 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 38. 4. 1959-1965 : Renouveau des activits anarchistes Aprs le creux constitu par la deuxime moiti des annes cinquante, on va peu peu voir rapparatre, partir de 1959, un dbut de renouveau des activits anarchistes en Belgique francophone. Cette poque est assez comparable celle qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale : il fallait repartir sur de nouvelles bases, se rorganiser. Un nouveau groupe anarchiste va se crer et les anarchistes vont rinvestir les milieux pacifistes. Des actions dÕune certaine envergure seront menes. Cette priode de renouveau constitue un prlude lÕexplosion des idaux libertaires qui aura lieu partir de 1965 et surtout partir de 1968. ! Le Cercle la Botie Le cercle la Botie, du nom de lÕauteur du Discours de la Servitude volontaire, un des tout premiers textes libertaires, a t cr en 1959. Il prsentait une tendance trs nettement anarchiste. Son but tait de regrouper tous les Ç socialistes libertaires, organisateurs communautaires, anarchistes et tous esprits indpendants des Eglises, des tats et des grands groupes financiers239 È afin de crer les bases dÕune Ç Fdration mondiale des peuples et des groupes dÕindividus240 È. Comme on le voit dans cette dclaration tire de son journal, LÕOrdre libre, lÕindividu constituait une des bases principales du groupe. Ses membres voulaient que soit sauvegarde la personnalit propre et individuelle. Signalons que si la revue tait destine aux anarchistes, elle restait ouverte toutes les tendances241. De mme, les confrences organises par le cercle au Parking242, une salle situe prs de la place de Brouckre, taient accessibles tous. Il y avait en fait derrire ce message dÕouverture une volont de Ç convertir È les auditeurs lÕanarchisme243. LÕorganisation de ces sminaires et dbats se faisait parfois en collaboration avec dÕautres groupes comme Pense et Action244, la S.I.A.245 ou lÕI.R.G.246 Les liens entre ces associations taient trs troits. Dans ses communications, le cercle faisait dÕailleurs parfois rfrence, pour dfinir sa position sur lÕun ou lÕautre fait, des ides mises lors de runions de lÕI.R.G., comme si tous les membres taient au courant de ce qui se disait au sein de 239 s.n., Ç Le cercle la Botie È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du cercle la Botie, n¡1, juin 1961, p.1 240 Ibidem, p.1 241 s.n., Ç Avertissement tous È, LÕOrdre libre, Bulletin priodique du cercle la Botie, n¡11, juin 1960, p.1 242 Le Parking, rue de lÕtuve n¡ 16, Bruxelles 243 En parlant dÕun dbat sur le parlementarisme et les problmes de lÕautorit et du pouvoir, les organisateurs affirmaient ainsi : Ç Il ne faut pas tre anarchiste ou sympathisant pour cela, il suffit que ces questions vous intressent de prs ou de loin È (s.n., Ç LÕautorit et les pouvoirs È in lÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡5, dcembre 1959,p.6) 244 Citons la confrence de Hem DAY organise par le Cercle la Botie, la S.I.A. et Pense et Action sur Francisco FERRER (intitule Ç Son idal È) le 6 mai 1959 et une autre sur le thme Ç de lÕcole moderne la Ruche ; vers lÕducation libertaire È le 22 octobre 1959 (lÕOrdre libre, Bulletin priodique du cercle la Botie, n¡5, dcembre 1959, p.4) 245 Confrence sur Isral et les pays Arabes, organise par le cercle la Botie et la S.I.A. le jeudi 3 mars 1960 (LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle La Botie, n¡7, fvier 1960, p.2) 246 Ç Confrence sur le pacifisme et le parlementarisme organise par le Cercle la Botie, avec le soutien bienveillant de lÕI.R.G. È (lÕOrdre libre, Bulletin priodique, du cercle la Botie, n¡6, janvier 1960, p.2) 39. lÕorganisation non-violente. Remarquons que les lecteurs de LÕOrdre Libre taient souvent abonns au bulletin de lÕI.R.G.247 Certaines problmatiques importantes internes lÕI.R.G., dues lÕopposition entre anarchistes et rformistes, vont dÕailleurs se rsoudre ou du moins tre dbattues au sein du Cercle la Botie. CÕest ainsi que le conflit dj voqu entre Hem DAY et Hein VANWIJK propos de lÕopportunit pour les pacifistes de prendre part aux institutions reprsentatives fut cltur par un dbat public au cours duquel chacun resta toutefois sur ses positions248. Le groupe travailla aussi avec dÕautres organes dans les milieux pacifistes. Il collabora notamment au journal LÕAnti-antitoutiste pour la paix de Jack HENRIQUEZ, dont nous reparlerons par aprs, et sÕassocia la coordination dÕactions lances par le mme groupe. Ainsi, le cercle appela la mobilisation lors de certaines manifestations pacifistes249. Un des problmes auquel le groupe se trouva confront fut le dsintrt des classes ouvrires. En effet, ses membres constataient regret que les ides libertaires nÕintressaient plus cette poque que Ç les intellectuels et quelques travailleurs indpendants non encore infods dans le pseudo-mouvement des classes moyennes250 È. Il sÕagit dÕune constante durant toute la priode tudie. De juin 1959 mai 1960, le groupe dita vingt numros de son journal LÕOrdre libre, un bulletin trs modeste prenant la forme de simples feuilles A4 agrafes ensemble251. Un numro exceptionnel sortit en 1965, ce qui prouve la longvit du groupe. La revue tait surtout le fruit du travail de Joseph DE SMET, son diteur responsable, secrtaire et aussi principal rdacteur. On relvera encore la participation assez rgulire de Hem DAY. En annexe de certains numros, se trouvaient aussi des tracts du W.R.I. LÕOrdre Libre tait avant tout un lieu dÕchange, dÕinformation, et de promotion de la pense libre. Il regorgeait dÕarticles faisant rfrence des grands penseurs anarchistes comme Domela NIEUWENHUIS, Barthlmy DE LIGT, Francisco FERRER, Rudolf ROCKER, Victor CONSIDRENT (le disciple de FOURIER), la pense non-violente indienne (KRISNAMURTI ou GANDHI) ainsi quÕ lÕindividualisme de NIETZSCHE et STIRNER. Notons que lÕon retrouvait souvent traits les mmes thmes et les mmes personnalits que dans la revue Pense et Action ou, plus tard, dans Les Cahiers de Pense et Action, ainsi que dans la bibliothque personnelle, aujourdÕhui parpille mais principalement conserve la Bibliothque Royale, de Hem DAY, grand admirateur de ces penseurs. La revue tait bien accueillie tant en Belgique quÕ lÕtranger (France, Hollande, Allemagne, Angleterre,252 tats-Unis, Uruguay 253). Cela ne lÕempcha pas de connatre trs tt des problmes financiers. LÕanne 1959 nÕa pas amen de pertes, mais les comptes se sont solds par un rsultat nul254, si bien que le cercle se trouva contraint de faire de nombreux appels aux dons pour couvrir les frais que demandait la gestion du groupe et de ses activits255. Ces problmes vont dans un premier temps tre rsolus par les dons, mais cette amlioration sera de courte dure. Un des principaux gnreux donateurs fut E. GARCET, membre de lÕI.R.G.256 Une fois encore, la principale cause de ces problmes financiers tait que de nombreux numros taient envoys titre publicitaire des sympathisants potentiels 247 Ç La plupart dÕentre vous, abonns au Bulletin de lÕI.R.GÉ. È (s.n., Ç A tous nos amis, camarades, sympathisants, pacifistes È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡6, janvier 1960, p.2) 248 s.n. Ç Annonce du dbat È in lÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡6, janvier 1960, p.2 249 Citons par exemple un appel la manifestation anti-atomique du 10 avril 1960 (lÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡9, avril 1960, pp.4-5) 250 LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡ 7, fvrier 1960, p.1 251 Signalons que les deux derniers numros (n¡19 et n¡20) sont jumels pour terminer la srie de dix numros, correspondant un abonnement, plus vite et moindre frais 252 s.n. Ç Notre dclaration È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡1, juin 1959, p.1 253 s.n. Ç Mise au point È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡18, avril 1961, p.1 254 LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡6, janvier 1960, p.1 255 s.n., Ç Nouvel appel È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡8, mars 1960, p.1 256 s.n., Ç Appel du trsorier È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡9, avril 1960, p.1 40. ou amis. On dcida de stopper cette politique, si bien quÕ partir du douzime numro, le bulletin ne fut plus envoy quÕaux membres en ordre de cotisation. Pour continuer nanmoins la propagande, le groupe va diter des tracts reprenant les principales idologies dveloppes par le groupe, qui seront vendus des distributeurs dsireux de propager lÕidal anarchiste257. En dpit de tous ces efforts, les finances ne vont pas sÕamliorer. Ainsi, le bulletin devra conserver sa prsentation rudimentaire pour limiter les cots de publication258, ce qui donna lieu des plaintes de certains lecteurs259. Ces remarques ngatives furent peut-tre lÕune des causes de la suppression de la revue, qui constituait, selon son diteur, une mauvaise faade publicitaire pour le cercle260. ! LÕAnti-antitoutiste pour la paix Cette revue tait avant tout une publication pacifiste. Elle a t cre par Jack HENRIQUEZ261, qui en tait le principal animateur. Celui-ci invitait venir sÕexprimer dans les pages de son journal dÕautres pacifistes se rclamant quasiment tous de la frange libertaire. Ainsi, les principaux collaborateurs de la revue taient, outre J. BADIEN, lÕpouse dÕHENRIQUEZ (qui elle nÕtait pas anarchiste) et Hem DAY. La revue bnficia aussi de la participation de Joseph DE SMET, Eugne RELGIS ou Pierre-Valentin BERTHIER262. On trouvait aussi des articles sur des grands personnages pacifistes anarchistes comme Barthlemy de LIGT ou Louis LECOIN. La spcificit idologique de la revue rsidait dans sa croyance en la possibilit dÕun pacifisme mondial par la cration dÕune nouvelle morale qui, par-del les nations et les diffrences, serait identique pour tous. Cette morale serait base sur le respect des autres et, avant toute chose, de la vie humaine : Ç une morale unique, valable pour les peuples comme pour les individus, dfendant de tuer un homme pour quelque motif que ce soit263 È. Ainsi, selon cette idologie, Ç tout acte doit tre voulu dans lÕintrt de lÕespce humaine toute entire264 È. La revue prnait donc la dsobissance civile et la cration dÕun nouvel ordre mondial. Toutefois, mme si ce type de raisonnement le rapproche du libertarisme, Jack HENRIQUEZ ne se proclamait pas anarchiste265. La publication sÕest tendue de janvier 1960 juin 1963. Le but initial de son crateur tait de faire paratre quatre numros par an. Pour lancer sa revue, Jack HENRIQUEZ proposa un abonnement lÕanne un prix avantageux. A partir du troisime numro, il proposa mme en cadeau le livre de Jacques LEJEUNE, Tu ne tueras point. Ds le cinquime numro, un prix spcifique pour la France apparut, ce qui montre que la revue arrivait sÕexporter. En 1961, la revue fit paratre un numro supplmentaire spcial mais, partir de 1962, elle se retrouva dans lÕobligation de grouper ses numros pour rduire les cots. Le titre de la revue, LÕAnti-antitoutiste pour la paix, est trs rvlateur de lÕtat dÕesprit de son crateur et de ses animateurs. Ce nologisme a t construit par Jack HENRIQUEZ et choisi comme titre dans le but de signifier que lÕambition du journal tait 257 s.n. Ç Avertissement tous È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡11, juin 1960, p1 258 s.n. Ç Mise au point È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡18, avril 1959, p.1 259 On relve de nombreuses rponses des plaintes de lecteurs sur la forme du journal. (voir par exemple, s.n., Ç Excuses et vÏux È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du Cercle la Botie, n¡16, janvier 191) 260 s.n. Ç Mise au point È in LÕOrdre libre, Bulletin priodique du cercle la Botie, n¡ 18, avril 1961, p.1 261 Jack HENRIQUEZ (dcd le 10 mars 2002). Il signait aussi parfois sous le pseudonyme de KIWIST 262 Pierre-Valentin BERTHIER (n le 11 septembre 1911). Militant libertaire pacifiste, ouvrier puis correcteur et enfin crivain. Il collabora de nombreuses revues libertaires et pacifistes. (Jean MAITRON, Ç BERTHIER Pierre-Valentin È in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais [ressource lectronique], Paris, Editions de lÕAtelier, Editions ouvrires, 1997 263 LÕAnti-antitoutiste, Ç Un but pour une action È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡6, avril juin 1961, p.2 264 LÕAnti-antitoutiste, Ç Rappel du but poursuivi È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡2, avril-juin 1960, p.2 265 Voir par exemple, KI WIST, Ç Le droit de contrle des lecteurs È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡3, juillet-septembre 1960, pp.6-8 41. dÕaller lÕencontre de la tendance protester contre tout sans jamais chercher construire quelque chose de positif. Selon lui, il ne suffit pas de contester, il faut au contraire lutter pour lÕaccomplissement dÕun projet constructif : Ç si ce nom a t choisi cÕest justement parce que tout le monde accepte trop facilement dÕagir contre quelque chose, et cÕest sans doute l lÕun des tics humains quÕil ne convient pas de flatter, cette hantise de dtruire, ce dsir de nuire au prochain parce quÕil est catholique, protestant, libre penseur, musulman, hindou ou papou, ou mme militaire. Il ne faut pas tre contre les hommes, pour quÕils comprennent mieux o est la vrit, la morale que leur conscience accepte266 È. Pour LÕAnti-antitoutiste pour la paix, Ç la ngation de tout ce qui est ngatif est une affirmation nette de ce qui est positif267 È. Cette vision positive et constructive tait surtout applique propos du problme du pacifisme : il sÕagissait plus de se battre pour la paix que contre la guerre. La revue se lana ainsi dans diffrentes actions, par exemple la diffusion de huit cents affiches prnant des principes pacifistes268, une ptition de refus de collaboration aux efforts militaires269 ou encore des appels manifester pour la paix270. De plus, LÕAnti-antitoutiste pour la paix va faire paratre dans ses pages de nombreuses annonces pour les autres associations pacifistes de toutes tendances271 et pour leurs activits272. Son but tait dÕamener le dbat et de crer un dialogue entre les diffrents acteurs du mouvement pacifiste, avec pour objectif premier de dboucher sur lÕorganisation dÕactions concrtes273. Dans cette optique, Jack HENRIQUEZ invita par courrier diffrentes organisations se joindre, le samedi 15 octobre 1960, une runion prive organise son domicile274 situ Bruxelles prs de la place Meyser. De nombreux groupements pacifistes ont ainsi t invits. LÕordre du jour de cette rencontre tait dÕessayer de crer une Ç coordination en vue dÕune action commune pour des campagnes priodiques dÕaffichage pour la paix 275 È et dÕorganiser des sminaires dÕtudes ou dÕautres actions communes non-violentes (cortges,É)276. Marcel DIEU ne pouvant se rendre la runion, Jack HENRIQUEZ lui fit parvenir amicalement les Ç bases dÕentente È pour quÕil puisse lui donner son avis avant la rencontre277. Par lÕadoption de ce texte de base, qui ne connatra que de lgres modifications, tous les adhrents lÕentente pour une collaboration entre les mouvements pacifistes affirmaient que les principes suivants devaient sans dlai tre respects : Ç le respect de la vie humaine È, Ç le droit 266 LÕAnti-antitoutiste, Ç Moins par moins gale plus È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡s 14-15, juin 1963, p.2 267 Quatrime de couverture de tous les numros de LÕAnti-antitoutiste pour la paix 268 Ç La paix se construira sur une morale unique, dfendant de tuer un homme pour quelques motifs que ce soit È, affiche en deux couleurs rouge et noir avec un lino de Ren MELS, sur 50 X 30 cm (LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡2, avril juin 1960, p.12) 269 LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡3, juillet septembre 1960, p.8 270 s.n., Ç Marche atomique de Mol È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡2, avril-juin 1960, p.3 ou Ç Marche atomique des jeunes È, le 24 mars 1963, organise par la fdration des initiatives pour la dtente internationale in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡14/15, janvier-juin 1963, p.2 271 Voir premire page de tous les numros : Ç Si vous manquez de confiance envers lÕAnti-antitoutiste, versez votre cotisation au mouvement pacifiste qui correspond vos aspirations, ou mieux encore, agissez par vousm mes, mais ne restez pas inactifs. È. On trouve aussi dans quasiment tous les numros des rubriques intitules Ç Publicit pour autres groupes et journaux È, Ç Lisez et faites lire È, Ç Liste des mouvements ayant la paix ou lÕentraide parmi leurs objectifs È 272 La marche non-violente pour la paix de San Francisco Moscou, la marche atomique des jeunes , É 273 LÕAnti-antitoutiste, Ç Le dbat È in LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡4, octobre-dcembre 1960, pp.15-18 274 Jack HENRIQUEZ, avenue de lÕEmmeraude, 39, Bruxelles 275 Invitation lÕentente du 6 octobre 1960, in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 1 276 Ibidem 277 Lettre de KIWIST Hem DAY, le 9 octobre 1960 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 1 42. lÕobjection de conscience, lÕurgence capitale de mettre tout en Ïuvre afin dÕviter une nouvelle guerre È et Ç la ncessit de tendre trouver la solution non-violente de tous les conflits entre les tats278 È. Parmi les groupes convis ayant pris part cette alliance, on retrouve des groupes tels que le Cercle la Botie, reprsent par Joseph DE SMET, la S.I.A, reprsente par Stphane HUVENNE (absent lors de la premire runion), le groupe Pense et Action, reprsent par Marcel DIEU (absent lui aussi) et enfin lÕI.R.G., reprsente par Corrado PERISSINO. Outre ces organisations libertaires, on trouve galement des groupes pacifistes chrtiens tels que Pax Christi, les Plerins dÕEmmas et le M.I.R. Les Jeunes Gardes Socialistes se joignirent galement lÕentente, ainsi que la Fdration nationale des initiatives pour une contribution belge la dtente internationale, ces deux groupes tant reprsents par Robert FALONY. Celui-ci nÕtait pas inconnu des milieux anarchistes pacifistes en raison des dissensions quÕil avait connues avec la S.I.A. lors dÕune marche antiatomique279. Bien dÕautres groupes reprsentant de nombreuses mouvances prirent part au mouvement280. Toutes les associations qui dsiraient participer la coordination dÕactions pour la paix devaient se faire membres en versant une cotisation mensuelle de cinquante francs servant couvrir les frais dÕadministration du Bureau de coordination. Les positions et mesures prendre par lÕentente faisaient lÕobjet dÕun vote, pour lequel chaque association avait droit une voix. Les dcisions taient si possible adoptes lÕunanimit. Lors de la premire rencontre du groupe, un texte sÕopposant aux fuses Polaris en Belgique fut rdig pour tre diffus sous forme dÕaffiches, de placards dans les journaux et de tracts. Un projet dÕaffiche281 fut aussi propos par Jack HENRIQUEZ, affiche sur laquelle figuraient tous les noms des organisations qui acceptaient les bases de lÕentente282. Les runions suivantes se passrent au caf Ç La fleur en papier dor È, prs de lÕEglise de la Chapelle283. Celles-ci avaient lieu tous les deux mois. Lors de la deuxime runion du 26 dcembre 1960, un nouveau projet dÕaffiche fut mis en chantier284, de mme quÕ la runion du mois de 278 Texte tabli lors de la runion du 15 octobre 1960 et envoy tous les intresss le 16 octobre 1960 par Jack HENRIQUEZ in A.G.R,. fonds Hem DAY, dossier 16, farde 1 279 Voir supra p.43 280 LÕUnion Fdrale, la Fdration Nationale des initiatives pour une contribution belge la dtente internationale, le Service Civil International, lÕAction civique non-violente, Coexistence, les Amis des Marolles, le Centre ligeois dÕtudes pour la non-violence, les Jocistes, les Petits riens, le Rassemblement des Femmes pour la Paix, lÕUnion Belge pour la Dfense de la Paix furent aussi convoqus la premire runion ( rapport de la runion de lÕentente, le 16 octobre 1960 in A.G.R., fonds Hem Day, dossier 16, farde 1) 281 Le texte de lÕaffiche est le suivant : Ç La Paix se construira sur une morale unique valable pour le peuples comme pour les individus, dfendant tout homicide. Abolissons les guerres et leur prparation, aidons les dshrits ici comme partout ! È (LÕAnti-antitoutiste pour la paix, n¡9, octobre-dcembre 1961, p.34) 282 Rapport de la runion de lÕentente, le 16 octobre 1960 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 1 283 Caf La fleur en papier dor, rue des Alexiens, 53, Bruxelles 284 Lettre de Jack HENRIQUEZ Hem DAY, le 27 dcembre 1960 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 1 43. fvrier285. Nous ne connaissons ni la raison de la rupture de ces travaux, ni la date de fin dÕexistence du groupe. Une action importante qui va tre trs suivie et mise en avant par LÕAnti-antitoutiste pour la paix286 concerne la marche non-violente pour la paix de San Francisco Moscou. Les diffrents groupes pacifistes faisant partie de lÕentente cre par LÕAnti-antitoutiste vont beaucoup sÕinvestir dans cette action, en collaboration avec dÕautres groupements. Cette marche non-violente pour la paix avait t lance le 1er dcembre 1960 par le Ç Committee for Non-violent Action È287. Aprs avoir travers les tats-Unis, treize marcheurs amricains prirent lÕavion New York pour se rendre Londres. L, ils furent rejoints par des marcheurs europens (Britanniques, Franais, Allemands, Norvgiens, Sudois, Finlandais, Hollandais, BelgesÉ). Le voyage devait se poursuivre par la France, mais aucun marcheur ne put mettre le pied sur le sol franais, empchs par les forces de lÕordre, et ce malgr les protestations du Comit de Parrainage franais, qui comprenait diverses personnalits (professeurs dÕuniversit, pasteurs, crivainsÉ). Pendant ce temps, cinq marcheurs franais et un marcheur algrien poursuivirent la marche vers Paris, puis atteignirent la frontire franco-belge hauteur du poste-frontire de Ç Risquons tout È, lieu o la marche internationale put reprendre son cours normal le 2 juillet 1961. La traverse de la Belgique se droulera en douze jours. La marche passa par les villes de Mouscron, Courtrai, Audenarde, Gand, Alost, Bruxelles288, Louvain, Tirlemont, Saint-Trond, Lige et Verviers. Aprs la traverse de la Belgique, les marcheurs partirent pour Bonn, Berlin, Varsovie et enfin Moscou.289 Deux Belges se joignirent la marche en Europe : un nerlandophone originaire de Hoboken, Hugo VAN MARCKE, diteur de De Mensenvriend, et un francophone de Marcinelle, Franz DECOEUR, collaborateur du groupe Emmas290. Le soutien de lÕentente cette action fut important et demanda une certaine prparation. Pour coordonner les choses, une runion fut organise le 17 mai 1961 au caf de lÕHorloge. Celle-ci rassembla de nombreuses associations sous les auspices de lÕUnion Fdrale et de LÕAnti-antitoutiste pour la paix. A lÕissue de la runion, un Ç comit belge dÕaccueil aux Marcheurs pour la paix È fut cr. CÕest La PROVO qui sÕoccupa du secrtariat. CÕest elle aussi qui se mit en rapport avec le bureau europen de Londres291 qui supervisait la marche en Europe. Le comit tait compos de nombreuses personnalits telles que les professeurs HALKIN et FLORQUIN de lÕuniversit de Lige, Millem PEE des universits de Gand et Lige, les crivains Jules BOSMANT et ILLECYN, le dput de Charleroi Ernest GLINNE, lÕancien Recteur de lÕUniversit de Bruxelles Henri JANNE, le chanoine Jacques LECLERCQ, le Pasteur Mathieu SCHYNS, le prsident de la Ligue Belge des Droits de lÕHomme, Georges ARONSTEIN,É Il semblerait que Hem DAY ait aussi particip cette action en tant que reprsentant du groupe Pense et Action et de lÕI.R.G. puisquÕon retrouve une forte correspondance ce sujet dans ses archives. De plus, on lÕaperoit aux cts des marcheurs et des membres du comit belge sur des photos prises lors du passage de la marche 285 Lettre de Jack HENRIQUEZ Hem DAY, le 9 fvrier 1961 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 16, farde 1 286 Une partie importante de la correspondance du comit belge se faisait sur papier entte de lÕAnti-antitoutiste 287 Le Ç Committee for Non-Violent action È est un groupe dÕAmricains qui, inspirs des quakers mais de toutes croyances philosophiques ou politiques, se sont runis pour exprimenter les moyens dÕactions non-violentes qui peuvent empcher la guerre. Ce groupe a soutenu plusieurs actions anti-guerrires, telles que lÕquipe du Ç Golden Rule È qui tenta de pntrer dans la zone rserve aux expriences nuclaires dans le Pacifique, des manifestations contre les fuses Polaris,É(Comit dÕaction aux marcheurs pour la Paix San Francisco-Moscou, Communiqu 2, le 21 juin 1961 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 36) 288 Avec notamment la visite dÕune dlgation au palais de Laeken 289 Comit dÕaction aux marcheurs pour la paix San Franscisco-Moscou, communiqu 2 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 36 290 Fascicule dÕinformation, la marche non-violente San FranciscoÐMoscou pour la paix en Belgique in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 36 291 Bureau europen : 87, Chancery Lane, London W.C. 2 44. en Belgique292. Le comit national subvenait aux besoins de ses marcheurs et pourvoyait au transport des bagages, des malades ou des blesss. Il grait aussi les runions publiques et distribuait des tracts et des pancartes. A cet gard, il est intressant de constater que lÕutilisation de slogans tait strictement contrle par le comit afin que la manifestation ne puisse tre Ç rcupre È, quÕelle ne prenne pas une autre tournure que celle voulue par les marcheurs293. Pour les marcheurs, la course aux armements ne conduisait pas la scurit et la libert, mais favorisait plutt le totalitarisme et ne pouvait que mener la guerre et la destruction du genre humain. Leur action entendait signifier aux pays du monde entier quÕil fallait renoncer la force arme et construire une dfense base sur la rsistance non-violente. Ils exigeaient un dsarmement inconditionnel ainsi quÕun transfert des budgets militaires vers des programmes de lutte contre des flaux tels que la pauvret, les maladies, la sousalimentation, lÕignorance et le chmage294. Cet exemple montre bien la force mobilisatrice que put avoir LÕAnti-antitoutiste pour la paix. Cependant, en 1963, la publication sÕarrta pour une raison qui nous est encore inconnue. Jack HENRIQUEZ se sera sans doute tourn vers dÕautres groupes pacifistes avec lesquels il avait travaill. 292 Photographie, s.d. in A.G.R., fonds HEM DAY, dossier 36 293 Comit dÕaction aux marcheurs pour la paix San Francisco - Moscou, communiqu 2 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 36 294 Ibidem 45. 5. 1965-1970 : La relve ? La fin de la priode que nous avons choisi dÕtudier dans ce mmoire se caractrise par une profusion de manifestations dans lesquelles on peut tre tent de voir une rsurgence des ides libertaires : mouvement provo, mai 68, contestation tudiante, groupes antimilitaristes,É Nous aborderons ceux-ci de faon peu approfondie. En effet, cela constituerait le sujet dÕun mmoire de licence part entire. De plus, une question se pose propos de ces nouveaux groupes : certes contestataires, ceux-ci peuvent-ils rellement se revendiquer de lÕanarchisme ? Au cours de notre expos, nous mettrons en vidence ce qui les en approche et ce qui les en spare. Il est en tout cas vident que cÕest un tout autre esprit qui souffle dans ces milieux, un autre type de fonctionnement, dÕautres dbats, ou en tout cas abords dÕune autre manire. Dans le mme temps, des groupes anarchistes plus Ç traditionnels È subsistent ou mme apparaissent. Ceux-ci continuent raisonner selon leurs schmas habituels (lÕopposition entre individualistes et anarcho-communistes), mme si des personnalits nouvelles apparaissent. Les proccupations anarchistes Ç classiques È sont toujours dÕactualit. Dans ce chapitre, nous tenterons de voir comment ces deux tendances (sous-entendu gnrations) cohabitent. Nous examinerons aussi les liens quÕelles entretiennent entre elles et montrerons par le biais de quelles personnes ceux-ci ont pu tre tablis. ! Les Provos Si le mouvement Provo, dÕorigine hollandaise, se rpandit dans un premier temps en Flandre, il toucha rapidement la partie francophone du pays et plus spcialement Bruxelles. On ne peut cependant pas dire quÕil ait rellement exist de groupes provos organiss, en Belgique ni dans aucun pays par ailleurs. En effet, les provos fonctionnaient sans organisation, sans structure. Pour organiser leurs actions et discuter de politique, ils avaient pour point de rendez-vous des cafs (au Pili Pili295, au Music Bar la Maison bleue296, au Welcome, au Saloon, au Bicule, chez Florio297É) ou le domicile dÕun des leurs. LÕinformation sÕeffectuait presque exclusivement par le bouche--oreille298. 295 Le Pili pili, situ rue dÕune personne Bruxelles, prs de la grand place (Rvo, Bruxelles, s.d., n¡1, p.13) 296 Music-Bar de la Maison Bleue, rue neuve Bruxelles, in Tract Ç semaine provo du soldat È, in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 7. 297 Jean DE MEUR, LÕanarchisme en Belgique, la contestation permanente, Paris-Bruxelles, Pierre De Myre, p.135 298 Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, p.36 46. Ils organisaient de nombreuses activits, qui taient appeles happenings. Le happening est une Ç manifestation spontane de crativit collective qui revt un caractre provoquant dans une socit hostile la crativit, et dans laquelle la police participe souvent comme partenaire au jeu299 È. A la fin de lÕanne 1966, ce genre de manifestation avait lieu chaque semaine, presque toujours la place de Brouckre, rebaptise par eux Ç Happenings Plein È. Les provos organisaient ces actions principalement le samedi, jour o le public tait le plus nombreux300, afin de se faire remarquer par le plus de monde possible. Ce genre dÕactivit ne plaisait videmment pas aux forces de police qui devaient sans cesse intervenir pour tenter de maintenir lÕordre alors que les provos avaient au contraire pour objectif de rpandre le dsordre. Leurs happenings, de faon symbolique, vhiculaient toujours un message dÕordre politique. Ainsi, par leurs actions, ils entendaient protester sur des sujets aussi varis que lÕimplantation du Shape en Belgique301, la dictature franquiste et la condamnation dÕanarchistes espagnols mort302, la guerre en gnral303 et principalement celle du Vietnam304,É Les provos voulaient avant tout lutter pour la libert dÕexpression305, dont ils estimaient quÕelle nÕtait quÕun leurre dans la socit actuelle. Leurs actions prenaient des formes parfois loufoques. Ainsi, ils organisrent pour la Saint-Nicolas une distribution de pommes blanches306, symbole du mouvement provo et Ç premier produit libre307 È. Ils montrent Ç lÕopration canne blanche È, qui consista rcolter de lÕargent pour rcuprer le montant drob un aveugle, vendeur de billets de tombola308. Ils organisrent aussi des manifestations dÕune ampleur plus importante comme la Ç Semaine Provo du Soldat È, qui eut lieu du 11 au 17 fvrier 1967309. On retrouvait aussi les provos dans des manifestations plus Ç srieuses È, officielles, telles que des marches pour la paix, contre lÕarmement atomique, ou contre la guerre du Vietnam. Il leur arrivait de sÕintroduire dans des cortges de grvistes, de minorits linguistiques ou idologiques, ou encore dans des dfils patriotiques royaux et princiers ! Les provos cherchaient ce faisant perturber le bon droulement des manifestations en scandant leurs propres slogans et en distribuant leurs propres tracts (on lÕimagine aisment, trs loigns de ceux des participants initiaux aux cortges). Ainsi par exemple, une cinquantaine de provos participrent la marche anti-atomique du 24 avril 1966 Bruxelles. Ils y distriburent des tracts dnonant la marche, quÕils prsentaient comme un drivatif fourni par le pouvoir la jeunesse, sÕopposant ainsi au Ç pacifiste du week-end310È. De mme, il tait frquent que les provos rendent visite aux services dÕinformation de lÕarme 299 Denis Durand ( partir de textes de Hem DAY et Marcel VIAUD), Ç Happening È, Anarchisme et Non- Violence, n¡11-12, janvier-fvrier 1968, p.1 300 Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, p.41-42 301 Tract bilingue Ç shape Go home È, invitation au happening du samedi 22 octobre 1966 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 7 302 Happenings du 19 novembre 1966 mimant lÕexcution des anarchistes espagnols (texte dactylographi, Happenings chez les provos, p.2 in A.G.R., fonds, Hem DAY, dossier 360, farde 2) 303 Tract pour le happening du samedi 8 octobre 1966 in A.G.R,. fonds hem DAY, dossier 360, farde 7 304 Cette action se solda par lÕarrestation de quelques provos mais aussi dÕune dizaine de curieux. Plus dÕinformation dans Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, pp.43-45 et dans texte dactylographi, Happenings chez les provos, p.4 in A.G.R., fonds, Hem DAY, dossier 360, farde 2 305 Tract provo, bilingue, dÕappel au happening du 3 dcembre 1966 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 7 et texte dactylographi, Happenings chez les provos, p.3 in A.G.R., fonds, Hem DAY, dossier 360, farde 2 306 texte dactylographi, Happenings chez les provos, p.3 in A.G.R., fonds, Hem DAY, dossier 360, farde 2 307 Tract provo, Provocation n¡12, s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 7 308 Argent saisi par la police et jamais rendu in texte dactylographi, Happenings chez les provos, p.3 in A.G.R., fonds, Hem DAY, dossier 360, farde 2 309 Tract bilingue, Semaine provo du soldat, s.d. in A.G.R. fonds Hem DAY, dossier 360, farde 7 310 Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, p.38-39 47. belge et au bureau de recrutement de volontaires militaires pour y dposer une bombe (vraie ou fausse) ou lancer une brique dans la vitre311. Outre ces activits spectaculaires, les provos ditrent aussi des revues. La Belgique connut diffrentes revues provos dites principalement dans les villes de Flandre, comme Eidelijk de Gand, Bom de Alost, Anar dÕAnvers, ainsi que des revues dites en collaboration avec la Hollande312. Il y eut aussi des Ç priodiques È bruxellois qui sortirent soit en franais, soit en nerlandais. Rvo est un priodique bruxellois qui parut dans un premier temps en nerlandais, en mai 1966, puis en franais en novembre 1966. La publication a t compose de deux sries. Pour sa composition, deux quipes diffrentes de rdacteurs taient mises en place, qui paulaient un noyau rdactionnel commun313. Nous ne connaissons pas exactement le nombre de numros qui sortirent en franais. Nous avons nanmoins russi mettre la main sur le premier numro de cette revue, qui date de novembre 1966, ainsi que sur un numro de la nouvelle srie. Dans les deux exemplaires, les rdacteurs se rclamaient clairement de lÕanarchie, comme le montre lÕusage de slogans tels que Ç LÕennemi, cÕest lÕtat314 È ou Ç La police contre le provotariat = la hirarchie contre lÕanarchie315 È. En 1967, le mouvement provo dita aussi de nombreux numros spciaux principalement composs de dessins satiriques, dont un exemplaire est spcialement consacr la marche anti-atomique316 et un autre aborde lÕanti-militarisme. Ce dernier, rdig en franais et en nerlandais, mentionnait comme diteur responsable le Gnral JANSSENS, commandant en chef de la Force Publique au Congo belge. Il sÕagissait videmment dÕune plaisanterie destine tourner en drision le systme militaire et, en mme temps, permettre aux auteurs de garder lÕanonymat le plus complet pour se protger au maximum de toutes les poursuites judiciaires que pouvaient entraner les dessins injurieux envers les autorits et le Roi317. Que ce soit pour les numros spciaux ou pour les publications plus Ç officielles È, jamais le nom des auteurs nÕtait cit si ce nÕest, comme le fait remarquer Hem DAY, le commissaire de Bruxelles, le Roi, le Prsident JOHNSON, FRANCO, De GAULLE, Mgr SUENENS et le Bon Dieu318 ! La seule adresse mentionne par la revue tait une bote postale au nom de Rvo, de mme quÕun compte-chques, toujours ouvert au nom de Rvo. Cette extrme discrtion nous met dans lÕimpossibilit de savoir si, au sein de ce mouvement, se retrouvaient de vieux anarchistes ou de futurs anarchistes. Toutefois, il existait sans aucun doute des liens entre ce nouveau mouvement de contestation et les anarchistes de la vieille cole. Ainsi par exemple, la revue Provo, et plus encore dans la nouvelle srie, contenait parfois des textes dcrivant les activits de groupes anarchistes de lÕpoque. Ainsi, on trouve des communiqus de la Fdration Ibrique des Jeunesses Libertaires319, de la Fdration des groupes Socialistes Libertaires320 et du groupe lÕAlliance321. LÕmergence du mouvement provo en Belgique suscita un intrt particulier dans les milieux anarchistes belges. Ainsi, en 1965, trois pages sur quatre du deuxime numro exceptionnel de LÕOrdre libre taient consacres aux provos dÕAmsterdam, qualifis de Ç jeunes anarchistes-activistes322 È. De plus, plusieurs rencontres de discussion et de prsentation furent organises entre les anarchistes et les provos. Le Cercle libertaire social et culturel de Lige organisa, en avril 1967, une confrence ayant pour titre Ç Provo et 311 Ibidem, p.38-39 312 Ibidem, p.50 313 Ibidem, p.54 314 Rvo, nouvelle srie, s.d., p. 1 315 Rvo, n¡1, novembre 1966, p.22 316 Provo spcial, n¡1, avril 1967, 16 p. 317 Rvo dans Ren BIANCO, Rpertoire des priodiques anarchistes de langue franaise dans un sicle de presse anarchiste dÕexpression franaise 1880-1983, Thse pour le doctorat dÕtat, Aix-Marseille, 1987, vol.3 318 Petit manuscrit de Hem DAY sur les provos in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 5 319 Rvo, n¡1, novembre 1966, p.33 320 Ibidem, p.14 321 Rvo, nouvelle srie, s.d., p.24 322 LÕOrdre libre, Bulletin priodique du cercle la Botie, Bruxelles, n¡ exceptionnel 2, novembre 1965, p.1 48. anarchisme323 È, lÕoccasion de laquelle une certaine LETAWE, Ç reprsentante È des provos bruxellois, prit la parole et dbattit avec Hem DAY324. Une autre confrence fut organise en 1967, cette fois par Georges SIMON, dans un caf de Quaregnon sur le thme de Ç la rvolte des Provos dÕAmsterdam et de Bruxelles È, qui rassembla une vingtaine de personnes325. Au cours de ces deux confrences, des points communs et des divergences apparurent entre ce nouveau mouvement et la pense anarchiste. Ainsi, lorsque les provos rclamaient la suppression de lÕtat et de la proprit prive, la dcentralisation, la collectivisation, la dmilitarisation et le dsarmement de la socit, ils taient soutenus par les anarchistes326. Au contraire, ceux-ci dsapprouvaient lÕattitude ambigu des provos propos de la participation lÕtat. En effet, certains membres du mouvement vont tre tents par la participation aux lections. Ainsi, en Hollande, certaines figures de proue du mouvement provo se sont prsentes aux lections communales. En Belgique, un leader provo anversois participa des activits politiques au sein dÕun groupe de jeunes communistes327. Ds lors, les anarchistes leur reprochrent ce comportement ambigu, consistant la fois en une critique de la socit et une volont dÕen tirer profit, attitude qualifie dÕÇ arrivisme politico-parlementaire328 È. Une distinction importante qui va tout de suite irriter une partie des anarchistes vient du fait que les provos nÕacceptaient pas lÕide de la division de la socit en classes. On constatait mme parfois dans leurs propos un certain dnigrement du proltariat329, attitude dont sÕindignaient les anarchistes. Si les provos admettaient que dans le pass la socit tait divise en deux classes sociales, les capitalistes et les travailleurs, il fallait leur avis distinguer prsent Ç trois classes thiques, les autorits, le klootjesvolk (le peuple de couillons) et le provotariat330 È. Selon eux, Ç La rvolution sociale des travailleurs touche sa fin. La rvolution thique des provos est commence331 È. Les provos stigmatisaient lÕembourgeoisement des travailleurs, qui se comportent comme des esclaves et des moutons. Ce nÕtait donc certainement pas de leur ct quÕil fallait esprer voir surgir un mouvement rvolutionnaire. Pour eux, seul le provotariat amnera la rvolution. Malgr ces divergences dÕopinions, les anarchistes de lÕancienne cole gardaient espoir dans ces mouvements qui, comme lÕcrivit Louis LOUVET, Ç sans tre anarchistes, [É] ont quelque chose dÕintressant pour nous332 È. Selon Roland BIARD, ils taient dÕailleurs le signe avant-coureur des vnements de 1968 et Ç si lÕagitation provo ne fut quÕun feu de paille et rentra dans une phaseÉ plus classique (lections municipales), elle en marqua nanmoins profondment la gnration qui se formait cette poque333 È. Certains lÕavaient compris et cÕest donc avec un enthousiasme certain que Hem DAY pouvait crire : Ç Provos, Rvos, bravo ! Demain sonnera le rendez-vous sur le chemin de lÕanarchie334 È. 323 Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, p.65 324 Hem DAY, manuscrit Confrence de Lige Provo-anarchisme in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 7 325 Interview de Franois DESTRYKER 326 voir lÕarticle de Hem DAY, Provo Ð rvo Ð anarchie in dfense de lÕHomme, n¡215 septembre 1966, pp.19-10 327 Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, p.67 328 Lettre de Patrick CASTELIJN, lecteur du Monde libertaire, HemDAY, s.d. in Mundaneum, fonds Hem DAYCORDIER, bote T1 C3 329 Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, Bruxelles , publication n¡21, 1968, p.65 330 Rvo, n¡1, Bruxelles, novembre 1966, p.23 331 Ibidem, p.23 332 Lettre de Louis LOUVET Hem DAY, Paris, 16 septembre 1966 in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, bote T1C3 333 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.53 334 Coupure de presse Hem DAY, Ç Provos-rvos, quÕest le provotariat ? È, s.t., s.d. in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 360, farde 4 49. ! XYZ Bien quÕil sÕagisse dÕune revue qui ne se dclare pas ouvertement anarchiste, son tude nous a paru intressante car cette publication a connu une volution importante, qui comprend trois phases, au cours de laquelle la pense anarchiste va prendre de plus en plus dÕimportance. Dans un premier temps, cÕest--dire pour les trois premiers numros de la revue, qui parurent en 1967, XYZ se limitait tre le Ç Bulletin des Objecteurs de Conscience en service civil È. Elle avait pour fonction dÕinformer les objecteurs de conscience et leurs sympathisants sur leur statut et lÕavancement de celui-ci dans les autres pays335. La revue dveloppa aussi une rflexion sur le pacifisme, et plus prcisment sur la guerre du Vietnam336. Enfin, et ce fut surtout l sa vocation premire, elle informait ses lecteurs des conditions de travail des objecteurs de conscience en service civil, notamment sur leur rle au sein de la protection civile. CÕest ainsi que furent mis en vidence les diffrents problmes auxquels les objecteurs taient confronts dans cette institution de type militariste. La notion mme de service civil, cÕest--dire dÕune contribution obligatoire lÕtat, commena tre remise en cause337. Suite ce genre de position, la revue va prendre un ton plus radical et plus revendicatif. Il sÕagissait de plus en plus de convaincre les jeunes de refuser le service militaire. LÕassociation diffusa un tract intitul Ç Toi jeune È qui allait dans ce sens et qui fut publi dans diffrentes revues pacifistes. Les rdacteurs de la revue taient trs proches des mouvements pacifistes Ç traditionnels È et avaient le soutien des grands acteurs du pacifisme et de la non-violence de lÕpoque338. Le lien avec le M.I.R.-I.R.G. tait dÕautant plus grand que Jacques FORTON, alors responsable de la revue, rentra au Ç prsidium de lÕI.R.G. et du S.C.I. [Service Civil International]339 È. A partir de 1968, le journal entra dans sa deuxime phase et devint Ç le bulletin des objecteurs de conscience belges È, ce qui sous-entendait quÕil nÕtait plus seulement destin aux objecteurs en service civil, mais Ç tous les objecteurs (et objectrices !), croyants ou agnostiques, nouveaux et anciens non-combattantsÉ340 È. Ds cet instant, de nouvelles personnes sÕimpliqurent dans la revue. Parmi elles, nous retrouverons occasionnellement la signature de Hem DAY341. Paralllement cette transformation fut cr le Secrtariat des Objecteurs de Conscience (S.O.C.), qui se chargeait dÕditer le bulletin. Le journal sortit ainsi si on peut dire de son anonymat puisquÕon connat dornavant les noms des responsables de celui-ci. De mme, les articles furent la plupart du temps signs. A partir de 1968, le journal devint un bimensuel. Ses objectifs devinrent galement plus ambitieux. Il sÕagissait dÕencadrer les objecteurs de conscience, de crer des liens entre eux et de leur fournir toutes les informations ncessaires pour contrecarrer lÕisolement et le sentiment dÕabandon auxquels les objecteurs de conscience ou ceux qui envisageaient de le devenir taient bien souvent confronts. Dans un mme temps, le nouveau secrtariat se proposait de promouvoir activement lÕobjection de conscience auprs des futurs jeunes appels. Ils constataient en effet quÕun gros travail devait encore tre ralis dans cette direction car, en dpit du fait que les manifestations pacifistes rencontraient un succs croissant, le nombre effectif dÕobjecteurs 335 Citons par exemple Ç Le conseil de lÕEurope appelle une reconnaissance des objecteurs de conscience È in XYZ, Bulletin des objecteurs de Conscience en service civil, n¡2, juin 1967, p.1 336 Citons par exemple Ç Discussion avec un ami vietnamien È in XYZ, Bulletin des objecteurs de Conscience en service civil, n¡2, juin 1967, pp.2-3 337 Citons par exemple Ç Les objecteurs au service de lÕarme È in XYZ, Bulletin des objecteurs de Conscience en service civil, n¡3, octobre 1967, p.1 338 Si bien que les principaux bailleurs de fonds de la revue sont lÕpoque Jean VAN LIERDE, M. DE MEULEMEESTER, diteur de la revue Paix et Coexistence, Hein VANWIJK,, mais aussi le Centre libertaire, social et culturel de Lige (voir infra, p.70 ) 339 XYZ, Bulletin des Objecteurs de Conscience en service civil, n¡2, juin 1967, p.3 340 XYZ, Bulletin des Objecteurs de Conscience Belges, dit par le S.O.C., n¡ 4, (1967), p.1 341 Ibidem, pp.4-5 50. restait trs minime342. Leur action va donc se tourner de plus en plus vers la propagande, travers notamment la mise sur pied dÕun service de librairie visant diffuser la littrature non-violente, lÕorganisation de rencontres dans les coles mettant en prsence jeunes futurs appels et anciens non-combattants, la tenue de permanences,É La revue tait alors entre les mains du couple TORTON, Jean lÕditeur responsable et Anne responsable du secrtariat, assists par Jean-Franois LECOCQ. Bref, partir de cette poque, la revue sÕaccompagnait dÕun groupe bien structur et trs actif, et offrait une vitrine lÕobjection de conscience un public toujours grandissant. La majorit des articles parus traitaient encore de lÕobjection de conscience, ce qui ne fut plus le cas par aprs. A la fin de lÕanne 1968, la revue avait fortement volu, elle entrait dans sa troisime et dernire phase dÕvolution, marque par une plus grande sensibilit pour les ides libertaires ou en tout cas contestataires. Ses responsables nÕtaient plus les mmes. Ainsi, si on retrouvait toujours Jean-Franois LECOCQ la correspondance, la responsabilit du bulletin avait chang et avait t confie Michel CARPEAU. A ses cts travaillait galement un nouveau groupe de rdacteurs trs prsents et trs actifs, et ce jusquÕ la fin de la parution de la revue. Avec ce changement de responsables, la revue prit une toute nouvelle tournure. A partir du neuvime numro de la srie de 1969, XYZ devint le Ç Bulletin libre des Objecteurs de conscience È, dit par le Groupe Libre des Objecteurs de Conscience (G.L.O.C.). La notion de libert venait ainsi sÕajouter. La revue se voulant un lieu de dialogue et de rencontre, elle ouvrit ses colonnes qui le voulait, ce qui donna lieu des prises de position htroclites, sur des sujets parfois assez loigns de son objet initial. Cependant, pour garantir sa neutralit politique, la revue se voulant exempte de doctrine et respectueuse des opinions de chacun, toutes les personnes qui sÕexprimaient dans ses pages le faisaient sous leur seule responsabilit : Ç les objecteurs de conscience tant seuls matres de leurs opinions, il nÕy a pas lieu de voir dans XYZ le reflet dÕune doctrine, les ides mises sont lÕexpression libre de la pense des auteurs et nÕengagent quÕeux-mmes343 È. La revue se dsolidarisait ainsi de toutes les idologies vhicules dans ses colonnes. On peut constater que les articles parus partir de cette poque taient de plus en plus tourns vers des problmatiques sociales. Des ides rvolutionnaires taient souvent exprimes. Paralllement, dans ce contexte de libration de lÕesprit caractristique de la priode post 1968, on retrouve de nombreux textes sur des pratiques culturelles novatrices comme le Linving Theatre. On remarque galement un grand intrt pour la pense anarchiste et lÕactualit de ce mouvement. Ainsi, la revue dnona les arrestations Ç arbitraires È des anarchistes italiens suite aux attentats de Milan dÕavril 1969344. Cet intrt se marqua galement par la publication du Dcalogue du consommateur, crit par Jacques FOLLON, o celui-ci nonait, sur le mode ironique, les lois que devait respecter le consommateur modle cher la socit capitaliste, parmi lesquelles figurait le fait dÕviter tout prix de ctoyer les anarchistes. Le groupe se dfinissait comme rvolutionnaire et sÕopposait donc aussi aux partis communistes et aux syndicalismes345. Il ne voulait pas tre associ une quelconque idologie et considrait pour cette raison que leur bulletin tait le seul qui puisse revendiquer de parler au nom de tous les objecteurs en service civil en Belgique francophone, contrairement des publications objet similaire mais plus Ç politises È comme la revue Rvolution, le priodique du Groupement politique des Objecteurs de Conscience. Suite cette volution de la ligne ditoriale de la revue, certains lecteurs se plaignirent du fait que celle-ci tait devenue, selon leurs propres termes, un bulletin Ç contestataire sans foi ni loi 346 È. Ces mcontents taient dÕavis que le journal aurait d changer de nom pour 342 En 1968 il y avait trente-trois objecteurs de conscience pour toute la Belgique in Carine JANSEN, LÕobjection de Conscience en Belgique 1919-1964, mmoire de licence, ULB, 1982-1983, p.205 343 Ç Avertissement È in XYZ, Bulletin des objecteurs de conscience, n¡8, juin 1969, p.1 344 voir infra p.87 et pp.110-111 345 G.L.O.C., Ç LÕobjection È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.6 346 Ç Courrier È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡ 14, Mai 1970, p.8 51. sÕappeler dsormais Ç priodique de la contestation en tous genres347 È. Il est indniable que le ton de la revue tait devenu de plus en plus contestataire. De lÕobjection lÕarme, on tait pass un refus gnralis de tout ce qui participait de lÕinjustice de la socit, savoir pour eux Ç [É] la censure, [É] la publicit, [É] la rpression sexuelle, [É] la pollution de la nature ou [É] lÕexploitation conomique348 È. Ce nouveau type de contestation atteignit son apoge avec les treizime et quatorzime numros dÕXYZ, o le groupe sÕattaqua Ç aux critres moraux que le citoyen [trouvait] dans lÕenseignement de son glise ou dans son code bourgeois de savoir-vivre et qui lui [faisaient] admettre le bien-fond de lÕordre tabli349 È. Dans ces articles, un accent particulier tait mis sur la dfense des homosexuels, ce qui donna lieu de vives ractions de la part de certains lecteurs, qui estimaient quÕen profrant des propos aussi Ç choquants È et en sÕloignant ainsi de ses buts initiaux350, la revue ne servait plus la cause de lÕobjection351. A cause de ce changement de vision, le groupe se brouilla galement avec Jean VAN LIERDE, qui comptait pourtant au dpart parmi les principaux soutiens de la revue. Dans un premier temps, celui-ci sÕtait en effet rjoui de la cration dÕXYZ, dans laquelle il voyait la relve des anciens pacifistes, tel point quÕil leur permit de sÕinstaller la Maison de la Paix. Quand lÕorientation de la revue changea, celui-ci considra que le priodique ne rpondait plus directement lÕobjet des associations prsentes dans la maison352 et leur demanda donc de bien vouloir la quitter. Le groupe de personnes qui dirigeaient XYZ entra alors en conflit ouvert avec les autres pacifistes, et plus particulirement avec Jean VAN LIERDE, quÕils considraient comme trop omniprsent dans le mouvement puisquÕil combinait la fonction dÕadministrateur de la Maison avec des responsabilits au sein de nombreux autres groupes (prsident du M.I.R., secrtaire de lÕI.R.G., secrtaire du CRISP,É).353 Leur vision du service civil tait galement diffrente. Les responsables du Groupe Libre des Objecteurs de Conscience (G.L.O.C.) sÕopposaient au groupe Service Civil de la Jeunesse (S.C.J.), cr par Jean VAN LIERDE354. Pour eux, le service civil tait un service rendu lÕtat, la socit, ce quÕils refusaient, leur but final tant la fin de lÕoppression355. Toute tractation lgale, comme le faisait Jean VAN LIERDE, tait leur avis Ç une abdication de leur combat pour la libert et la paix356 È. Les nouveaux responsables dÕXYZ dfendaient donc les mmes ides que les anarchistes des anciennes gnrations, mais sans la tolrance et le respect du travail des autres. De plus, les nouveaux auteurs, dans leur vision rvolutionnaire, contestaient mme le principe de non-violence. Leur opposition lÕarme tait une opposition lÕtat, car lÕarme nÕavait dÕautre but que la dfense de la socit357. Mais pour eux, tous les moyens taient bons pour arriver leurs fins. La non-violence pouvait sÕavrer un des moyens pour atteindre leur but mais pas ncessairement le plus appropri. Face la violence de lÕtat, il ne fallait, selon 347 Ç Courrier de TOUSSAINT-ROMNE au G.L.O.C. È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.18 348 G.L.O.C., Ç LÕobjection È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.6 349Guy DECHESNE, Ç Le pacifisme ne passera pas È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.22 350 Ç Courrier de Jeanne HUBAUX È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡17, dcembre 1970, s.p. 351 Ç Courrier de TOUSSAINT-ROMNE au G.L.O.C. È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.18 352 I.R.G., le MIR, Ad Lucem, mais aussi la librairie le livre africain, et le CRISP. 353 G.L.O.C., Ç Le super-bazar de la paixÈ, in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, pp.4-5 354 G.L.O.C., Ç LÕobjection È, in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.6 355 Guy DECHESNE, Ç Le pacifisme ne passera pas È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.23 356 Nelly URBAIN (MIR-I.R.G.), Ç Servir la paix, quÕest ce que cÕest ? È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.20 357 Guy DECHESNE, Ç Le pacifisme ne passera pas È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.23 52. eux, pas se gner pour employer la violence. Pour eux, Ç Etre non-violent, cÕest faire le jeu du pouvoir358 È. Au fil du temps, on a vu une volution flagrante de lÕidologie de la revue. En effet, la constitution du G.L.O.C. et surtout les crits de Guy DESCHENE et de Jacques FOLLON ont durci le mouvement au point de lÕisoler des groupes pacifistes traditionnels, chose que les libertaires de lÕancienne gnration avaient intelligemment russi viter. ! Socialisme et Libert En 1966, le cercle Socialisme et Libert fut cr Bruxelles par de jeunes anarchistes en partie issus de lÕU.L.B. Ce groupe qui comptait trois quatre personnes tout au plus tait la base une petite bande de copains emmens par Franois DESTRYKER, trs vite rejoints par Claude LEMAIRE359. Ils se prsentaient comme un groupe dÕaction syndicale rvolutionnaire et non-violent qui sÕopposait Ç la phrasologie pseudo-scientifique des marxistes autoritaires, des bureaucrates syndiqus, [et] des rformistes de tout genre360 È. Ce groupe anarcho-communiste rvolutionnaire361 prconisait Ç un socialisme libertaire, qui vis[ait] lÕmancipation totale de lÕindividu et sa libration par lÕgalit conomique et sociale, [É] lÕautogestion de lÕconomie par les travailleurs, [É] la socialisation des moyens de production, [et] le fdralisme conomique, social et culturel362 È. LÕadresse du groupe fut dans un premier temps situe Bruxelles, au domicile de Franois DESTRYKER. Trs vite, le groupe dcida de prendre contact avec des anciens anarchistes du mouvement et de relancer le travail au niveau national. Le nouveau groupe bnficia de lÕaide toujours bienveillante de Hem DAY, qui leur fournit des livres pour leur permettre de lancer leur bibliothque. A la suite de ce premier contact, dÕautres allaient suivre. Ainsi, des relations assez troites se nourent avec NATALIS363, qui prit une part trs active dans la vie de lÕassociation et constitua un groupe Socialisme et Libert Lige. Le 17 mars 1967, fut cr le Ç Cercle libertaire, social et culturel È, lieu de rencontre de ce groupe, dont le local tait situ son domicile364. Le cercle de Lige va dÕailleurs devenir de plus en plus actif. Il organisa des confrences, dont celle dj voque sur le thme Ç provo et anarchisme365 È. 358 Guy DECHESNE, Ç Le pacifisme ne passera pas È in XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡15, juin 1970, p.22 359 Claude LEMAIRE ( n le 12 juillet 1941). Il entama une licence et un doctorat en mathmatiques lÕU.L.B. A la fin de lÕanne 1966, il entra en contact avec les milieux anarchistes et surtout avec Franois DESTRYKER, suite la propagande de Socialisme et Libert sur le campus de lÕU.L.B. En 1968, pendant les vnements de mai, il tait au service militaire. Bien quÕanarchiste tendance individualiste, il fut trs influenc par les dirigeants de lÕI.C.O. En 1970, il quitta la Belgique et partit enseigner au Canada o, sans renier compltement ses ides, il nÕeut plus aucun contact avec le mouvement libertaire (interview de Claude Lemaire) 360 Ç Socialisme et libert È in Anarchisme et non-violence, n¡5, juillet 1966, p.13 361 Ibidem, p.13 362 Socialisme et libert, Ç Contre lÕautorit, Perspectives Libertaires È in Rvo n¡1, novembre 1966, pp.14-15 363Hubert NATALIS (1926-1992). Il utilisait aussi les pseudonymes de Califix, Caluade et Saintal. Pendant la deuxime guerre mondiale, 15 ans, il tenta de rejoindre lÕAngleterre pour sÕengager dans lÕarme des Allies. Aprs diffrentes pripties, il finit par entrer dans la brigade Piron dont il fut le plus jeune engag. De retour en Belgique, il se lana dans le commerce de machines dÕimprimerie et commena sa formation libertaire en autodidacte. En 1961, alors trs proche de Franois PERRIN, il participa la cration du mouvement populaire wallon. Il en fut le secrtaire pour la rgion de Lige). Les ides de NATALIS se radicalisrent, il quitta alors ce mouvements et participa la nouvelle fdration libertaire de Belgique. Pendant les vnements de contestation tudiante Lige en 1969, il fit la connaissance de Nol GODIN. A la fin de la fdration, du, il ne sÕimpliqua plus du tout dans le mouvement belge et ne garda des contacts quÕavec la Fdration Anarchistes Franaise, et plus particulirement avec Maurice LAISANT, dont il tait trs proche (Interview de Michel NATALIS) 364 Lettre du Groupe Socialisme Libertaire Alfred LEPAPE, le 7 avril 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 365 Ibidem 53. Grce au carnet dÕadresses dÕHem DAY, les anarchistes de la nouvelle fdration prirent contact avec les Ç vieux camarades È du Hainaut comme Georges SIMON et Alfred LEPAPE366. De cette rencontre naquit une premire Fdration des groupes socialistes libertaires367. Ce nÕtait pas rellement une organisation ; il serait plus exact de parler dÕassociation. Celle-ci se caractrisait par un absence de structures et nÕorganisa dÕailleurs aucune action concrte. Il sÕagissait plutt dÕun organe de coordination informel. Au sein de celui-ci, des changes de fichiers dÕadresses avaient lieu entre militants368. La premire grande rencontre du groupe eut lieu Ixelles, non loin de lÕuniversit, le 23 avril 1967, jour de la marche anti-atomique369. CÕest dornavant cette adresse qui servira de point de ralliement au groupe de Bruxelles370. Cette premire runion devait permettre de jeter les bases dÕune nouvelle alliance nationale. Une commission de coordination libertaire de Belgique, dirige par Claude LEMAIRE, vit ensuite le jour371. A lÕissue de cette runion, les militants partirent la manifestation antinuclaire, pour y former un cortge anarchiste, tous unis derrire un drapeau noir. Ils profitrent de cette manifestation pour vendre des journaux anarchistes, principalement Le Monde libertaire, journal de la Fdration anarchiste franaise372. Alfred LEPAPE dcida lui aussi de sÕimpliquer dans cette nouvelle organisation et cra un groupe, Paix et Libert, qui sÕinscrivait dans ce rseau. Afin dÕaccrotre la force du mouvement libertaire belge, NATALIS poussa les individus venant dÕun maximum de rgions diffrentes former des groupes locaux devant servir de point de contact aux nouveaux lecteurs avides de sÕintgrer au mouvement anarchiste373. Il fut question alors de crer un groupe Anvers et Angleur374. NATALIS, qui travaillait dans le milieu de lÕimprimerie (il tait vendeur de machines dÕimpression), proposa alors aux diffrents groupes de se lancer dans la publication dÕun journal commun. Le premier numro du Libertaire fut dit en juin 1967 Lige et fut tir plus de trois mille exemplaires. Une bonne partie des ventes taient ralises sous la forme dÕabonnements. La revue tait galement vendue dans la rue, lors de manifestations, dans les cafs, les maisons du peuple ou sur les places de march. Des points de vente fixes furent aussi crs. Bien videmment, on pouvait se procurer Le Libertaire dans les lieux de rencontre de chaque groupe, mais aussi dans certaines librairies. Le journal sÕimplanta assez bien dans les milieux anarchistes, comme en tmoignent les nombreuses revues reues par le cercle et mises la disposition de tous au local de Lige. Parmi ces publications, qui taient numres dans Le Libertaire, on trouvait des revues anarchistes belges mais aussi des journaux manant de groupes pacifistes comme XYZ, le bulletin de lÕI.R.G., ainsi que des revues trangres venant de France375, dÕItalie376, dÕautres crites en espagnol377, en nerlandais378, en anglais379 et mme en japonais380 ! Le Libertaire publiait galement 366 Ibidem 367 Socialisme et Libert, Ç Contre lÕautorit, Perspectives Libertaires È in Rvo, n¡1, novembre 1966, p.15 368 Lettre de Claude LEMAIRE, pour la Commission de coordination libertaire, au groupe Ç Paix et Libert È, le 10 mai 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 369 Lettre du Cercle libertaire, social et culturel Alfred LEPAPE, le 18 avril 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 370 voir par exemple, le journal Le Libertaire, organe anarchiste mensuel, n¡3, octobre-novembre 1967, p.4 371 Lettre de Claude LEMAIRE, pour la Commission de coordination libertaire, au groupe Ç Paix et Libert È, le 10 mai 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 372 Lettre du Cercle libertaire, social et culturel Alfred LEPAPE, le 18 avril 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 373 Lettre du Groupe Socialisme Libertaire Alfred LEPAPE, le 16 mai 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 374 Ç Groupes Libertaires È in Le Libertaire, organe anarchiste mensuel, n¡3, octobre-novembre 1967, p.4 375 Citons les plus importantes : Le Libertaire, Le Monde libertaire, organe de la Fdration anarchiste, Anarchisme et non-violence, Libert (de Louis Lecoin), LÕanarchie (lÕorgane de lÕA.O.A.), le Bulletin du C.I.R.A. 376 LÕAgitazione del sud Palermo, Quaderni degli amici di eugenio Relgis,É 377 Riera y libertad (Mexico), Ruta (Vnzuela), 378 De Vrije (Rotterdam), Recht voor allen (brochure de la Fdration socialistes libres de Hollande, Amsterdam) 54. rgulirement dans ses pages des annonces pour tous les groupes anarchistes de Belgique (Liaisons de Lige, de Bruxelles, lÕAllianceÉ). Ce vaste rseau de relations dmontre bien la grande solidarit qui existait entre tous les groupes. Cela nous donne galement une ide de lÕampleur et de lÕimportance que prenait le mouvement libertaire dans le monde. Celui-ci tait en voie de rorganisation au niveau international. Ainsi, on pouvait voir dans le journal des annonces pour des rencontres internationales anarchistes, comme lÕEuropenne des jeunes anarchistes aux Pays-Bas381 ou le Congrs international des fdrations anarchistes de Carrare382. Il tait dÕailleurs initialement prvu quÕune dlgation belge de la Fdration Socialisme et Libert assiste cette dernire rencontre, mais cela ne sÕest finalement pas concrtis383. A la base, Le Libertaire devait paratre mensuellement mais, en dpit du grand succs quÕil rencontrait, le cot des publications fut tel quÕil ne parut que trs irrgulirement384. Sur une priode de prs de deux ans, seulement huit numros furent publis. LÕditeur responsable fut dans un premier temps A. SPOO, domicili Angleur, puis, partir du quatrime numro, F. ZACHARY. Le bureau de rdaction resta toujours domicili au mme endroit Lige, lÕadresse de lÕadministrateur Hubert NATALIS, qui fut aussi le rdacteur le plus assidu du journal. Ce journal affichait trs clairement son appartenance lÕidologie anarchiste. Son titre tait dj en lui-mme videmment trs explicite. On relvera cependant un changement de sous-titre, qui dnote une volution de la stratgie ditoriale de la revue. Dans un premier temps (juin 1968385), le journal se prsentait comme un organe anarchiste puis, pour le sixime numro, comme un organe de contestation386, modification qui avait sans doute pour but de convertir les contestataires issus des universits. Cependant, les deux derniers numros de 1969 raffirmrent leur rfrence directe lÕanarchie, en se proclamant journal anarchiste387. LÕappartenance ce mouvement se marque encore par le fait que, dans le premier numro, fut insr le tract Ç Ce que veulent les anarchistes È diffus par lÕA.C.L. dans les annes cinquante. Les thmes abords dans le journal tmoignent galement de cette influence. Le leitmotiv du Libertaire tait la lutte contre lÕautoritarisme de droite comme de gauche. Ainsi, ses auteurs dnonaient la politique amricaine388 mais aussi celle mise en place par les bolcheviques et par tous les staliniens389. Le thme du refus de voter revint aussi frquemment (un numro quasiment consacr exclusivement ce sujet parut en mars 1968390), tout comme celui de lÕanti-militarisme391 et du pacifisme392. A ct de ces articles de 379 Solidarity for workerÕs power (Kent), Black Mask (New York), Freedom (journal anarchiste de Grande-Bretagne) 380 Libera Feracio, organe de Anarkista Federacio Japana, Tokyo, Japon 381 Ç Rencontre europenne des jeunes anarchistes È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (je ne voterai pas), mars 1968, p.2 382 Ç La commission prparatoire È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (je ne voterai pas), mars 1968, p.4 383 Ç "La commission de coordination libertaire" de Belgique È in Bulletin de la commission prparatoire, Paris, n¡3, juin 1967, p.12 (Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1) 384 Lettre du journal Le Libertaire Alfred LEPAPE, le 4 juillet 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 385 Le Libertaire, organe anarchiste, n¡1, juin 1967 386 Le Libertaire, organe de contestation, n¡ 6, juin 1968 387 Le Libertaire, journal anarchiste, n¡7, fvrier 1969 388 CALUADE, Ç N comme NEGROES È in Le Libertaire, organe anarchiste ; n¡3, octobre-novembre 1967, p.1 ou Franois DESTRYKER, Ç Pax Amricana È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour leVietnam), mars 1968, p.2 389 Voir par exemple les articles de CALIFIX, Ç 50 ans aprs la rvolution russe È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡3, octobre-novembre 1967 ou M-C GILLES, Ç Heureux anniversaire È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour le Vietnam), mars 1968 p.3 390 Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (je ne voterai pas), mars 1968 391 Voir les articles in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour le Vietnam), mars 1968 ou bien encore SAINTAL, Ç SHAPE-NEWS, mfaits divers È in Le Libertaire, organe anarchiste n¡3, octobrenovembre 1967, p.1 et p.3 392 s.n. Ç No more war È, in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡3, octobre-novembre 1967, p.1 ou les articles du journal Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour le Vietnam), mars 1968 55. fonds, on trouvait une rubrique intitule Ç les classiques de lÕanarchisme È sur la dernire page de tous les numros, dans laquelle taient prsents certains aspects de la pense anarchiste et des grands noms de cette mouvance, dans la but dÕÏuvrer la Ç vulgarisation È de cette pense. On peut lgitimement se demander pourquoi ce journal (et ce groupe), qui apparemment fonctionnait bien et tait bien implant, stoppa sa parution aprs deux ans dÕexistence. Il est possible que le journal, comme toutes les autres revues tudies, ait connu des difficults financires393. Mais la cause de la cessation semble une fois encore surtout rsider dans les brouilles qui naquirent entre anarchistes. Ainsi, des tensions apparurent propos de la possibilit pour tous de sÕexprimer dans les pages du Libertaire. En effet, bien que le journal se disait ouvert aux diffrentes tendances et affirmait avoir la volont de concilier toutes les susceptibilits personnelles394, dans les faits, un certain dogmatisme rgnait. Un comit de lecture tait charg de dcider si un article pouvait paratre ou pas. Au sein de celui-ci, les articles manant des anciens anarchistes ne furent pas trs bien accepts. Aussi, certains articles de vieux militants furent carts, notamment ceux dÕAlfred LEPAPE sur le thme de la guerre du Vietnam, qui avaient le tort de ne pas partager lÕopinion des membres du comit de lecture ce sujet. Ds le dbut du conflit, le journal se positionna clairement en faveur du peuple vietnamien contre lÕimprialisme amricain. Cela ne plut pas aux anarchistes non-violents et pacifistes intgraux qui mettaient en vidence le fait quÕen voulant sÕattaquer un rgime prcis, les anarchistes finissaient par prendre la dfense dÕun autre rgime tout aussi dangereux et violent, en lÕoccurrence les dirigeants communistes autoritaires. On retrouve ici le mme dbat que celui rencontr au sein de lÕI.R.G. lors de la guerre dÕAlgrie. Au mme moment, le journal se fcha aussi avec les anciens anarchistes trangers de la S.I.A. et de la C.N.T., plus particulirement avec Pietro MONTARESSI395. Par contre, le comit de lecture laissait rgulirement sÕexprimer dans ses colonnes le groupe de la F.I.J.L.396. Alfred LEPAPE dnona cette attitude et cette bienveillance envers un groupe qui Ç entret[enait] des contacts trs troits avec les communistes tendance Pkin397 È et dveloppait des propositions marxisantes. Selon lui, les positions que dfendait le journal taient incompatibles avec lÕanarchisme398. Il sÕinterdit donc toute activit au sein du groupe et exigea de ne plus figurer parmi ses contacts. Le comit de lecture repoussera aussi la proposition de Georges SIMON de rserver une page du journal lÕanarcho-syndicalisme. A cette poque, le comit semblait tre sous lÕemprise de la nouvelle gnration anarcho-communiste et de NATALIS, qui tait plutt de tendance individualiste. Ceux-ci nÕavaient que peu dÕaffinits pour lÕanarcho-syndicalisme et nÕentendaient pas que cette tendance puisse sÕexprimer dans les pages de Ç leur È journal. Aprs sÕtre fch avec les vieux anarchistes et suite au dsintrt progressif des anarcho-communistes de la nouvelle gnration, NATALIS lÕindividualiste nÕeut sans doute plus la possibilit dÕcouler ses journaux ni mme de les publier. Il se retrouva bien esseul pour grer sa publication, les jeunes gnrations prfrant se lancer dans dÕautres voies, en 393 Lettre du Libertaire Alfred LEPAPE, Lige, le 4 juillet 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 394 Lettre du Groupe du Socialisme Libertaire Alfred LEPAPE, Lige, le 10 aot 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 395 Pietro MONTARESSI, (n en 1905). Immigr italien, mcanicien automobile, il se rfugia dÕabord Marseille en 1925, puis fut expuls de France. A son arrive Bruxelles en 1930, il fut pris en main par la communaut anarchiste italienne de Belgique et rentre en contact avec Hem DAY, CAMPION, ERNESTAN. En 1936, il partit pour lÕEspagne se battre dans le bataillon italien de la colonne ASCASO sur le front dÕAragon. Il fut dmobilis en 1938 et rentra Bruxelles. En mai 1940, alors quÕil vouait partir pour Marseille rejoindre sa famille, il fut arrt par les autorits franaises et intern au camp du Vernet pendant 17 mois avant dÕtre livr aux autorits italiennes qui le condamnrent quatre ans de relgation. Il fut libr par les Amricains en 1943 et sÕengagea alors comme mcanicien dans lÕarme de libration. (Stefan VAN DEN ZEGEL, YÕen a pas un sur cent, parcours de militants libertaires autour de la guerre dÕEspagne, mmoire de licence, U.L.B., 1985, pp.57-60) 396 F.I.J.L. Bruxelles, Ç La F.I.JL. et le mouvement de solidarit rvolutionnaire È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour le Vietnam), mars 1968, p.2 397 Lettre de Alfred LEPAPE au Libertaire, Dour, le 8 aot 1967 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 398 Ibidem 56. particulier le communisme libertaire. Ce nouvel intrt avait pour origine les contacts quÕavait tablis Socialisme et Libert avec des groupes trangers pour recevoir leurs publications. Parmi celles-ci, Le Noir et Rouge ainsi que Informations et Correspondances Ouvrires (I.C.O.) interpellrent plus particulirement les jeunes. Noir et Rouge tait la base le journal du Groupe Anarchiste dÕAction Rvolutionnaire (G.A.A.R.), une organisation communiste libertaire cre lors de la scission de la Fdration Anarchiste franaise des annes 1950399. En 1960, celle-ci se scinda encore en une branche politique et une branche intellectuelle, qui conserva le journal. Les personnes qui en faisaient partie remettaient en cause les positions anarchistes traditionnelles, notamment sur les thmes de la franc-maonnerie et de lÕindividualisme, et manifestaient un grand enthousiasme pour lÕautogestion. A la fin des annes 1960, des anarchistes de Nanterre entrrent dans ce groupe qui participera activement aux journes de mai. A la fin de lÕanne 1968, Noir et Rouge collabora lÕI.C.O. Le groupe Informations et Correspondances Ouvrires (I.C.O.) avait t cr en France en 1960 dans le but de runir les travailleurs en rupture avec les organisations ouvrires classiques, partis ou syndicats, et de leur permettre de sÕinformer mutuellement de leurs conditions de travail et de lutte, plus particulirement lorsque celle-ci visait la destruction des appareils conomiques et politiques. LÕI.C.O. tendait la prise en main collective des entreprises et leur gestion directe400. Cette idologie fortement axe sur le principe de lutte des classes intressa beaucoup les jeunes anarchistes, principalement ceux de Bruxelles. Leur petite bibliothque interne commena grossir et le groupe organisa ses propres runions de discussion propos de leurs lectures. Celles-ci les amenrent sÕorienter de plus en plus vers le communisme libertaire et leur donnrent envie de collaborer avec lÕI.C.O. CÕest dÕailleurs au dpart de ce groupe que va sÕorganiser la confrence internationale de lÕI.C.O Bruxelles en juillet 1969. Plus de cent cinquante personnes, issues de nombreuses tendances, assistrent cette runion, mais trs peu de Belges401. Les dbats devaient porter sur la signification des vnements de 1968. Les positions dfendues par les groupes tels que Noir et Rouge ou les Enrags de Nanterre, proches des situationnistes et du groupe du 22 mars de COHN-BENDIT, vont aboutir cette anne-l leur exclusion du groupe. A partir de cette poque, lÕI.C.O. sÕorienta de plus en plus vers le conseillisme402. Dans ce contexte, Socialisme et Libert va disparatre au profit dÕun nouveau groupe appel Liaisons403. 399 Voir infra p.98 400 Roland BIARD, Dictionnaire de l’extrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 1978, pp.183-184 401 Interview de Franois DESTRYKER 402 Roland BIARD, Dictionnaire de l’extrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 1978, pp.183- 184 403 Voir infra pp.82-85 57. ! Les mouvements tudiants de 1968 et leurs manifestations dans les universits belges LÕanne 1968 rvle un peu partout dans le monde une crise importante de la socit. Dans de nombreux pays, des mouvements de contestations vont voir le jour. En Belgique comme en France, ce mouvement dmarra dans les universits. Le drapeau noir de lÕanarchie y sera hiss. Il nous a sembl important de consacrer un chapitre ces mouvements de contestation qui au premier abord semblaient sÕinspirer directement des idaux libertaires. Toutefois, comme nous le verrons dans ce chapitre, si les mouvements tudiants de 1968 se voulaient contestataires, leurs revendications nÕentraient pas dans le cadre des ides anarchistes. Nous nous pencherons sur deux exemples bien diffrents de contestation, Lige404 et Bruxelles405, en essayant de distinguer la contribution des anarchistes, quand celle-ci existait. Le mouvement de contestation a t initi au dpart dans la capitale, au sein des milieux tudiants et plus prcisment lÕU.L.B. On notera avec intrt quÕen 1968, il nÕy avait plus vraiment dÕanarchistes actifs sur les campus, du moins il nÕy avait plus de groupes officiellement constitus qui sÕen rclamaient. Si cette poque, comme nous lÕavons vu, le mouvement anarchiste belge venait encore une fois dÕessayer de se reconstruire, de sÕunifier, des groupes sÕtant forms, principalement Lige et Bruxelles, ceux-ci nÕtaient pas trs actifs dans les milieux tudiants. LÕactivit politique tait pourtant intense sur les campus durant cette priode. Ainsi, on retrouvait au sein de la mouvance tudiante de gauche de nombreuses tendances, qui sÕexprimaient dans diffrents cercles politiques : il y avait deux cercles socialistes dont lÕun tait proche du parti et lÕautre plus indpendant, quatre cercles communistes, dont lÕun voluait dans le giron du parti tandis que les trois autres taient ns des scissions et exclusions au sein de celui-ci. Il faut encore mentionner lÕexistence de nombreux groupuscules, dont deux de tendance trotskiste et un se rclamant du situationnisme. On comptait aussi des organisations qui se rclamaient du syndicalisme. LÕun tait de tendance Ç pro-chinoise È, lÕautre faisait partie de la F.G.T.B. Parmi ces groupes, aucun ne faisait rfrence lÕanarchisme. A ct de ces groupes clairement positionns politiquement, certains observateurs ont pu constater une politisation croissante des tudiants, indpendamment de leur adhsion ou non un cercle ou groupe politique. Ainsi par exemple, lÕAssociation Gnrale des Etudiants, (A.G.) et le Cercle du libre-examen manifestaient un engouement certain pour les dbats politiques406. Le mme phnomne tait constat lige. L non plus cependant aucun mouvement anarchiste nÕtait signaler. Alors quÕen France, le mouvement de contestation issu de Nanterre et du mouvement du 22 mars sÕtendait aux autres universits, lÕU.L.B. commena, le 13 mai 1968, sa Ç rvolution È. Trs vite, le mouvement de contestation se dota dÕune assemble libre. Certains chercheurs et professeurs approuvrent les tudiants. Le pouvoir du conseil dÕadministration tait remis en cause, lÕuniversit, sa fonction et son fonctionnement aussi. Certains voulaient tendre le dbat au fonctionnement de la socit dans son ensemble. LÕuniversit et son assemble libre sÕouvrirent alors lÕextrieur. CÕest alors que les anarchistes entrrent en scne, mais dÕune faon assez discrte toutefois. Cette participation des anarchistes au mouvement se fit par le biais du groupe Socialisme et Libert de Bruxelles port, comme nous lÕavons vu, par Franois DESTRYKER et ses amis, qui taient pour la 404 Richard PAULISSEN, La contestation lÕuniversit de Lige: 1967-1971, mmoire de licence, Universit de Lige, 1992, 110p. 405 Serge GOVAERT, C’tait au temps o Bruxelles contestait, Bruxelles, Politique et Histoire, 1990 406 Ç Le mouvement de contestation l’Universit Libre de Bruxelles È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n¡419-420, 1968, pp.12-13 58. plupart sortis de lÕU.L.B. et qui logeaient encore dans le quartier universitaire. Ceux-ci se mlrent aux assembles libres et participrent aux dbats. Ils entretenaient des contacts privilgis avec certains membres du groupe dÕextrme gauche les Ç Enrags È, qui taient sous lÕinfluence du situationnisme. Avec eux, ils entendaient tendre la contestation lÕensemble de la socit. Les assembles libres taient avant tout des lieux de discussion et de rflexion, peu de mesures concrtes en sortirent. La voix des anarchistes fut noye dans le flot des utopies dverses par lÕensemble des tudiants contestataires et par les autres groupes de gauche. A Lige, la contestation prit une autre tournure. A partir de mai 1968, un premier groupe dÕtudiants contestataires se forma lÕU.L.G. Dans un premier temps, il dita un journal dont le titre parodiait le clbre quotidien de Lige, La Meuse, en le transformant en La Gueuse. Il sÕagissait dÕun journal franchement libertaire, avec notamment des articles de contestation sur lÕappareil judiciaire belge. A la fin de lÕanne acadmique de 1968, ces mmes tudiants se rassemblrent dans un groupe nomm Ç Boule de neige È407. Durant toute la priode de trouble universitaire, cÕest--dire de 1968 la fin de lÕanne 1969, ces personnes furent la tte de toutes les manifestations anti-autorit lÕU.L.G. A lÕpoque, chaque facult possdait ses propres organisations reprsentatives tudiantes, qui elles-mmes taient regroupes au sein de lÕUnion Gnrale des tudiants. CÕest au sein de ces associations que le mouvement contestataire prit forme. Les jeunes protestataires qui taient responsables de La Gueuse sÕimmiscrent dans ces instances. Ainsi, Thierry GRISAR devint prsident de lÕUnion Gnrale des Etudiants (U.G.E.) et Ludovic WIRIX, prsident du Mouvement Universitaire Belge dÕExpression Franaise (M.U.B.E.F.). On peut donc remarquer que, mme sÕil nÕy avait pas de mouvement libertaire ou anarchiste officiellement proclam lÕUniversit de Lige, des individualits de tendance libertaire sÕtaient intgrs dans les structures reprsentatives universitaires dans le but, selon les dires de Thierry GRISAR, dÕÇ affronter le pouvoir dans les meilleurs conditions408 È. Leur rle de dlgus leur permettait de se trouver en premire ligne dans les dbats et prises de dcision mais aussi de se tenir au courant de tout ce qui se passait sur le campus. Ces personnes ne sÕaffichaient pas ouvertement comme libertaires ou anarchistes mais leur idologie tait connue de tous. Cela ne plaisait videmment pas aux autorits acadmiques et mme certains tudiants dsireux de voir leurs dlgus sÕoccuper simplement des tches qui leur reviennent habituellement (dition de syllabus, vente de pennes,É). En effet, ce comit tudiant dlaissa compltement les anciennes activits pour Ç taquiner le pouvoir È. Hormis les personnes dj cites, on peut relever parmi les acteurs les plus actifs Guy QUADEN409, alors assistant en science conomique lÕU.L.G. et dj grand orateur, ainsi que Nol GODIN, le futur Ç entarteur È, qui se rclamait quant lui du situationniste410. Ce petit groupe dita une revue hebdomadaire, qui portait le nom de LÕOeil coute. De dcembre 1968 mars 1969, dix-sept numros sortirent sous la responsabilit du prsident de lÕU.G.E., qui en tait aussi un des principaux rdacteurs411. Cette revue tait subsidie par lÕuniversit en tant quÕorgane de presse des tudiants et tait tire quatre mille exemplaires grce aux outils de reproduction mis disposition par lÕuniversit, chiffre assez important puisque cela signifiait quÕil tait prvu un peu moins dÕun numro pour deux tudiants. Cette revue manant des reprsentants tudiants de lÕUniversit de Lige, elle ne devait pas a priori manifester de tendance politique prcise, et encore moins anarchiste. Toutefois, nous nous y intressons en raison des drives libertaires et de lÕopposition toute forme dÕautorit qui ne vont pas tarder apparatre dans ses pages. La revue tait illustre de dessins raliss par 407 Interview de Thierry GRISAR 408 Ibidem 409 Guy QUADEN, (n en 1945). Futur directeur de la Banque nationale et professeur lÕUniversit de Lige. 410 Leur principal activit va tre lÕorganisation de manifestations, de sminaires et de dbats, lÕdition de tracts et dÕaffichesÉ 411 La revue nÕest conserve dans aucun centre dÕarchives. Aussi, nous nÕavons pu la consulter que chez des particuliers ayant collabor sa rdaction 59. Pierre DEMEYST, qui signait sous le pseudonyme de CHUCK412. Trs vite, cette revue tout ce quÕil y de plus officielle va devenir un journal satirique prenant pour cible les autorits en place et principalement le recteur de lÕU.L.G., Monsieur DUBUISSON, qui tait considr par les tudiants comme le strotype des anciennes traditions honnies par tous les contestataires de 1968. Face cette autorit, la politique du groupe fut toujours de Ç demander lÕimpossible È, cÕest--dire de poser des exigences dont ils savaient pertinemment quÕelles ne pouvaient aboutir, leur but tant de crer un dbat sur la notion mme dÕautorit, sur les valeurs de lÕuniversit et, dans une vision plus large, sur lÕensemble de la socit. Sur un ton humoristique, ils poussrent ainsi constamment les autorits acadmiques dans leurs propres contradictions. Ils exigeaient ainsi notamment des choses quÕils ne dsiraient pas rellement, comme par exemple la prsence de reprsentants tudiants au sein du conseil dÕadministration, dans lÕunique but dÕennuyer les autorits. Aprs cette priode de trouble universitaire, on retrouvera certains de ces acteurs dans une nouvelle revue intitule Le Saisi. Celle-ci tait dirige par Ludovic WIRIX. On retrouvait aussi le dessinateur CHUCK. Aucun article nÕtait sign. Il nÕy eut que deux numros de cette revue qui parut en 1970 et qui fut distribue dans les casernes belges dÕAllemagne et de Belgique. Son contenu tait toujours trs provocateur, mais cette fois la satire des auteurs sÕexerait lÕencontre de lÕarme et du service militaire. CÕest dÕailleurs pour viter des problmes avec la justice que la revue cessa de paratre. Comme nous venons de le voir, la contestation prit une forme tout fait diffrente Bruxelles et Lige. La participation des anarchistes au mouvement fut galement dÕun autre type dans les deux universits. A Lige, lÕaction manait dÕun petit groupe qui, dans la ligne des vnements de France et de Bruxelles, voulait se mesurer lÕautorit. Ils organisrent la contestation presque tout seuls, de faon assez efficace, mais sans possder de vritables revendications. Ce mouvement prit vite la tte des organisations tudiantes dlaisses par les tudiants politiss qui consacraient toute leur nergie des associations politiques. Une fois au Ç pouvoir È, ce groupe en profita pour faire valoir ses ides libertaires. Cependant, ils nÕtaient nullement intresses par le fait de construire un travail srieux et suivi, si bien que lorsquÕon proposa ces tudiants de siger comme reprsentants dans les hautes instances de lÕuniversit, vritables organes de dcision, ils sÕarrangrent pour ne pas devoir accepter. A Bruxelles en revanche, il y eut une relle volont de se faire entendre et de participer aux rformes (que les anarchistes envisageaient quant eux comme une vritable rvolution) mais, comme nous lÕavons vu, le point de vue anarchiste ne russit pas sÕimposer, noy dans la masse des ides dÕextrme gauche. En fin de compte, ds quÕon ft parvenu des avances dmocratiques suffisantes, mais bien dcevantes pour les anarchistes, le mouvement s’essouffla et finit par disparatre. En dpit de ces diffrences, il faut souligner un point commun aux deux mouvements contestataires : lÕimportance des ides situationnistes. Ainsi, les critiques libertaires, puisquÕelles nÕmanaient pas de groupes anarchistes officiels, ceux-ci tant absents des campus, semblent souvent provenir de ce courant de pense, la fois si proche et si diffrent de lÕanarchisme. Les situationnistes taient la base regroups dans une internationale trs ferme. Issus des milieux artistiques, ils commencrent par contester les formes artistiques de leur poque, puis radicalisrent leur critique pour lÕtendre lÕensemble de la socit. Leurs contestations visaient la hirarchie de spcialistes qui dirigent le monde. De nombreux contestataires ou groupes de contestation voulurent adhrer lÕInternationale Situationniste (I.S.), ou en tout cas sÕen rclamrent. Le lien entre la pense situationniste et anarchiste fut tellement troit, notamment en France, que trois groupes affilis la Fdration Anarchiste la quittrent pour devenir des groupes situationnistes413. Le situationnisme se voulait une critique de la critique. Cette critique va notamment porter sur les autres mouvements de 412 Interview de Thierry GRISAR 413 Roland BIARD, Dictionnaire de l’extrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 1978, pp.188-192 60. gauche, chose que les anarchistes apprciaient, sauf lorsque les situationnistes se mirent sÕattaquer directement eux. Il faudra attendre 1970 pour que de vritables Ç organisations È anarchistes apparaissent sur le campus. Dans un premier temps, la vente de revues anarchistes sÕorganisa lÕU.L.B., puis le cercle Bte et Mchant fut cr par Jean-Marie NEYTS414 et un petit groupe de ses amis. Il ne faut pas oublier que les lycens avaient aussi t touchs par les vnements de 1968, mme si ce nÕest pas avec la mme ampleur que dans les universits415. Il est donc trs probable que ceux-ci aient aussi eu envie de faire leur Ç rvolution È une fois arrivs lÕuniversit. Ils rejoignirent donc les anarchistes, en sÕintgrant notamment aux groupes Liaisons. ! Liaisons Comme nous lÕavons dj signal, le groupe Liaisons est issu en grande partie de lÕancien groupe Socialisme et Libert et de sympathisants de Lige qui taient entrs en contact avec lÕI.C.O. la fin des annes 1960. Un responsable de lÕI.C.O. sÕest mme dplac Bruxelles pour assister la premire runion du groupe. Les camarades de Lige crrent aussi leur groupe. A partir de dcembre 1969, les groupes vont commencer publier un priodique auquel ils donnrent simplement le titre de Liaisons. LÕditeur responsable tait Joseph DE SMET jusquÕen 1972, puis Philippe DOGUET, qui faisait partie du groupe de Lige. La gestion du journal tait confie Jacques LEROI, qui occupait le poste dÕadministrateur, et Marie- Claire GILLES416, qui sÕoccupait de la correspondance (Philippe DOGUET sÕen occupa par la suite). Il y eut vingt-sept numros de la revue jusquÕen 1975, qui taient en gnral tirs cinq cents exemplaires417. A ct de la revue, le groupe ditait parfois en Ç supplments È418 des numros non-numrots, bulletins intrieurs419 et ce quÕon appelait Les Cahiers de Liaisons420. Ces diffrents types de publications avaient chacun une fonction diffrente, mme si cette distinction nÕtait pas toujours trs claire. Il apparat en tout cas vident que le bulletin intrieur sÕadressait plutt aux militants. Nous ne savons pas quel prix le priodique tait vendu, le montant ne figurant pas sur le journal. Nous savons seulement que lÕabonnement cotait cinquante francs, puis quÕil passa cent francs. La priodicit nÕtait pas trs rgulire, ce qui est encore une fois d des problmes financiers, mais aussi un manque dÕarticles421. Le groupe sÕintressait principalement au syndicalisme et au mouvement ouvrier. Il se dfendait dÕailleurs de faire rdiger sa revue par un comit de rdaction compos de Ç pontifes rvolutionnaires422 È. Ses membres se voulaient en effet proches de la base et ouvraient donc 414 Jean-Marie NEYTS (n en 1950). Il entama ses tudes de journalisme lÕULB en 1969. Il tait trs influenc par le journal satirique Charlie hebdo et Hara Kiri auquel il consacra dÕailleurs son mmoire de licence. En 1971, il fonda le cercle Bte et Mchant. Le but de celui-ci tait de tout critiquer en sÕamusant. 415 Serge GOVAERT, C’tait au temps o Bruxelles contestait, Bruxelles, Politique et Histoire, 1990, pp.105-117 416 Marie-Claire GILLES (n en 1943). Issue dÕune famille catholique, elle fit des tudes de traduction dans une succursale bruxelloise de lÕU.C.L. En 1963, elle pousa Claude LEMAIRE avec lequel elle eut deux enfants. Ensemble, ils sÕinvestirent dans le mouvement libertaire la fin de lÕanne 1966. En 1970, elle partit avec son mari au Canada (interview de Claude LEMAIRE) 417 Ç Comment se porte Liaisons È in Bulletin Intrieur de Liaisons, Bruxelles, n¡1, janvier 1971, s.p. 418 Par exemple, Les Cahiers de Liaisons, Bruxelles, n¡1, juin 1971, s.p. sorti en mme temps que Liaisons, Bruxelles, n¡12, s.d. (juin 1971), s.p. 419Ce bulletin intrieur parut sous le titre de Bulletin Intrieur de Liaisons. Nous connaissons le n¡1 de janvier 1971 et un autre non-numro du 5 novembre 1971 420 Il existe des Liaisons non numrotes par exemple Liaisons, s.n. et s.d. (juin 1971), 28p. 421 Ç Voil, cÕest reparti È in Liaisons, Bruxelles, n¡14, (s.d), p.1 422 Ç Qui crit Liaisons È in Liaisons, Bruxelles, n¡2, s.d. (janvier 1970), p.17 61. leurs colonnes tous les Ç groupes, comits dÕaction, de grve,[É] issus de la base, et qui veulent, sans tre noyauts par une secte, exprimer leur point de vue, diffuser leurs informations et leurs communiqus423 È. Ainsi, les textes qui paraissent dans Liaisons avaient principalement un caractre informatif : renseignements sur le droulement des grves, sur la situation dans les usines et dans les mines, bref, informations pouvant Ç tre utile[s] dans la lutte quotidienne424 È. des travailleurs. Liaisons constituait avant tout un lieu de contact entre les individus ou les groupes, au sein duquel ceux-ci pouvaient rapprocher leurs expriences et donc gagner en efficacit425. Soulignons que lÕambition de Liaisons nÕtait pas de devenir un lieu dÕactivisme ou dÕintellectualisme. Leur projet initial tait de centrer leur publication sur lÕinformation ouvrire, en mettant lÕaccent sur lÕautonomie des luttes qui se droulaient sur les lieux de production. Ainsi, le groupe (et sa revue) prenait pour base de discussion un texte dont le titre nÕtait autre que la clbre phrase de Marx Ç LÕmancipation des travailleurs sera lÕÏuvre des travailleurs eux-mmes È426. Selon eux en effet, la rvolution ne pouvait venir que dÕun mouvement rvolutionnaire proltarien. Les autres catgories socio-conomiques et leurs mouvements de rvolte nÕauraient dans ce cadre quÕun rle dÕappoint minime, proportionnel leur niveau dÕexploitation par le capitalisme. Le groupe portait de grands espoirs dans la notion dÕautogestion et les conseils ouvriers, manation directe du pouvoir ouvrier. Les organisations traditionnelles de la classe ouvrire, cÕest--dire les partis et syndicats, faisaient au contraire lÕobjet dÕun certain mpris : les membres de Liaisons y voyaient des lments de stabilisation et de conservation du rgime dÕexploitation. Ainsi affirmaient-ils : Ces Ç soidisant partis et avant-gardes rvolutionnaires, qui se prtendent seuls dtenteurs de la conscience de classe et de la voie vers la rvolution, [..] reproduisent la distinction traditionnelle entre dirigeants et dirigs, [et] ne peuvent aboutir au maximum quÕ une nouvelle situation de domination et dÕexploitation ne modifiant en rien les rapports de production427 È. Sur ce thme, Liaisons publia de nombreux Ç articles de combat, des analyses de situations et des tudes thoriques428 È dnonant les mfaits de lÕconomie capitaliste429 et des bureaucraties syndicales430. Face cette inefficacit des moyens de lutte traditionnels, les conseils ouvriers prsenteraient leur avis lÕavantage dÕtre sous le contrle immdiat et permanent de lÕensemble des travailleurs. A la lecture de ces principes directeurs, on comprend que lÕidal du groupe semble laisser une place lÕanarcho-syndicalisme. Liaisons publia dÕailleurs en 1970 un texte en espagnol sur les bases du syndicalisme rvolutionnaire de la C.N.T.431 È. Le groupe Liaisons, dont on a expliqu les liens avec lÕI.C.O. et la part active que ses membres ont prise dans la runion de dlgus de groupes europens en 1969432, va vouloir lui aussi, ds fvrier 1970433, lancer un nouveau bulletin ambition internationaliste. Cela aboutira la cration de la revue Liaisons Internationales. Son but tait dÕtablir des liens entre les diffrents groupes qui se rfraient aux luttes ouvrires travers le monde. Dans ce cadre, le groupe essayait de mettre la disposition de chacun les publications des autres pays. Ainsi, le journal publiait les sommaires de diffrentes revues proches de leur idologie, 423 Ibidem, p.17 424 Ibidem, p.17 425 Ibidem, p.17 426 Ç Base de discutions, lÕmancipation des travailleurs sera lÕÏuvre des travailleurs eux-mmes È in Liaisons, Bruxelles, n¡2, s.d. (janvier 1970), p.18 427 Ibidem, p.18 428 Ibidem, p.18 429 Ç Economie capitalistes et mouvement sociaux È in Liaisons, Lige, n¡7, s.d., pp.4-7 430 Citons par exemple : Ç Nos amis les bureaucrates syndicaux È in Liaisons, Bruxelles, n¡4, (juin 1970), pp.13-15 ou Ç Les syndicats È in Liaisons, Spcial grve sauvage, Bruxelles, n¡5, (juillet-aot 1970), p.2, ou encore le numro spcial sur les grves de 1960-1961, (Liaisons, Les grves 60-61 en Belgique, Bruxelles, n¡8, janvier 1971, 20p.) 431 Ç A propos du syndicalisme rvolutionnaire È in Liaisons, Bruxelles, n¡4, juin 1970, pp.10-13 432 Interview de Franois DESTRYKER 433 Liaisons internationales, Bruxelles, n¡1, fvrier 1970, 4p. 62. notamment des revues franaises comme Anarchisme et non-violence, Archinoir ou Le monde libertaire. Bientt, de nouveaux sympathisants arrivrent au sein du groupe, ce qui ne fut pas sans poser un certain nombre de problmes. En effet, si dans un premier temps la principale question que se posait le groupe tait lÕutilit de sa revue d’information, des dbats plus fondamentaux ne tardrent pas apparatre suite lÕarrive de ces nouvelles personnes. On discuta notamment beaucoup du rle que devaient jouer les minorits rvolutionnaires. Un double courant se faisait jour au sein du groupe. Une partie des membres, qui venaient principalement de la capitale et qui se revendiquaient du communisme de conseil, insistait sur la ncessit d’une intervention organise. D’autres, principalement Lige, dfendaient une conception conseilliste refusant toute intervention pratique au sein de la classe ouvrire. Pour ces derniers, Liaisons ne constituait quÕune simple Ç bote aux lettres È au moyen de laquelle les informations sur les luttes ouvrires taient transmises. Ils refusaient tout dirigisme, la conscience des ouvriers devant progresser spontanment. Cette conception vacuait tout engagement militant. Ce dbat aboutit la constitution au sein de Liaisons dÕun groupe de tendance communiste libertaire : le Groupe du 18 fvrier434, que nous tudierons par la suite. Celui-ci sera tolr, on peut mme retrouver des informations sur la revue dite par ce groupe dans les pages de Liaisons435. Cependant, comme nous le verrons, le groupe du 18 fvrier va assez vite se dsagrger, ce qui amena la tendance communiste libertaire se rinvestir au sein de Liaisons. Cette dissolution, en fvrier 1971, fut salue par le groupe Liaisons de Bruxelles : ils se flicitrent de sÕtre enfin dbarrasss de camarades aux positions Ç petit bourgeois È et Ç spontanistes È qui, selon eux, avaient bloqu lÕaction du groupe en assimilant son travail au Ç folklore anar, provo ou autres hippiesÉ436 È. Le malaise restera cependant latent et, lÕapproche des lections, un groupe Communiste Libertaire437 (G.C.L.), plus politique, sera cr, faisant scession avec Liaisons. ! Le groupe du 18 fvrier Comme nous lÕavons expliqu plus haut, le groupe du 18 fvrier est une dissidence de Liaisons, ou plutt un sous-groupe, cr suite un dsaccord idologique. Ses membres voulaient prciser la thorie anarchiste tout en continuant participer au travail d’information de Liaisons. Le groupe gardait nanmoins un intrt certain pour les proccupations sociales de Liaisons. Il dclarait en effet vouloir Ç participer aux luttes du proltariat, en cherchant sauvegarder lÕunit dÕaction par des moyens (conseils ouvriers, comits de quartier, dÕtudiants, etcÉ) que les travailleurs auront crs eux-mmes et dont ils assumeront en permanence le contrle438 È. Le groupe se runissait dans une maison de la rue des Renards Bruxelles chez Philippe DOGUET. Hormis cet hte et lÕditeur responsable du groupe, nous ne connaissons pas lÕidentit des personnes qui y ont pris part, les articles parus dans les publications du groupe nÕtant jamais signs. Toutefois, nous savons que Franois DESTRYKER a pris part ces activits puisquÕil a mme t le responsable de son compte-chques439 È. Mis part ces personnes, le groupe se dit compos de travailleurs et dÕtudiants se rfrant une pense anarchiste mais non dogmatique. Ceux-ci ne croyaient pas en la cration dÕun groupe rvolutionnaire et se mfiait des sclroses bureaucratiques et du dviationnisme autoritaire 434 voir infra pp.85-89 435 On trouve dans le numro 6 de Liaisons une publicit pour une brochure anti-lection dite par Les Cahiers du 18 fvrier (Ç A lire È in Liaisons, Bruxelles, n¡6, s.d. (1970), p.24) 436 Bulletin Intrieur de Liaisons, Bruxelles, n¡1, janvier 1971, s.p. 437 voir infra p.98 438 Ç 18 fvrier : premiers aperusÉ È in Rebelle, Bruxelles, n¡1, s.d (mars 1970), p2 439 Les Cahiers du 18 fvrier, Bruxelles, (n¡1 consacr la rpression en Belgique), s.d.(1970), s.p. 63. des pratiques staliniennes qui, selon eux, ne peuvent que mener le mouvement ouvrier rvolutionnaire dans lÕimpasse de lÕlectoralisme440. Les essais de thorisation entrepris par le groupe eurent pour tribune des publications phmres comme Rebelle et Les Cahiers du 18 fvrier441. Le but de celles-ci tait de constituer une tribune libre des tudes politiques, sociales ou conomiques et, en final, de dmystifier lÕanarchie de sorte que celle-ci ne rime plus avec Ç utopie ou bombe442 È. Comme dans Liaisons, les pages taient ouvertes tous et chacun tait responsable de ses crits. Les deux publications furent dites sous la responsabilit de Joseph DE SMET, ce qui montre que les anciennes gnrations de militants anarchistes restaient attentives aux activits des plus jeunes. Il y eut trois numros de Rebelle qui parurent entre 1970 et 1971. Le premier numro sÕinterrogeait sur la violence et la rpression policire et militaire dans le monde, principalement dans les pays autoritaires comme la Grce, mais aussi en Belgique. Ce numro traitait aussi de la violence de certains anarchistes, de la situation sociale de lÕItalie et de la guerre du Vietnam. Le groupe ne se cantonnait cependant pas lÕdition de sa revue, il ditait aussi des tracts. Ainsi, concernant le Vietnam, qui tait un sujet brlant lÕpoque, le groupe va distribuer un tract dfinissant sa position face au F.N.L. lors de la marche anti-OTAN du 15 octobre 1969443. Le deuxime numro de Rebelle traitait intgralement de lÕobjection de conscience et de lÕanti-militarisme. Il prsentait les nouveaux statuts, les positions des anarchistes ce sujet et laborait une stratgie globale concernant lÕanti-militarisme rvolutionnaire444. Si on en croit Franois DESTRYKER, la composition de ce numro de Rebelle sÕest droule dans une certaine tension entre les membres du groupe, des dissensions tant apparues propos des positions prendre, ce qui a provoqu une sorte de scission au sein du groupe du 18 fvrier. Un nouveau groupe fut donc cr pour lÕoccasion, Objection Libertaire et Contre Violence (O.L.C.V.), qui assuma la responsabilit de la rdaction de ce numro445. Notons que cette Ç dissidence È tait toujours emmene par Franois DESTRYKER et se retrouvait lÕavenue Geyskens, chez Janine DE MIOMANDRE, avant de dmnager la Maison de la Paix, rue Van Elewyck446. Son but tait de rassembler les objecteurs et les futurs objecteurs de conscience anarchistes447, mais aussi de conscientiser les jeunes travailleurs et tudiants aux problmes engendrs par lÕobligation du service militaire, quÕils interprtaient comme un Ç encasernement au service de la bourgeoisie È, et de les amener poser un acte antimilitariste et anti-imprialiste en devenant objecteurs de conscience et en travaillant en liaison directe avec le mouvement ouvrier rvolutionnaire448. Toutes ces tensions nÕont pas t positives pour le groupe, qui va prouver des difficults boucler le troisime numro de Rebelle. Celui-ci ne comptait dÕailleurs plus que quatre pages. Bien que la revue connaisse un changement de titre, puisquÕelle est dornavant intitule les Cahiers du 18 fvrier, il est important de constater que le mot dÕordre de celle-ci resta inchang. Le texte de base du groupe tait galement identique celui adopt ses dbuts. 440 Ç Les Cahiers du 18 fvrier È in Les Cahiers du 18 fvrier, Bruxelles, (n¡1consacr la rpression en Belgique), s.d. (1970), s.p. 441 Ren BIANCO a t mal inform sur ces groupes puisquÕil inverse chronologiquement la sortie de Rebelle et des Cahiers du 18 fvrier. En effet, il tait difficile de connatre lÕordre de sortie des diffrentes revues puisque aucune dÕelles nÕtait date. Toutefois, ici encore les souvenirs de Franois DESTRYKER nous mirent sur la bonne voie. Cette chronologie nous a de plus t dmontre par les thmes abords dans les diffrents articles. 442 Ç Rebelle : premiers aperusÉ È in Rebelle, Bruxelles, n¡1, s.d (mars 1970), p3. 443 Ç Vietnam È in Rebelle, n¡1, s.d (mars 1970), p.11 444 Ç Essai dÕlaboration dÕune stratgie globale pour lÕanti-militarisme rvolutionnaire È in Rebelle, n¡2 (consacr lÕanarchisme et lÕobjection de conscience), (juillet 1970), s.p. 445 Ibidem 446 Ç LÕobjection de conscience È in Les cahiers du 18 fvrier, (n¡1, consacr la rpression en Belgique), s.d. (1970), s.p. 447 Cahiers dÕtudes Ç anarchisme et non-violence È, Bruxelles, (juillet 1970), p.2 448 Ibidem, p.4 64. Le premier numro des Cahiers du 18 fvrier tait quasiment entirement consacr lÕaffaire DELLA SAVIA. Yvo DELLA SAVIA tait un anarchiste italien, anti-fasciste et objecteur de conscience. Dserteur, il se rfugia en Belgique en 1969. Il logea pendant tout un temps la rue de Washington, dans une communaut tudiante. En 1970, des attentats la bombe clatrent en Italie et Yvo DELLA SAVIA fut souponn par les autorits italiennes dÕavoir fourni les explosifs. Dans le mme temps, lÕItalien fit une demande pour bnficier du statut de rfugi politique en temps quÕobjecteur de conscience. La police belge lÕarrta et le condamna pour sjour illgal en Belgique trois mois de prison. LÕItalie introduit une demande dÕextradition. Un comit dÕaide DELLA SAVIA fut alors mis sur pied. Il lana des appels dans la presse pour tenter dÕalerter lÕopinion publique sur leur cause. Diffrents organismes rpondirent prsents et sÕassocirent la lutte : les Jeunesses Ouvrires Chrtiennes, le Mouvement Chrtien pour la Paix, le Front Socialiste Unifi, le Centre dÕAction Directe Non-violente, LÕaction Dmocrate, lÕI.R.G., Amnesty InternationalÉ Le numro spcial des Cahiers du 18 fvrier a dÕailleurs t rdig en collaboration avec le Comit dÕaide DELLA SAVIA et avec lÕI.R.G. Des fonds furent rcolts pour soutenir lÕobjecteur. CÕest Franois DESTRYKER qui grait les finances. Une ptition a mme t lance449. Toute lÕorganisation du soutien cet anarchiste manait de la Maison de la Paix Ixelles. CÕest partir de cette collaboration que le O.L.C.V. se Ç domicilia È la Maison de la Paix. Les sources de ce numro spcialement consacr la rpression en Belgique ont dÕailleurs t consultes la bibliothque de lÕAlliance (Maison de la Paix)450. Le deuxime numro de la revue tait quant lui consacr au thme des lections. Dans les articles, les auteurs dnonaient Ç les activits parlementaires451 È et le Ç mythe des partis de gauche452 È. Comme Liaisons, ce groupe croyait que la rvolution tait possible et y aspirait. Il voulait apporter une contribution cet avnement. En lÕoccurrence, il sÕagissait pour le groupe de favoriser la liaison et de multiplier les contacts entre les travailleurs. La diffrence fondamentale entre les deux groupes, mis part que le groupe du 18 fvrier se dclarait ouvertement anarchiste, rsidait dans le fait que les membres de lÕO.L.C.V. considraient que le rle de chaque acteur tait important dans lÕentreprise rvolutionnaire : Ç LÕefficacit du mouvement rvolutionnaire dpend de lÕeffort de chacun dÕentre nous453 È. Le groupe tait convaincu dÕavoir un rle jouer dans la rvolution en tant quÕavant-garde rvolutionnaire. Elle sÕopposait en cela au spontaniste de Liaisons de Lige. Finalement, les tensions au sein du groupe du 18 fvrier vont devenir trop fortes entre les communistes libertaires et les anarchistes individualistes. Le groupe cessa ses activits. Certains, comme nous lÕavons vu, rintgrrent Liaisons tandis que les communistes libertaires, aprs une exprience communautaire, ralisrent un numro unique dÕun journal qui avait pour titre Graffiti, et propos duquel nous nÕavons trouv aucune information454. ! LÕAlliance CÕest le 7 janvier 1969 que fut cre cette a.s.b.l.455, sous lÕimpulsion de Joseph DE SMET, Franois DESTRYKER, Claude LEMAIRE et Thodore DE LIPPE. Le nom de lÕassociation faisait rfrence au nom du groupe cr par BAKOUNINE au sein de la Premire 449 Lettre de lÕI.R.G. tous les sympathisants, s.d. in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, dossier T2 A7 450 Les Cahiers du 18 fvrier, Bruxelles, (n¡1, consacr la rpression en Belgique), s.d.(1970), s.p. 451 Les artifices parlementaires classiques, in Les Cahiers du 18 fvrier, (n¡2, Voter ? Pourquoi ?) s.d., s.p. 452 Ç Partis de gauche et lections È in Les cahiers du 18 fvrier, (n¡2, Voter ? Pourquoi ?), s.d. s.p. 453 Ç Les Cahiers du 18 fvrier È in Les cahiers du 18 fvrier, (n¡1, consacr la rpression en Belgique), Bruxelles, s.d.(1970), s.p. 454 Interview de Franois DESTRYKER 455 Statut de lÕa.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 6 fvrier 1969, p.306, n¡621 65. Internationale456. LÕassociation se fixait comme but Ç dÕÏuvrer sur le plan culturel au libre panouissement de la personne humaine457 È. De manire concrte, le groupe avait pour mission de fournir une documentation la plus prcise et la plus complte possible aux militants, sympathisants, tudiants ou chercheurs dsireux de se renseigner sur le mouvement anarchiste, sa presse, sa littrature et ses actions458. Pour ce faire, elle mit sur pied une bibliothque contenant un grand nombre dÕouvrages et publications sur ce sujet. Son action comprenait galement lÕdition de publications priodiques ou non, lÕorganisation de confrences, de dbats, de runions et de sminaires. Enfin, lÕassociation soutenait des centres dÕducation libre ou des maisons communautaires459. Au dpart, LÕAlliance devait financer ses activits par les contributions libres de ses membres ou de personnes extrieures460, mais ces fonds se rvlrent insuffisants pour couvrir les frais de lÕassociation. A la fin de lÕanne 1971, une cotisation annuelle de cent francs fut donc demande aux membres, moyennant laquelle ceux-ci avaient le droit dÕaccder la bibliothque461. Tout membre impliqu dans le groupe pouvait devenir membre effectif et, en introduisant une demande lors dÕune assemble gnrale, entrer dans le conseil dÕadministration. La gestion quotidienne et financire de lÕa.s.b.l. tait confie un des membres du conseil dÕadministration choisi par lÕassemble gnrale. Les membres de lÕAlliance essayaient de prendre les dcisions lÕunanimit462. Ainsi, un premier conseil dÕadministration fut cr. Marcel DIEU fut accept comme membre effectif et entra au conseil aux cts de ses acolytes anarchistes. Franois DESTRYKER fut nomm administrateur dlgu des finances et du compte-chques de lÕassociation. Il fut remplac en 1972 par Christine HUC. Claude LEMAIRE devint administrateur dlgu charg des formalits lgales et des communications aux membres463. Le groupe va aussi parrainer une section locale, la maison communautaire, situe la rue de Washington, qui sera reprsent dans le groupe par Charles HERSHKOWITZ, un tudiant amricain464. Dans cette maison, les participants essayaient dÕtablir une gestion libertaire cohrente et commune. La maison tait toujours accessible et ouverte465. Le sige social de lÕAlliance fut fix dans un premier temps chez Claude LEMAIRE, la rue Augustin Delporte Ixelles. Le groupe va trs vite obtenir un local la Maison de la Paix dÕIxelles pour y dposer sa bibliothque. En octobre 1970, le sige social y est transfr466. Assez rapidement, lÕAlliance commena sÕorganiser. Sa bibliothque sÕagrandit, principalement grce lÕapport de livres et de revues de vieux anarchistes comme Hem DAY et Yvan KEUHENNE, mais aussi par le don de lÕbauche de bibliothque qui avait t constitue par le groupe Socialisme et Libert. Les animateurs du groupe ne mnagrent pas leurs efforts pour constituer Bruxelles une structure culturelle du mouvement libertaire, cÕest--dire un centre de documentation et une bibliothque bien achalands. Le groupe entra donc en contact avec le Centre International de Recherche sur lÕAnarchisme (C.I.R.A.), Lausanne, et sÕy affilia467. Cela impliquait des dplacements importants mais va leur permettre de complter leur bibliothque. En 1971, celle-ci comptait plus de huit cents 456 Interview de Franois DESTRYKER. (Plus dÕinformation, Daniel GURIN, Ni DIEU ni matre : anthologie historique du mouvement anarchiste, Paris, La Dcouverte & Syros, tome 1, p.148) 457 a.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 6 fvrier 1969, p.306, n¡621 458 Fascicule de LÕAlliance, s.d. in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 459 a.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 6 fvrier 1969, p.306, n¡621 460 art 3, statuts de lÕ a.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 6 fvrier 1969, p.306, n¡621 461 Runion du conseil dÕadministration de lÕAlliance du 13 octobre 1971, in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 462 art. 5, statuts de lÕ a.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 6 fvrier 1969, p.306, n¡621 463 Nomination Ð conseil dÕadministration, a.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 6 fvrier 1969, p.306, n¡622 464 Annexe au Moniteur du 3 avril 1969, p.904, n¡2065 465 Rvo, nouvelle srie, Bruxelles, s.d., p.24 466 a.s.b.l. LÕAlliance, Annexe au Moniteur du 29 octobre 1970, p.2975, n¡6331 467 Jean DE MEUR, LÕanarchisme en Belgique, la contestation permanente, Paris-Bruxelles, Pierre De Myre, p.125 66. ouvrages. La possession dÕune telle collection demandait un important travail de catalogage pour tre efficace. Le C.I.RA. envoya donc pendant un mois un bibliothcaire Bruxelles pour les aider organiser le classement des livres et constituer un fichier. Lors de ce voyage, le bibliothcaire amena une copie du fichier de la bibliothque du C.I.R.A pour rendre plus aiss les changes de livres et donc la collaboration internationale468. A ct de cette activit, le groupe commena diter en mai 1969 ses propres publications dÕinformations. Il publiait galement des brochures reproduisant des textes de grands penseurs comme par exemple Ç Pour lÕanarchisme È de Nicolas WALTER, Ç Des faux principes de notre ducation È de Max STIRNER ou Ç La Commune È de Michel BAKOUNINE. Un bulletin, modeste dans un premier temps, contenant des listes bibliographiques, va aussi tre dit. La publication de la premire srie de ce bulletin, qui comprit cinq numros, sÕtala de mai 1969 dcembre 1971. LÕAlliance investit quasiment tout son budget de fonctionnement dans lÕachat dÕune machine de reproduction des textes469. Une nouvelle srie de ce bulletin sortit un mois plus tard470, sous forme dÕun priodique mensuel dÕinformation. Seulement sept numros furent publis entre le dbut de la srie et sa disparition en dcembre 1972. Ce journal abordait tantt des questions thoriques, par exemple le marxisme libertaire471, tantt des faits historiques dÕactualit comme lÕaffaire SACCO et VANZETTI472. Claude LEMAIRE fut le responsable de la premire srie, Janine MIOMANDRE de la seconde. Mis part ces quelques noms, le reste de lÕinformation dont nous disposons sur cette publication est assez mince puisque les articles ne sont pour la plupart pas signs. Des changements survinrent dans le conseil dÕadministration lorsque, la mort de Hem DAY en aot 1969, Thodore DE LIPPE dcida de dmissionner473. Une nouvelle assemble gnrale fut organise en fvrier 1970, qui proclama lÕentre dans le groupe de Herman CLEYS, propritaire de la libraire Malpertuis, Janine DEMIOMANDRE et lÕavocat Jean THYS. Une commission de gestion de la bibliothque fut galement mise sur pied cette annel . Cette commission tait sous la responsabilit de Janine DEMIOMANDRE, de Yvan KEUHENNE474 et de Jean COURTIN. Son rle tait de sÕoccuper de toutes les tches quÕexigeaient la tenue de la bibliothque et de permettre ainsi aux personnes charges des permanences de pouvoir accueillir convenablement les visiteurs475. Un comit Fonds Hem DAY fut aussi cr afin de grer les documents offerts par lÕanarchiste. Il tait compos de Jean CORDIER, son excuteur testamentaire, Jean VAN LIERDE, Jean THYS et Franois DESTRYKER476. En effet, avant sa mort, lÕanarchiste avait mis le souhait que ses collections soient confies la Bibliothque Royale. Le comit charg de ce fonds au sein de lÕAlliance effectua toute une srie de dmarches pour que celles-ci soient intgres au plus vite dans les collections de lÕAlbertine. Ils allrent jusquÕ proposer aux responsables de la Bibliothque Royale de leur fournir lÕaide dÕun objecteur libertaire pour acclrer le classement de cette collection477. Le conseil dÕadministration suivant sera compos du Docteur CORDIER, qui semble sÕtre beaucoup investi dans lÕassociation, de Karl DE SMET, le fils de Joseph DE SMET, du docteur GODARD, de Christine HUC, de Janine DE MIOMANDRE, de lÕavocat THIJS et de Jean VAN LIERDE. 468 Rapport de lÕAssemble gnrale de lÕAlliance de dcembre 1972 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 469 Bilan de lÕalliance, de septembre 1971 in Mundaneum, fonds VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 470 LÕAlliance, priodique mensuel dÕinformation, n¡1 nouvelle srie, janvier 1972 471 LÕAlliance, priodique mensuel dÕinformation, n¡2 nouvelle srie, mai 1972, 10p. 472 LÕAlliance, priodique mensuel dÕinformation, n¡3 nouvelle srie, septembre 1972, 8p. 473 Annexe au Moniteur du 5 fvrier 1970, p. 295, n¡569 474 Yvan KEUHENNE (1886-1995). Anarchiste belge, originaire de Verviers. Il fit de nombreux petits boulots, un peu partout en Belgique, dans le nord de la France et en Hollande. Il sÕessaya aussi tout un temps la cambriole. 475 Fascicule de lÕAlliance, s.d. in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 476 Annexe au Moniteur du 2 juillet 1970, p. 1787, N¡ 3971 477 Rapport de lÕAssemble gnrale de lÕAlliance de dcembre 1972 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 67. LÕAlliance devint un lieu de rencontre assez important. SÕy ctoyaient des personnes appartenant aux tendances de lÕanarchisme ainsi que des sympathisants libertaires. Le groupe sÕagrandit notamment suite lÕarrive dÕun petit groupe dÕtudiants de lÕU.L.B. et de quelques lycens en 1970. Des permanences du groupe se tenaient tous les samedis aprsmidi. Des runions de gestions avaient galement lieu chaque semaine478. LÕAlliance fut confronte certains problmes dus la confusion qui rgnait parfois dans les esprits au sujet de ses objectifs et de sa spcificit. En effet, une grande partie des membres de lÕAlliance faisait galement partie du groupe Liaison ou de lÕI.R.G. Ces diffrentes associations finissaient par se confondre, dÕautant plus quÕelles se partageaient les mmes locaux. Ds lors, une mise au point sÕimposait au sein du groupe. Ses buts furent raffirms. Il sÕagissait avant tout dÕun travail dÕinformation et de documentation sur le mouvement anarchiste. Le rle de lÕAlliance se limitait rcolter tous les documents dits par et sur le mouvement anti-autoritaire en Belgique et de les classer pour en constituer un fonds dÕarchive. LÕAlliance nÕtait donc certainement pas lÕexpression dÕun groupe politique ou dÕun individu, mais lÕÏuvre collective de tous ceux qui, conscients de la ncessit de conserver les traces de lÕaction du mouvement, entendaient raliser un travail vritablement scientifique479. LÕengagement politique constituait mme pour certains un obstacle la bonne ralisation de cette mission. LÕAlliance se devait de garder une neutralit irrprochable lÕgard de toutes les tendances du mouvement anarchiste, exigence galement prsente au C.I.R.A.480 Cette exigence de neutralit, si elle se justifiait compltement, rendait difficiles les prises de position et donc dÕinitiatives. En 1970 fut cre une sous-section de lÕAlliance appele Ç Solidarit È. Il sÕagissait de Ç passer lÕaction È. CÕest Janine DEMIOMANDRE qui sÕen occupa principalement481, avec le soutien de Philippe DOGUET, Christine HUC, Jean COURTIN et Michel VEEVAETE482. Le but de cette organisation tait de venir en aide aux victimes de la rpression nÕappartenant aucune organisation politique ou ne pouvant disposer de son aide. Elle sÕadressait principalement aux insoumis, dserteurs, rfugis politiques, demandeurs dÕasile, prisonniers politiques,É LÕassociation fournissait ces personnes Ç une assistance juridique, sociale, mdicale et matrielle de premire ncessit483 È. Solidarit agissait en collaboration avec dÕautres comits existants. En Belgique, septante-deux personnes ont bnfici de lÕaide de Solidarit. Le groupe a aussi beaucoup travaill lÕtranger. Ainsi par exemple, des colis de nourriture et de vtements taient envoys par leur soin des prisonniers politiques et des objecteurs espagnols, italiens ou franais484. Le groupe contribua au travail de propagande en parvenant diffuser la presse libertaire dans les milieux tudiants et particulirement sur le campus de lÕU.L.B grce lÕaide de jeunes issus de cette universit qui frquentaient lÕAlliance comme notamment Jean- Marie NEYTS. Forte de cette russite, lÕassociation voulut alors raliser un travail de diffusion identique en direction du monde ouvrier. Dans cette optique, le groupe organisa des confrences sur des sujets divers, le plus souvent la Maison de la Paix. Une des plus importantes fut sans doute celle que Daniel GURIN fut invit donner la Ferme de Wolluw-Saint-Lambert sur le marxisme libertaire. 478 Interview de Franois DESTRYKER. 479 LÕAlliance, compte rendu de lÕAssemble gnrale du 27 novembre 1971, le 15 dcembre 1971 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 480 Rapport dÕactivits prsent au conseil dÕadministration, prparation de lÕassemble gnrale, s.d. (bilan 1970) in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 481 Interview de Franois DESTRYKER. 482 Philippe DOGUET, rapport sur lÕactivit de solidarit in rapport de lÕassemble gnrale, dcembre 1972 (Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1) 483 Fascicule Solidarit in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 484 Circulaire Solidarit, novembre 1973 in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1 68. Cette tendance influena trs fortement une partie du groupe principalement emmen par Franois DESTRYKER. La visite dÕun membre de lÕOrganisation Rvolutionnaire Anarchiste (O.R.A.) et la rencontre de conseillistes anversois se rclamant de PANNEKOEKE seront aussi dterminantes dans lÕvolution du groupe. Trs vite, des discussions apparurent sur la raison dÕtre de la bibliothque. A lÕpoque, les ides dÕducation populaire et dÕducation de rue connaissaient un certain succs. En 1972Ð1973, le groupe dcida de sÕimplanter dans un quartier populaire de Saint-Gilles, la rue de lÕglise. La location dÕun rez-de-chausse cotait cher alors que lÕoccupation par la bibliothque la Maison de la Paix tait gratuite. Ces nouveaux frais crrent un gros gouffre dans les budgets. Cette initiative aboutit un chec. En effet, les jeunes de lÕAlliance qui voulaient se rapprocher du peuple nÕavaient rien de commun avec les habitants de ce quartier485. Aucun dÕeux nÕy rsidait. Cette nouvelle orientation politique de lÕAlliance ne plaisait pas tout le monde. Les anarchistes individualistes ou les anarcho-syndicalistes ne se sentaient plus leur place dans le groupe. Lors de lÕassemble gnrale de 1974, qui eut lieu aprs lÕentre dans le groupe dÕune dizaine de conseillistes flamands, lÕexclusion de quatre membres parmi lesquels Jean- Marie NEYTS et Jean Pierre SCRYVE fut vote486. Ces jeunes anarchistes, grands lecteurs de Charlie Hebdo et de Hara Kiri, taient peu apprcis dans le groupe et considrs comme des Ç je mÕenfoutiste petit bourgeois È487. LÕAlliance fut gravement branle par cette rupture et ne sÕen relvera pas. Certains membres partirent dans dÕautres groupes crs entre temps ou qui allaient natre. DÕautres quittrent purement et simplement le mouvement anarchiste. Aprs la scission, Franois DESTRYKER, entour de lycens (dont le petit-fils de Jean DE BOè), prit contact avec lÕOrganisation Communiste Libertaire et, malgr sa mfiance envers FONTENIS, un groupe commun, lÕOrganisation Rvolutionnaire Anarchiste (O.R.A.), fut fond en 1974 Bruxelles. Mais la composante anarchiste ne tarda pas disparatre compltement de ce nouveau groupe, qui se tourna vers les ides marxistes. Le destin de la bibliothque de lÕAlliance suite la dissolution du groupe est entour dÕun grand mystre. Selon certains, elle aurait t donne la Bibliothque Royale pour rejoindre les collections de Hem DAY. Nous nÕavons cependant pu retrouver aucune trace de ce don. Pour dÕautres, cette collection aurait t vendue des bouquinistes, hypothse qui nous a dÕailleurs t confirme par certains tmoignages oraux et qui nous semble en tout cas la plus probable tant donn lÕtat dÕesprit qui rgnait dans le groupe ce moment (la volont de conservation tout prix du patrimoine du dbut nÕtait plus vraiment dÕactualit). 485 Interview de Franois DESTRYKER 486 Interview de Jean-Marie NEYTS 487 Interview de Franois DESTRYKER 69. V. LES ANARCHISTES BELGES ET LEUR ACTION AU NIVEAU INTERNATIONAL On lÕa vu, lÕactivit anarchiste en Belgique francophone pendant la priode tudie fut, sinon constructive, du moins assez importante. A la mme poque, les anarchistes belges taient galement actifs sur le plan international. Comme nous avons dj pu le constater auparavant, les relations entre les anarchistes venant de pays diffrents taient assez dveloppes. La notion de solidarit (notamment contre le fascisme) tait trs importante chez les anarchistes. Dans ce chapitre, nous examinerons lÕactivit des anarchistes belges au niveau international. Nous aborderons successivement la participation belge aux grands congrs anarchistes internationaux et aux associations caractre transfrontalier. Dans chaque cas, nous exposerons brivement la nature et les caractristiques de ces rencontres et de ces groupes. Nous verrons si les phnomnes observs dans le chapitre prcdent (liens troits entre les groupes, organisation assez dficiente, conflits entre les diffrentes tendance de lÕanarchie, conflits de gnration) se retrouvent dans la lutte internationale. Nous tcherons surtout de toujours bien mettre en vidence le rle que la Belgique francophone a pu exercer au sein de ceux-ci. Nous pourrons ainsi valuer lÕimportance et lÕinfluence de lÕaction belge au niveau international et confronter cette activit ce qui se passait sur notre territoire. 1. Les congrs internationaux anarchistes Le mouvement anarchiste international, pour essayer de renforcer son action, fut tent dÕorganiser de grandes rencontres, au cours desquelles certaines dcisions devaient tre prises, notamment la mise sur pied dÕorganes de coordination internationale. Si les runions rassemblant des anarchistes venant de diffrents pays furent videmment plus nombreuses, on compte pour cette priode trois grands congrs, que nous allons passer en revue. Nous expliquerons comment ceux-ci furent mis sur pied (et la part que la Belgique francophone y prit), ce qui sÕy passa, les dcisions quÕon y prit. Bref, nous tenterons dÕen restituer Ç lÕambiance È, avec une attention particulire pour la position belge (ou plus exactement les positions des Belges) dans les dbats qui y eurent cours. Nous mentionnerons aussi, chaque fois que nous le pourrons, le nom des militants anarchistes belges qui y prirent part. 70. ! Le premier congrs international anarchiste (Paris, 1948) La reprise des relations internationales entre les organisations et militants anarchistes sÕest faite directement aprs la seconde guerre mondiale. La premire initiative a t initie en France par le Mouvement libertaire espagnol en exil et le Mouvement libertaire franais alors en voie de reconstruction488. Le but dÕun rassemblement international tait de sÕinterroger sur la situation et les possibilits dÕaction des mouvements anarchistes dans le monde et, enfin, de crer des liens et un rseau de solidarit internationale. Une commission pro-congrs international fut mme cre, mais les conflits internes au mouvement franais vont ralentir le mouvement. Pour repartir sur de nouvelles bases, lÕide dÕune premire confrence anarchiste europenne est lance en fvrier 1947489. Celle-ci aura lieu du 15 au 17 mai 1948 Paris490. Plusieurs pays y furent reprsents : la France avec la Fdration Anarchiste franaise, lÕAngleterre, la Fdration Anarchiste italienne, des Suisses, les groupes exils bulgares, le Mouvement libertaire espagnol et le Groupe libertaire juif de Paris. Nous savons que Hem DAY y a particip491. Un Secrtariat provisoire des relations internationales (S.P.R.I.) fut cr avec pour tche de prparer srieusement un congrs mondial qui devait avoir lieu le plus rapidement possible. Mais des tensions clatrent au niveau international propos de la forme de regroupement adopter. Certains considraient celui-ci comme une internationale rigide et monolithique excluant tous les non-conformistes, tandis que dÕautres prfraient y voir un simple instrument de travail sans prtention reprsentative et sans pouvoir de dcision propre, bref, comme une organisation dcentralise et dbureaucratise qui se tiendrait en relation avec toutes les tendances de lÕanarchisme militant et nÕen favoriserait aucune492. Cette deuxime option fut finalement adopte et le premier congrs anarchiste international eut lieu Paris en novembre 1949493. Mcontente de cet arrangement, la dlgation bulgare se retira494. De nombreuses dlgations venues du monde entier vinrent sÕajouter celles dj prsentes lors du premier congrs europen. Il y avait des dlgations venant dÕAllemagne, dÕAutriche, de Belgique, de Hollande, dÕArgentine, de Bolivie, de Cuba, du Mexique, ainsi que des individus non-reprsentants dÕune nation qui venaient des tats-Unis et du Canada. Outre cette participation assez importante en dpit des entraves lgales et des difficults conomiques, il faut encore signaler que des lettres dÕexcuses et de soutien furent reues en provenance du Chili, du Panama, dÕUruguay, dÕAustralie, de Core et du Japon. Toutefois, si le nombre de dlgations tait satisfaisant, le congrs ne fut pas un succs dÕaffluence ni dÕinfluence. On sÕy contenta de raffirmer le principe de lÕInternationale, qui tait dÕtablir des relations entre les anarchistes par-del les frontires. Le S.P.R.I. changea de nom pour devenir la Commission de Relations Internationales Anarchistes (C.R.I.A.). Plus concrtement, une Commission Continentale et un centre dÕarchives auquel on donna le nom de Bibliothque-archive internationale anarchiste furent cres Montvido495. Les anarchistes dÕAmrique du Sud furent trs actifs dans ce mouvement. Ils organiseront dÕailleurs en 1957, toujours Montvido, une confrence continentale amricaine. A la suite 488 Les premires brides de reconstruction de la fdration anarchiste franaise remontent une confrence clandestine organise en juillet 1943. Il faut attendre le congrs dÕAgen dÕoctobre 1944 pour que celle-ci soit officiellement recre. Plus dÕinformations ce sujet in Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 2, pp. 89-90 et Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.86 489 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.1 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 490 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 2, p.122. Plus dÕinformations in Contre courant, mai-juin et juillet-aot 1959 491 Il sÕy est rendu avec CAMPION (Agenda de Hem DAY, Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, bote T1 D4) 492 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.1 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 493 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 2, p.122 494 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.12 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 495 Ibidem, p.2 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 71. de cette confrence, une Semaine de la Presse Anarchistes Internationale, comportant une exposition et des confrences, eut lieu Paris en fvrier 1954496. Celle-ci fut organise par Hem DAY et Ugo FEDELI497. La C.R.I.A. se dota aussi dÕun Bulletin, qui parut jusquÕen avril 1957. 496 Hem DAY, ERNESTAN (1898-1954), sa vie son Ïuvre, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1955, p.2 497 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.16 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 Ugo FEDELI (1898-1964) est un anarchiste italien dont lÕactivit fut trs importante. Il se fit dÕabord remarquer par des actions violentes, sjourna en Suisse, en Russie, en France et en Uruguay. En 1945, il fut nomm secrtaire de la F.A. italienne (Guy MALOUVIER, Ç Ugo Fedeli È, Le Monde libertaire, n¡102, juin 1964, p.9) 72. ! Le deuxime congrs international anarchiste (Londres, 1958) Au dbut des annes 1950, un nouveau congrs fut propos, toujours en France. Cependant, les conflits au sein de la Fdration Anarchiste Franaise (F.A.F.) firent que celui-ci fut sans cesse repouss. LÕarrive de Georges FONTENIS la tte de la F.A.F. avait fait clater le mouvement libertaire franais. De nombreuses personnes quittrent la Fdration ou en furent exclues. Chacun reconstruisit son propre groupe de son ct : le Groupe Action Anarchiste Rvolutionnaire (G.A.A.R.), lÕAlliance Ouvrire Anarchiste (A.O.A.), le Groupe Socialistelibertaire, les Amis dÕARMAND, les Amis de Han RYNER, les Amis de Sbastien FAURE,É La plupart de ces groupes vivront en bonne intelligence mutuelle, se renseignant dans leurs publications, annonant leurs runions,É498 En dcembre 1953, la Fdration Anarchiste Franaise se transforma en Fdration Communiste Libertaire (F.C.L.). Celle-ci fut admise au bureau de la C.R.I.A. Mais, paralllement, et sans en informer la C.R.I.A., la F.C.L. tenta de constituer les 6 et 7 juin 1954, Paris, une Internationale Communiste Libertaire avec des participants italiens et allemands. La tentative choua mais mcontenta la C.R.I.A.. La F.C.L dt quitter lÕassociation499. Le monde libertaire connatra dÕautres conflits nationaux de ce genre, notamment en Argentine, en Uruguay, en Italie, parmi les Bulgares en exil, en Angleterre et en Hollande500. Pour toutes ces raisons, le nouveau congrs va sans cesse tre report. Diffrents pays vont tre proposs pour lÕaccueillir : la France, lÕItalie501 et lÕAngleterre, qui fut finalement retenue. Une date devant convenir un maximum de personnes fut galement fixe502. Le deuxime Congrs international anarchiste eut donc lieu Londres dans les locaux du Club Malatesta du 25 juillet au 1er aot 1958503. La Belgique y fut reprsente par deux anarchistes504 : Joseph DE SMET505 et peut-tre le Docteur PARMENTIER506. Ils reprsentaient galement le groupe Pense et Action507. A leur ct, participrent lÕAllemagne, lÕAngleterre, la Bulgarie, le Chili, lÕEspagne, la France, la Hollande, lÕItalie, la Sude, lÕArgentine, lÕEire et les Etats-Unis, soit vingt-neuf groupements et quarante-deux dlgus508. Toutes les tendances de lÕanarchisme taient reprsentes509. Cette diversit idologique va parfois poser problme, notamment lorsque les anarchosyndicalistes dÕAustralie voulurent faire passer par courrier une motion contre les individualistes510. De mme, un conflit apparatra lorsque la Libertarian League de New York va vouloir faire voter une motion soulignant lÕintrt pour les travailleurs dÕadhrer lÕAssociation Internationale des Travailleurs, Ç seule organisation ouvrire qui ait continu appuyer les principes de lÕmancipation tels que les nona la Premire Internationale È. 498 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.9 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 499 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 2, p.92 500 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.3 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 501 C.R.I.A., Bulletin de la commission internationale pro-congrs, Paris, n¡5-6, mai 1958, p.10 502 C.R.I.A., Circulaire prliminaire la convocation dÕun congrs international ouvert toutes tendances de lÕanarchisme in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 503 Communiqu du C.R.I.A. et de la commission pro-congrs international, Paris, le 19 avril 1958 in AGR, fonds Hem DAY, Dossier 99 504 Motion, 25 septembre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 505 Joseph DE SMET, Rapport belge improvis au congrs anarchiste de Londres, fin juillet 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY dossier 99 506 Il est trs possible quÕtant donn sa bonne connaissance des langues il soit parti Londres pour reprsenter la Belgique. Comme nous le verrons, ce qui est sr, cÕest quÕaprs le congrs, il sÕimpliquera encore dans le mouvement international 507 Bulletin de la commission pro-congrs international, Paris, octobre 1958, p.1 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 508 Ibidem 509 C.R.I.A., Dcisions prises par le congrs international anarchiste de Londres, Paris, (1958), p.2 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 510 Ibidem, p.3 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 73. Certains groupes, la Belgique comprise, refuseront ce vote qui restreint les possibilits dÕaction des anarchistes dans les milieux syndicaux511. Mis part ces quelques petites frictions, le congrs fut assez constructif. On y vota la cration dÕune Commission Internationale dÕtudes thoriques et historiques de lÕanarchisme512. Le congrs va galement prendre position en faveur de la libration des prisonniers anarchistes, syndicalistes, socialistes et anti-fascistes de Bulgarie, condamnant ainsi la politique de rpression des rgimes bolcheviques, Ç rappelant le stalinisme et le fascisme513 È. Enfin, le congrs verra la cration de lÕInternationale Anarchiste qui a pour Ç organe temporaire dÕexpression le Congrs International Anarchiste, tenu avec la participation de tout le mouvement et le plus rgulirement possible, et dont les fonctions sont de relations, dÕinformation et de coordination514 È. Dans lÕintervalle de ces congrs, leur prparation et la coordination des services internationaux taient confies la Commission Internationale Anarchiste (C.I.A.), dote dÕun secrtariat et de nombreuses commissions. Parmi celles-ci, relevons la commission dÕinformation et des publications internes, qui sÕoccupait du bulletin dÕinformation interne (elle tait dote cet effet dÕun service de presse), des changes dÕtudes et dÕarticles entre les diffrents organes de presse du mouvement et de la coordination de la propagande crite. On trouvait galement la commission Archives-Bibliographie, la commission Solidarit, qui tait situe en Allemagne, pays le plus proche des camarades de lÕEst, les commissions continentales et des commissions auxiliaires515. Le secrtariat de la C.I.A. fut fix en Angleterre, Londres. Celui-ci pouvait compter sur lÕaide de quatre personnes, venant dÕAllemagne, de lÕEspagne en exil, dÕItalie et de Belgique, dsignes nationalement pour collaborer avec Londres516. Il est intressant de constater que, except la Belgique, tous ces pays sÕtaient organiss au niveau national ou taient en train de le faire517. La cration du Cercle la Botie fut peut-tre la consquence de cet tat de faits. Le 25 septembre 1958, eut lieu une runion du groupe Pense et Action518 au cours de laquelle les anarchistes belges ont pris connaissance des dcisions adoptes lors du congrs international anarchiste. Il semblerait que furent prsents cette runion le Docteur PARMENTIER, Joseph DE SMET, Corrado PERISSINO, MORZOCCHI, Pietro MONTARESSI, Hem DAY, et un certain Pierre LOPEZ F. Ces personnes apparaissent sur une photo qui a d tre prise le jour de la runion et que nous avons retrouve dans nos archives. DÕautres personnes figurent sur celle-ci mais nous nÕavons pas pu les identifier519. De plus, il est possible que certains aient refus dÕtre sur la photo et soient sortis du champ lors du rassemblement pour la pose. Nous ne savons pas si des membres de lÕancienne A.C.L. ont particip cette runion. Lors de celle-ci, les anarchistes belges adoptrent une motion qui a d tre publie dans la presse anarchiste internationale. Dans ce communiqu, ils se flicitaient de la russite du congrs et affirmaient leur soutien envers tous les anarchistes du monde souffrant sous des rgimes dictatoriaux, emprisonns pour sÕtre opposs au Ç militarisme, au fascisme, au clricalisme, au capitalisme et au bolchevisme520 È. Les anarchistes belges prirent galement position sur la situation franaise : ils se prononaient en faveur de la cration dÕune entente entre les libertaires lÕexception des Ç politiciens È521, cÕest--dire de la branche de la F.C.L. 511 Ibidem, p.6 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 512 Ibidem, p.2 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 513 Ibidem, p.8 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 514 Ibidem, p.8 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 515 C.R.I.A., Dcisions prises par le congrs international anarchiste de Londres, Paris, (1958), p.9 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 516 Ibidem, p.10 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 517 Motion, point 4, le 25 septembre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 518 Agenda de Hem DAY, 25 septembre 1958 in Mundaneum, fonds Hem DAY-CORDIER, bote T1 D4 519 Photo de la runion Bruxelles, Congrs International Anarchiste de Londres in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 520 Motion, points 1et 2, le 25 septembre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 521 Motion, points 5, le 25 septembre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 74. Enfin, ils choisirent PARMENTIER, le polyglotte (il connat notamment lÕespranto522) pour devenir le correspondant avec Londres523. Celui-ci reut rapidement lÕassistance de Hem DAY et de Joseph DE SMET. Ainsi, PARMENTIER sÕoccupa de la Wallonie, Joseph DE SMET des contacts avec la Hollande et lÕAllemagne, et Hem DAY de ceux avec la France. Ce dernier apporta en outre une partie de sa bibliothque la reprsentation belge auprs de Londres524. Il fut aussi dsign par le groupe pour relater par crit les dernires dcennies de lÕhistoire du mouvement anarchiste belge525. Comme nous lÕavons vu, lÕide dÕune collaboration scientifique internationale anarchiste avait t lance lors du Congrs de Londres. Le 3 mai 1959, une runion internationale eut lieu Paris en prsence dÕun petit nombre de chercheurs spcialiss dans lÕhistoire sociale et la philosophie pour y discuter dÕun projet appel Ç Research È526, qui sera anim par Joseph DE SMET ds 1958. Le but de ce programme tait de crer un institut anarchiste mondial de recherche scientifique527 qui sÕappellera, en hommage lÕrudit anarchiste, Fraternit Max NETTLAU. Un appel fut rdig cet effet pour trouver des collaborateurs mais aussi pour recevoir des archives. Les dpts dÕarchives devaient sÕeffectuer, en fonction du sujet, au domicile de tel ou tel militant, tandis que les propositions de collaborations devaient tre introduites soit auprs de Joseph DE SMET pour la Belgique, soit auprs de Andr PRUDHOMMAUX pour la France. Le secrtariat de cet institut fut confi temporairement Marc LEFéVRE, anarchiste bruxellois528. Nous ne savons pas trs bien ce quÕil adviendra de ce projet, dont il est nÕest fait nulle part ailleurs rfrence. 522 Lettre de DE SMET BALDELLI, du 23 octobre 1958, in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 523 Motion, point 3, le 25 septembre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 524 Lettre de DE SMET BALDELLI, du 23 octobre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 525 Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, p.58 526 Research, Compte-rendu de la runion internationale tenue Paris, le 3 mai 1959 in A.G.R. fonds Hem DAY, dossier 99 527 Projet de statuts de Ç Research È, Institut Anarchiste Mondial de Recherche Scientifique, septembre 1958 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 528 Research, Compte-rendu de la runion internationale tenue Paris, le 3 mai 1959 in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 99 75. ! Le troisime congrs international anarchiste (Carrare, 1968) Le troisime grand congrs anarchiste international fut inaugur le 31 aot 1968 Carrare en Italie. Cette rencontre avait t prpare de longue date. Une premire confrence internationale avait dj dÕailleurs eu lieu en Allemagne de lÕOuest en 1964. Un secrtariat y avait t mis sur pied pour prendre contact avec ce qui restait de la C.I.A. mais cela avait abouti un chec529. LÕorganisation de la runion fut alors confie une commission prparatoire. LÕide essentielle qui guidait celle-ci tait de rompre avec la pratique Ç aorganisationnelle traditionnelle È. Tirant les leons des checs prcdents, il fut dcid de convier au nouveau congrs des mouvements et non plus des individus530. La fdration Socialisme et Libert de Belgique participa aux travaux prparatoires. Elle prvoyait aussi lÕenvoi dÕun de ses reprsentants au congrs531. Les Italiens tenaient particulirement la russite du congrs, qui se droulait dans leur pays et pour lequel ils sÕattendaient une couverture mdiatique importante par la presse. Ce fut effectivement le cas ; la sance dÕinauguration fut mme retransmise la tlvision italienne ! La Fdration Anarchiste Italienne tait consciente que ce congrs pouvait constituer une bonne vitrine pour son mouvement. Le choix de Carrare nÕtait dÕailleurs pas le fruit du hasard : cette ville, clbre pour ses carrires, tait considre comme un bastion anarchiste. Alors que lÕvnement tait prvu pour le mois de septembre et que tout tait dj organis, les vnements de mai vinrent surprendre les organisateurs. De nouvelles donnes devaient tre prises en compte pour lÕorganisation du congrs. La question de la participation de groupes non affilis aux fdrations nationales (Noir et Rouge, F.I.J.L.) posa notamment problme. En effet, les nouveaux groupes crs lors des vnements de mai demandrent participer la runion et, sans mme attendre une rponse, annoncrent leur prsence publiquement. Or, ceux-ci nÕtaient pas les bienvenus pour tout le monde. Une runion de crise fut organise les 29 et 30 juin 1968. Aucune solution nÕen sortit et les nouveaux groupes vinrent la runion, ce qui causa un certain nombre de problmes. De trs vives discussions eurent lieu entre les diffrentes tendances et groupes anarchistes, principalement franais. Les anarchistes spontanistes sÕopposrent aux organisationnels. La tendance cohn-bendiste (spontaniste) tait reprsente en masse dans le congrs. Ses partisans sÕopposaient lÕanarchisme Ç lÕancienne È et dnonaient Ç la vieille garde ncrophage qui se dlecte du souvenir de ses pres fondateurs rangs sagement dans une sorte de Panthon de la contestation È532. Pour viter des affrontements physiques, certaines branches anti-congrs furent exclues de la rencontre533. Daniel COHN-BENDIT, qui avait finalement reu un carton dÕinvitation, prit enfin la parole la fin de la premire journe, sur un ton assez agressif. Il dnona le caractre non-spontan et lÕinutilit du congrs. Il stigmatisa la strilit des dbats, dclarant lÕassemble que ce nÕtait pas Ç en poursuivant lÕternel dbat entre Bakounine et Marx que vous ferez avancer la rvolution534 È. Il affirma encore que Ç pour nous le problme nÕest pas entre marxisme et anarchisme. Il est de dcouvrir et mettre en Ïuvre les mthodes les plus radicales en vue de la Rvolution535 È. La majorit des organisations prsentes rfutrent ces thses. LÕattitude de Daniel COHN-BENDIT fut svrement rprouve. Ainsi, Hem DAY, qui nÕassistait pas au congrs, portait un regard trs ngatif sur son 529 Jean MAITRON, Histoire du mouvement anarchiste en France, Paris, Maspro, 2ime dition, 1975, tome 2, p.122 530 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.53 531 Ç "La commission de coordination libertaire" de Belgique È in Bulletin de la commission prparatoire, Paris, n¡3, juin 1967, p.12 (Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier reli Ç Alliance È, T4 C1) 532 Henri AVRON, LÕanarchisme au XXe Sicle, Paris, P.U.F., 1979, p.12 533 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, pp. 186-189 534 Coupure de presse, Jean LACOUTURE, Le Monde, 3 septembre 1968, s.p. in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier T3 A7 535 Ibidem 76. comportement536. Finalement, Daniel COHN-BENDIT quitta le congrs, emmenant avec lui tous les spontanistes. Le reste du congrs ne fut plus trs passionnant. Le programme fut respect la lettre, aucune dcision importante ne fut prise. Le congrs fut mme court de deux jours. Le mouvement nÕarriva mme pas dsigner une Commission de Relations de lÕInternationale de Fdrations Anarchistes. (C.R.I.F.A.), rle qui revint lÕquipe prparatoire du congrs537. On le voit, Ç le mouvement anarchiste et libertaire, malgr des dclarations souvent rptes et bien intentionnes, manque dÕun esprit largement internationaliste538 È. Peu de dcisions importantes furent prises lors des congrs internationaux et aucune nÕaboutit rellement quelque chose. Les anarchistes, dj souvent en conflit au niveau national, prouvaient des difficults se dptrer de leurs divisions tant celles-ci taient importantes entre individualistes, communistes, syndicalistes, spontanistes, conseillistesÉ A ces divergences, il faut encore ajouter tous les conflits de personnes et dÕamour-propre, sentiment trs rpandu dans ces milieux et videmment peu favorable la ralisation dÕun travail constructif. 2. Les organisations internationales et la participation belge Outre leur participation aux congrs voqus plus haut, les anarchistes belges se sont investis dans des organisations internationales, quÕelles soient ouvertement anarchistes ou non. Nous avons dj pu nous en rendre compte, notamment quand nous avons abord lÕI.R.G. ou la S.I.A. Dans ce chapitre, nous tudierons lÕimplication belge au sein de trois groupes internationaux anarchistes. Cette participation fut tantt dcisive, tantt plus anecdotique. Nous essaierons dans tous les cas de relever toutes les prises de position belges. Nous porterons une attention particulire aux conflits qui eurent lieu sur des questions thoriques (le sempiternel dbat entre individualistes et anarcho-communistes) et sur le problme de lÕutilisation de la violence par les anarchistes. ! LÕAlliance Ouvrire Anarchiste (A.O.A) Nous avons vu quÕen 1952, lors du congrs de Bordeaux, la Fdration Anarchiste Franaise tombait sous le joug autoritaire de lÕOrganisation-Pense-Bataille dirige par son secrtaire gnral Georges FONTENIS. Une grande partie des militants, lorsquÕils ne furent pas exclus, quittrent alors la fdration. Le mouvement libertaire franais se divisait alors en diffrents groupuscules, de toutes tendances. La F.A.F. de FONTENIS adopta un an plus tard, lors son congrs annuel de mai, un manifeste communiste libertaire. Celui-ci marquait, de par son idologie marxiste, un tournant important de la fdration vers lÕextrme gauche communiste. LÕide de changer le nom de lÕorganisation fut donc tout naturellement propose par le congrs, mais on ne put se mettre dÕaccord sur celui-ci. Il faudra attendre dcembre 1953 pour que la F.A.F. devienne officiellement la Fdration Communiste Libertaire (F.C.L.). La rfrence lÕanarchisme sÕestompa de plus en plus, tel point quÕen janvier 1956, le groupe dcida de prsenter une liste aux lections lgislatives. 536 Hem DAY, manuscrit La contestation COHEN-BENDIT (sic) au Congrs des anarchistes Carrare in Mundaneum, fonds Hem DAY-VAN LIERDE, dossier T3 A7 537 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, pp.193-194 538 Rapport de la C.R.I.A. prsent au congrs de Londres, 1958, p.4 in A.G.R. fonds Hem DAY, dossier 99 77. En octobre 1952, les groupes anarchistes franais scessionnistes de la F.A. se retrouvrent au Mans pour y constituer une Entente Anarchiste (E.A.). Ds lÕabandon du nom de Fdration anarchiste par le groupe de Georges FONTENIS, lÕEntente Anarchiste se rappropria immdiatement ce titre (F.A.F.). Celle-ci est toujours en place aujourdÕhui. Toutefois, de nombreuses crises et scissions traversrent encore le groupe par la suite. Ainsi, une importante rupture eut lieu en 1956 lorsque F. ROBERT et R. BEAULATON, les fondateurs de lÕEntente Anarchiste, quittrent la fdration anarchiste franaise539. Selon eux, celle-ci tait devenue de par son organisation un lieu favorisant les menes franc-maonnes et la collusion avec le courant politique socialiste540. Ceux-ci dcidrent de recrer un nouveau groupe qui sera international et de langue franaise. CÕest Bruxelles, avec la collaboration de Guy BADOT, qui vient alors de rompre ses relations avec les anarchistes belges de lÕA.C.L., quÕest cre en novembre 1956 lÕAlliance Ouvrire Anarchiste. Celui-ci condamnait fermement la tendance communiste libertaire. Les initiateurs de cette alliance critiquaient surtout lÕorganisation de la F.A., peu adapte selon eux la pense anarchiste, et se structurrent quant eux sur le principe de la libre entente, sans statuts, sans rglements et sans cartes de membres (lÕadhsion au groupe tait cependant soumise des conditions assez strictes ; nÕy entrait pas qui voulait)541. LÕassociation, puisquÕil ne faut surtout pas parler dÕorganisation, avait pour base lÕindividu. Elle se voulait un instrument de liaison, dÕinformation et de coordination. Ce groupe anarchiste international compta jusquÕ septantehuit correspondants et cent-soixante-six sous-groupes. LÕA.O.A regroupait des individualistes et des anarcho-syndicalistes francophones542. Priodiquement, des assembles de travail avaient lieu. Durant celles-ci, on sÕoccupait notamment de la prparation du journal du groupe, intitul LÕanarchie, le journal de lÕordre, dont la parution dbuta en 1954 mais fut trs irrgulire543. LÕA.O.A. tait aussi prsente des rencontres internationales anarchistes. Il faut ici citer celle tenue Genve en septembre 1962 lÕoccasion du nonantime anniversaire des Assises de Saint-Imier544. Des anarchistes de toutes nationalits (Bulgares, Espagnols, Suisses, Italiens, Franais, Belges) assistrent cette commmoration. Parmi les Belges, Hem DAY sera du voyage545. En mai 1964 eut lieu Turin le deuxime grand congrs international de lÕA.O.A. Des militants franais, italiens, suisses et belges y participrent546. LÕA.O.A sera aussi prsent lors des grands congrs anarchistes internationaux futurs547. Aucune scission nÕtant possible dans le groupe puisque celui-ci tait bas sur un systme dÕentente et de libre association, lÕA.O.A. survivra encore pendant de nombreuses annes. LÕA.O.A belge fut galement active trs longtemps, toujours sous la responsabilit de Guy BADOT. Elle connut un rayonnement assez important. Ainsi, la fin des annes 1960, Alfred LEPAPE, en rupture avec le groupe de la fdration Socialisme et Libert, se rapprocha de Guy BADOT et commena sÕintresser lÕA.O.A. ! Anarchisme et non-violence Le groupe international Anarchisme et non-violence (A.N.V.) fut cr en 1965 dans le but de Ç passer au crible de la critique anarchiste les thories non-violentes et de les mettre en 539 Roland BIARD, Dictionnaire de l’extrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 1978, pp.29 540 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.93 541 Lettre de Guy BADOT Alfred LEPAPE, le 2 octobre 1968 in Mundaneum, fonds LEPAPE, bote 3 542 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, pp.93-94 543 Roland BIARD, Dictionnaire de l’extrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 1978, p.29 544 Gaetano MANFREDONIA, LÕanarchisme en Europe, Paris, Presses universitaires de France (que sais-je ?), pp.55-56 545 Agenda de Hem DAY, 1962 in Mundaneum, fonds Hem DAYÐCORDIER, bote T1 D4 546 Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, ditions Galile, 1976, p.122 547 Ibidem, p.97 78. pratique dans lÕaction directe548 È. Les tudes entreprises en ce sens furent prsentes dans une revue portant le mme nom que le groupe. Le premier numro sortit en avril 1965. Les buts du groupe et de la revue y taient exposs : il sÕagissait de devenir un instrument de rflexion sur la violence et la non-violence dans lÕanarchisme549 et de combler ainsi la Ç pauvret de la documentation, des tudes, des rflexions sur le sujet550 È. La revue tait ouverte tout le monde, quelle que soit sa nationalit551. Toutefois, elle tait crite principalement par des correspondants locaux rpartis un peu partout en Europe francophone. La majorit des collaborateurs provenaient de France, mais aussi de Suisse (collaboration de Marianne ENCKELL du C.I.RA.), et de Belgique (participation de Hem DAY)552. On trouvait dans ce journal des articles manant dÕauteurs se revendiquant des diffrentes formes de lÕanarchisme (individualistes, communistes libertaires,É), ce qui parfois engendrait des dsaccords propos du contenu de la publication. Mais la coexistence de ces avis divergents participait la richesse de la revue car elle permettait dÕouvrir et dÕenrichir le dbat553. Ce qui unissait ces auteurs, au-del de leur appartenance lÕanarchisme, cÕtait leur idal commun, qui rsidait dans le pacifisme intgral et la non-violence. Ceux-ci se dclaraient dÕailleurs Ç anarchistes avant dÕtre non-violents, mais non-violents parce que anarchistes554 È. Il semblerait que le groupe international ne se soit runi que trs rarement. Leur travail se rsumant presque uniquement la rdaction dÕtudes sur lÕanarchie, la communication entre les membres pouvait se limiter quelques courriers. Le groupe sÕintressait toutes sortes de sujets : Ç techniques non-violentes et engagement personnel, lutte de clases et non-violence, lÕtat, lÕducation et non-violence, psychosociologie, racisme, sexualit, non-violence non-anarchiste et anarchisme religieux, militarisme et pacifisme, objection de conscience et service national555 È. Au total, ce ne furent pas moins de trente numros qui furent publis de 1965 1972. Le tirage oscillait de cinq cents numros pour la premire publication mille cinq cents pour ceux de lÕanne 1969556. Au dbut de lÕanne 1968, Anarchisme et non-violence adhra en tant que publication lÕInternationale des Rsistants la Guerre franaise557. Cette adhsion sÕexplique aisment par le fait que lÕI.R.G. combinait dialogue, recherche et action pour lÕunion du pacifisme, de la rvolution et de la non-violence558. Comme nous lÕavons dj dit, les statuts de lÕI.R.G. permettaient lÕintgration des ides anarchistes. En France comme en Belgique et comme dans tous les pays, lÕI.R.G. compta parmi ses membres de nombreux anarchistes, notamment lÕobjecteur franais Louis LECOIN. Le rle des correspondants locaux de lÕA.N.V. nÕtait pas seulement dÕcrire des articles. Ils devaient aussi se tenir la disposition des lecteurs qui, intresss par ce courant de pense, dsiraient sÕy associer559. Leurs adresses et leurs noms figuraient dÕailleurs sur la couverture arrire de chaque numro. CÕest ainsi que se cra en Belgique une section locale dÕA.N.V. Celle-ci publia mme un cahier dÕtude trimestriel, simple courrier de quelques pages envoy chaque membre. Nous en avons retrouv un exemplaire dans les archives de Jean CORDIER au Mundaneum Mons. 548 Anarchisme et non-violence, Paris, La ruche ouvrire, n¡1, avril 1965, p.1 549 Ibidem, p.19 550 Anarchisme et non-violence, Ç Prface È in Anarchisme et nonÐviolence, Paris, La ruche ouvrire, n¡6, octobre 1966, p.2 551 Anarchisme et non-violence, Paris, La ruche ouvrire, n¡1, avril 1965, p.19 552 Ibidem, p.32 553 Anarchisme et non-violence, Paris, La ruche ouvrire, n¡2, octobre 1965, p.2 554 Anarchisme et non-violence, Paris, La ruche ouvrire, n¡1, avril 1965, p.1 555 Anarchisme et non-violence, Paris, La ruche ouvrire, n¡3, janvier 1966, p.2 556 Roland BIARD, Dictionnaire de l’extrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 1978, p.27 557 Anarchisme et non-violence, Paris, La ruche ouvrire, n¡14, 1968, p.2 558 Michel Bouquet, Ç Anarchisme et non-violence adhre lÕinternationale des rsistants la guerre È, in Ibidem, p.20 559 Ç Correspondants locaux È, in Ibidem, p.40 79. A la mort dÕHem DAY, en aot 1969, cÕest Franois DESTRYKER qui reprit le flambeau de lÕA.N.V. pour la Belgique. Il devint le correspondant du groupe international et gra le groupe de Bruxelles avec lÕaide de Janine DEMIOMANDRE560. Des permanences se tenaient tous les samedis aprs-midi la Maison de la Paix Ixelles, en mme temps que celles de lÕAlliance. Les nombreuses casquettes de Franois DESTRYKER et de son Ç cercle È lÕobligeaient jumeler les permanences. Le groupe de Bruxelles organisa aussi des confrences. On fit notamment venir Maurice LAISANT, de la Fdration anarchiste, qui sÕexprima sur le thme de Ç lÕAnarchisme et lÕanti-militarisme È561. En 1971, le groupe belge se saborda en raison de dissensions internes sur la question de sa position face aux mouvements sociaux et la lutte des classes. De plus, lÕamoncellement de travail que demandait lÕorganisation de tous les groupes que Franois DESTRYKER animait, mme sÕil nÕtait pas tout seul, et le chevauchement de groupes ayant des objectifs quasiment identiques, par exemple le groupe objection libertaire, dirig par Janine De MIOMANDRE, ou plus simplement la Ç concurrence È de la section belge de lÕI.R.G. nÕont pas favoris la continuit de cette collaboration internationale. Il semble que le groupe A.N.V. international ait dfinitivement disparu en 1976. ! La F.I.J.L., les rencontres de jeunes et la violence Au dbut des annes soixante, lÕimmigration espagnole anti-franquiste tait confronte au niveau international un important conflit de gnration qui nÕpargna pas la Belgique. En effet, Ç lÕexil officiel È faisait lÕobjet dÕattaques de la part dÕlments plus dynamiques et plus agressifs de lÕanti-franquisme qui voulaient combattre directement la dictature562. La Fdration Ibrique des Jeunesses Libertaires (F.I.J.L.), organisation internationale, tait la tte de ce mouvement. A partir de 1961, la F.I.J.L. franaise organisa des Ç campings internationauxÈ, qui runissaient Ç dÕune faon lgre et amicale tous ceux qui avaient lÕenvie de confronter leurs points de vue en dehors de structures normales563 È. Il fallut attendre 1965 pour que ceux-ci connaissent du succs. CÕest partir de cette base que vont tre organises par la suite les rencontres europennes des jeunes anarchistes, dont la premire dition eut lieu Paris en 1966564. La mme anne, un jeune militant espagnol de la F.I.J.L. nomm ABARCA565 fut arrt en Belgique et menac dÕextradition. Les reprsentants belges qui participrent la rencontre internationale firent en sorte que soit cr un Comit pour la Libration dÕABARCA566. DÕautres rencontres europennes des jeunes anarchistes eurent lieu notamment en juin 1968, cette fois en Hollande, mais nous ne savons pas si des Belges y participrent. A la mme poque, le mme conflit de gnration voqu plus haut semble toucher la Belgique. Une Fdration Ibrique des Jeunesses Libertaires commenait tre active sur notre territoire. Leurs animateurs en taient Stphan HUVENNE et Salvador GURUCHARRI567, 560 Interview de Franois DESTRYKER 561 Cahiers dÕtudes Ç anarchisme et non-violence È, Bruxelles, (juillet 1970), p.2 562 Roland BIARD, Histoire du mouvement Anarchiste, 1945-1975, Paris, dition Galile, p.165 563 Roland BIARD, Histoire du mouvement Anarchiste, 1945-1975, Paris, dition Galile, p.166 564 Ibidem, p.167 565 Francisco ABARCA, anarchiste espagnol, membre de la F.I.J.L. emprisonn Bruxelles et dont lÕEspagne demandait lÕextradition. Il fut finalement libr. (Rose-Marie GARCIA Y GOMEZ, Que sont les anarchistes espagnols devenus ?, mmoire de licence, U.L.B., 1993, pp.49-50) 566 Roland BIARD, Histoire du mouvement Anarchiste, 1945-1975, Paris, dition Galile, p.169 567 Salvador GURRUCHARRI, (n en 1936). Fils de rfugi espagnol en France, membre de la CNT et de la F.I.J.L. franaise, il fut emprisonn en 1963 pour association de malfaiteurs la suite de lÕinterdiction en France de la F.I.J.L. A sa sortie, il entra en Belgique comme rfugi politique. Il retourna en Espagne en 1976 et y fut actif encore longtemps au sein de la C.NT. (Rose-Marie GARCIA Y GOMEZ, Que sont les anarchistes espagnols devenus ?, mmoire de licence, U.L.B., 1993, p.47) 80. tous deux membres actifs de la S.I.A. Comme nous lÕavons vu, ceux-ci avaient eu un accrochage avec les anciens anti-fascistes espagnols et italiens de ce groupe et de la C.N.T. parce quÕils justifiaient dans certains cas lÕutilisation de la violence568. Dans un premier temps, la section belge du groupe eut principalement un rle de liaison avec des sections nationales plus importantes de la F.I.J.L. Elle soutint galement les actions parfois violentes de la F.I.J.L., trs active au niveau international. CÕest certainement lors des campings internationaux que furent monts des groupes rvolutionnaires, qui participrent des oprations violentes et spectaculaires. Leur premier coup de force eut lieu en 1966. Cette anne-l, le Ç Groupe du Premier Mai È, section de la F.I.J.L., enleva Rome le conseiller de lÕAmbassade dÕEspagne en Italie, Mgr USSIA, pour dnoncer Ç la fausse politique de Ç libralisation È du rgime franquiste et pour lancer la campagne en faveur de la libration des dtenus politiques en Espagne et au Portugal569 È. Quelques mois plus tard, une nouvelle action fut perptre, le rapt dÕun militaire amricain Madrid Ç pour dnoncer la collusion et les pactes militaires entre les gouvernements franquistes et U.S570 È. Cela aboutit un chec. Les cinq militants du groupe du 1er mai qui avaient mont lÕopration et qui rsidaient en France furent arrts par la sret espagnole. Le meneur nÕtait autre que lÕancien secrtaire de la F.I.J.L., qui tait galement le secrtaire de la C.N.T. de Paris. En Belgique, comme ailleurs, la section de la F.I.J.L. lana une campagne de soutien pour leurs camarades emprisonns. Elle participa la rcolte de fonds pour couvrir les frais de justice, fonds qui taient envoys un comit de dfense cr cet effet Paris571. Lors de leur procs Madrid, des observateurs trangers furent envoys pour assister aux sances. Parmi ceux-ci, citons J.H. VAN WIJK, le snateur hollandais du Partis Pacifiste Socialiste, qui tait galement avocat, et, venant de Belgique, Jean Rgnier THYS, du barreau de Bruxelles, qui tait envoy par la Ligue Belge pour la Dfense des Droits de lÕHomme572 et qui tait aussi, comme nous lÕavons vu, un sympathisant du mouvement libertaire belge. La F.I.J.L. communiquait ses informations par tracts. Le groupe belge dita aussi un bulletin intitul F.I.J.L. / Information. Comme Ren BIANCO, nous nÕavons trouv aucune trace du premier numro et nous ne savons pas quand a commenc sa publication. Un deuxime numro fut publi en dcembre 1967 et mit un terme cette trs courte srie. Ce numro expliquait les raisons des agissements violents de la F.I.J.L. et du groupe du 1er mai573, qui sÕtaient multiplis. Leurs actions prirent pour cible les reprsentations des gouvernements grecs, boliviens, vnzuliens, espagnols et amricains un peu partout en Europe574. Certains furent particulirement marquants, par exemple le mitraillage de lÕambassade des tats-Unis Londres et les attentats la bombe contre les ambassades de Grce et de Bolivie Bonn575. Le but de ces actions tait de Ç gnraliser un mouvement offensif capable de rompre la passivit laquelle les gouvernements tentent de nous (les individus) soumettre576 È. LÕautre objectif poursuivi tait de faire connatre le mouvement et dÕinciter dÕautres personnes se joindre leur combat. CÕest ce quÕon appelle la Ç propagande par le fait È. Leur exemple fit dÕailleurs des mules. En 1970, en Italie, plusieurs attentats la bombe meurtriers furent attribus des militants anarchistes. Un des jeunes anarchistes arrts dans le cadre de cette affaire Ç sauta È 568 Lettre dÕAlfred LEPAPE au journal Le Libertaire, Dour, le 8 aot 1967 in Mundaneum, Fonds LEPAPE, bote 3 569 Ç La F.I.J.L. et le mouvement de solidarit rvolutionnaire È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour le Vietnam), mars 1968, p.2 570 Ibidem, p.2 571 Ç Fdration ibrique des jeunesses libertaires : Dlgation extrieure, communiqu du 3 novembre 1966 È in Rvo, n¡1, novembre 1966, p.32-33 572 Fdration ibrique des jeunesses libertaires, Communiqu, Londres, 12 juillet 1967 in Mundaneum, fonds Alfred LEPAPE, bote 3 573 F.I.J.L./information, n¡2, dcembre 1967, 3p. in Mundaneum, fonds Hem DAY, dossier T2 A7 574 Ibidem 575 Ç Informations Internationales, Europe, La F.I.J.L. et lÕaction directe rvolutionnaire È, in Le monde libertaire, n¡141, Paris, avril 1968, p.10 in Mundaneum, fonds Alfred LEPAPE, bote 2 576 Ibidem 81. par la fentre du commissariat de police, version officielle qui fut srieusement mise en doute dans les milieux anarchistes. Cette histoire fit beaucoup de bruit577. Ce nÕtait pas la premire fois que ce genre dÕactions taient envisages au sein du mouvement anarchiste. Nous pensons videmment aux attentats anarchistes de la Belle Epoque, qui jetrent pendant longtemps lÕopprobre sur lÕanarchisme. Des exemples plus rcents peuvent galement tre relevs. Ainsi, en 1961, le groupe suisse anarcho-communiste rvolutionnaire Ravachol (G.A.C.R.R.) prna la reprise de la propagande par le fait dans son manifeste578 et mit en pratique cette ide, en perptrant quelques actes violents. La recrudescence de ces actes de violence amena les tats ragir. Ainsi, en Belgique, un militant espagnol de la F.I.J.L. nomm Octavio ALBEROLA579 fut arrt par la police en 1968580. Il tait selon la police espagnole le Ç cerveau È du Groupe du 1er mai. Un comit de solidarit fut immdiatement cr pour la dfense dÕALBEROLA, comit qui tait gr par NATALIS581. La F.I.J.L. affirmait vouloir se battre sur deux fronts : Ç la lutte contre la bourgeoisie dans son pays, [É] et la lutte contre les dictatures et lÕimprialisme aussi bien de lÕOuest que de lÕEst582 È. La F.I.J.L. soutenait tous les mouvements rvolutionnaires qui sÕopposaient la rpression capitaliste et tatique. Elle tait donc favorable la cration dÕun Mouvement de Solidarit Rvolutionnaire. Il ne sÕagissait pas dÕune organisation structure, mais plutt dÕune nbuleuse rassemblant tous les groupes Ç qui de par leurs activits rvolutionnaires dÕaction directe dmontrent leur combativit dans la conqute de la libert pour tous les hommes583 È. LÕutilisation de la violence nÕtait absolument rprouve par la F.I.J.L. A lÕinverse, lÕusage de la violence comme moyen dÕaction de libration posait des problmes toute une frange importante du mouvement anarchiste qui refusait de salir leur idal dans le sang. Hem DAY, non-violent convaincu, faisait partie de ceux-l. Il nÕeut de cesse que dÕinculquer ces valeurs ses successeurs584. LÕexemple de la F.I.J.L montre bien, comme on sÕen rendait dj compte dans les parties prcdentes de ce chapitre, que lÕaction des anarchistes belges au niveau international sÕinscrit dans la continuit du travail accompli sur le plan national. Dus par les groupes actifs en Belgique, certains militants sÕtaient imagins quÕil serait plus facile dÕagir au niveau international. Si certaines associations transfrontalires permirent en effet plus de souplesse, ce ne fut cependant pas la panace. Dans les deux cas, les anarchistes furent confronts aux mmes problmes, aux mmes conflits : opposition entre individualistes et anarchocommunistes, entre partisans de lÕorganisation et spontanistes, entre violents et non-violents, entre la jeune gnration et lÕancienne garde. 577 Ç Attentats en Italie È, XYZ, Bulletin libre des objecteurs de conscience, n¡11, janvier 1970, couverture intrieure avant 578 Manifeste du Groupe anarcho-communiste rvolutionnaire Ravachol (G.A.C.R.R.) in A.G.R., fonds Hem DAY, dossier 103 579 Octavio ALBEROLA, militant anarchiste espagnol de la F.I.J.L. arrt Bruxelles en fvrier 1968, avec des faux papiers et arm. (Rose-Marie GARCIA Y GOMEZ, Que sont les anarchistes espagnols devenus ?, mmoire de licence, U.L.B., 1993, p.50) 580 Tract du F.I.J.L. du 18 fvrier 1968 in Mundaneum, Fonds Hem DAY, T2 A7 581 Ç F.I.J.L., Arrestation dÕun militant de la F.I.J.L. Bruxelles È, Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (je ne voterai pas), mars 1968, pp. 582 F.I.J.L./information, n¡2, dcembre 1967, p.1 in Mundaneum, fonds Hem DAY, dossier T2 A7 583 Ç La F.I.J.L. et le mouvement de solidarit rvolutionnaire È in Le Libertaire, organe anarchiste, n¡4 (consacr la marche pour le Vietnam), mars 1968, p.2 584 Voir son action au sein de lÕI.R.G. et de lÕA.N.V. 82. VI. Conclusion Aprs avoir pass au crible le mouvement anarchiste en Belgique francophone entre 1945 et 1970, nous pensons tre prsent en mesure de tirer certaines conclusions et de rpondre aux interrogations qui avaient t souleves dans notre introduction. La premire constatation que nous aimerions faire est que lÕactivit anarchiste est loin dÕtre inexistante cette poque. Un certain nombre de groupes et de revues anarchistes, ou du moins libertaires, ont vu le jour et ont t actifs pendant ces annes. Des dbats trs intressants (sur la question du pacifisme et de la non-violence, sur le type dÕorganisation adquat pour les groupes anarchistes, sur les finalits de lÕaction anarchiste,É) taient mens et suscitaient des prises de position varies voire contradictoires. Mme sÕil tait confidentiel, un vritable bouillonnement agitait les milieux anarchistes. Ce constat vient dmentir lÕide selon laquelle lÕtude de cette priode ne prsente aucun intrt. Bien plus, nous pensons que lÕintervalle temporel que nous avons choisi dÕtudier constitue au contraire un vritable Ç nÏud È dans lÕhistoire de lÕanarchisme. Au sortir de la seconde guerre mondiale, le mouvement anarchiste belge, fortement affaibli, tait confront un enjeu considrable : en fonction de sa raction, il pouvait soit renatre de ses cendres, soit disparatre dfinitivement A peine la fin du conflit consomme, on vit merger diffrents groupes anarchistes ou rassemblant des anarchistes, dont le plus important fut pour nous le groupe Pense et Action. Cela marqua un dbut de renouveau des idaux anarchistes, mais il sÕagissait plus dÕinitiatives individuelles que dÕun vritable Ç mouvement È anarchiste. Une tentative dÕunification des efforts en vue de lÕavnement dÕun mouvement fort susceptible dÕexercer une influence relle sur la socit eut lieu ensuite avec la cration de lÕAction Commune Libertaire. Ce projet ambitieux aboutit un chec et, pire encore, compromit gravement la subsistance des activits anarchistes en Belgique. Il fallut attendre le dbut des annes soixante pour que cette Ç traverse du dsert È prenne fin. A cette date en effet, on constate un certain renouveau des activits anarchistes, le mouvement tant une fois encore dans lÕobligation de se reconstruire. Enfin, partir de 1965, et singulirement en 1968, on assiste une explosion des idaux libertaires, qui prirent des formes multiples, tantt totalement novatrices, tantt sÕinscrivant dans la tradition anarchiste. Un risque de dispersion tait videmment envisageable, et le mouvement nÕy chappa pas. Ce bref rcapitulatif de lÕvolution de lÕactivit anarchiste cette priode montre clairement que lÕhistoire de lÕanarchisme en Belgique est loin dÕavoir t linaire. Cette histoire est faite de multiples crises et reconstructions. Aussi, pour rpondre la question que nous avions annonce en entamant ce travail (y a-t-il rupture ou continuit entre 1945 et 1970 ?), nous serions tent de dire quÕil y a la fois rupture et continuit ou, plus exactement, continuit malgr les ruptures. En effet, notre examen relativement approfondi de ces vingt-cinq ans dÕanarchie nous a permis de dgager certaines constantes. DÕautres part, une volution importante tant dans le contenu des ides que dans la manire de les exprimer et de les mettre en Ïuvre peut galement tre releve. La premire constante concerne lÕorigine sociale des militants anarchistes durant lÕpoque tudie. En dpit des efforts de propagande en direction des classes populaires, il sÕagissait presque toujours dÕintellectuels obnubils par les questions politiques thoriques. Ils taient trs attachs leurs idaux et nÕtaient le plus souvent disposs faire aucun compromis. 83. Ceux-ci se regroupaient au sein dÕorganisations anarchistes plus ou moins grandes et plus ou moins structures, tant au niveau national quÕinternational. A cet gard, il est intressant de constater que le fait pour les militants de vouloir agir lÕchelle supranationale rsultait gnralement dÕune dception face lÕinefficacit du travail ralis en Belgique. Des anarchistes taient aussi actifs au sein de groupes qui avaient pour objet des causes autres que lÕanarchie, par exemple le pacifisme et lÕobjection de conscience (I.R.G., Anti-antitoutiste pour la paix, XYZ) ou lÕanti-fascisme (S.I.A.). Ils taient bien intgrs dans ces organisations, au sein desquelles leur taient confies des responsabilits importantes. A cette poque, les anarchistes, qui sÕtaient loigns depuis peu des mouvements de masse, taient encore considrs comme des interlocuteurs Ç srieux È. Si les anarchistes ont t actifs dans diffrents combats, leur objectif prioritaire resta toujours la propagande de leurs idaux. Dans ce cadre, ils ont entrepris une srie dÕactions. Ainsi de nombreux groupes ont voulu crer une revue, ce qui leur a pos certains problmes au niveau financier et au niveau de la dfinition de leur ligne ditoriale. Ils organisrent aussi de multiples manifestations, runions, confrences, sortirent de nombreux tracts, mais leur audience nÕen demeura pas moins trs rduite. De manire gnrale, on peut remarquer quÕils travaillaient beaucoup plus au niveau de la rflexion que de lÕaction. Les groupes tudis fonctionnaient sur le principe de la solidarit. Les liens entre eux taient trs troits : certaines personnes faisaient partie de plusieurs organisations et formaient la charnire entre elles. Paradoxalement, lÕintrieur des groupes, les conflits et les inimitis taient trs rpandus. Ces oppositions personnelles, souvent trs dommageables au mouvement, avaient pour origine des divergences dÕopinion sur des aspects thoriques de lÕanarchisme. Ainsi, nous avons vu quÕil existait un clivage quasiment insurpassable entre anarchistes individualistes et anarcho-communistes, violents et non-violents, organisationnels et spontanistes. Chacun croyant dtenir Ç la È bonne pratique de lÕanarchisme et personne nÕacceptant les propositions allant lÕencontre de ses convictions, on comprend aisment que peu de ralisations concrtes aient vu le jour. Il est dÕailleurs amusant de constater que les anarchistes prouvaient moins de difficults collaborer avec des non-anarchistes envers lesquels ils adoptaient une attitude plus tolrante (du moment quÕils soient eux-mmes ouverts et non-endoctrins), quÕavec leurs camarades, quÕils jugeaient avec intransigeance, sans doute dans lÕoptique de conserver pur leur idal. Ces conflits personnels se doublaient dÕun conflit de gnrations. Il est vident que lÕtat dÕesprit des militants anarchistes de Ç lÕancienne garde È, cÕest--dire ceux qui taient dj actifs avant la guerre, diffrait beaucoup de celui des anarchistes qui ont dbut leur activit dans la seconde moiti des annes soixante. Comme nous lÕavons vu, sur certaines questions (lÕopportunit dÕutiliser la violence, la lutte des classes,É), les Ç jeunes È sont entrs en conflit ouvert avec les Ç vieux È. DÕautre part, leur mode de fonctionnement et leurs objectifs taient galement autres. Ainsi, si on compare le mouvement en 1945 et en 1968, on constate dans les deux cas une volont de renouveau, mais dans une autre optique. Aprs la guerre, il sÕagissait de reconstruire un mouvement qui existait dj, en tirant peine les leons de ce qui a prcd, et en tout cas sans volont dÕinitier un mouvement rvolutionnaire, inconcevable lÕpoque. Les pratiques plus novatrices qui surgirent dans la seconde moiti des annes soixante procdent beaucoup plus dÕun dsir de Ç changer le monde È, mme sÕil arrivait parfois ces personnes de faire encore rfrence aux Ç Pres de lÕanarchisme È. En dpit de ces diffrences importantes, des liens existaient entre les deux gnrations. On 84. constate mme parfois un intrt rciproque, de lÕenthousiasme voire un soutien direct ou indirect. Au terme de notre travail, une question importante reste en suspens : quelle fut lÕinfluence des vnements de mai sur le dveloppement futur du mouvement anarchiste en Belgique ? Nous avons pu voir que la contestation tudiante, si elle eut certainement un aspect libertaire, ne participait pas vritablement du projet anarchiste. Aussi ne nÕy sommes-nous pas trop attard. Nous avons vu que des anarchistes y prirent part, mais ils nÕont pas pu (ou pas voulu) marquer de leur empreinte le mouvement. De plus, lÕissue des vnements, beaucoup dÕanarchistes, dsillusionns, mirent fin la militance ou se tournrent vers des courants plus autoritaires. Il sÕagit, comme nous avons eu lÕoccasion de le montrer, dÕun parcours assez Ç classique È dans les milieux libertaires. On pourrait donc croire que cette parenthse nÕeut pas dÕinfluence sur lÕhistoire du mouvement anarchiste. Pourtant, il nÕen est rien. Bien que nÕayant pas tudi la priode qui suit, nous savons que certaines personnes, plus jeunes, qui avaient observ les vnements Ç de loin È, eurent elles aussi la tentation de faire Ç leur rvolution È, et sÕinvestirent dans les mouvements libertaires. CÕest sur cette base que naquit le groupe du 22 mars, qui est lÕorigine de la reconstruction du mouvement anarchiste en Belgique dans les annes septante, toujours en place lÕheure actuelle. Certains acteurs cits dans ce mmoire jourent un rle important dans ce mouvement. Cela montre encore une fois quÕau-del des ruptures il y a continuit dans lÕhistoire de Ç lÕincrevable anarchisme È. 85. VII. Bibliographie 1. Outils de recherche : ! La Nouvelle biographie nationale, Bruxelles, Acadmie royale des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1988-1999, 5 vol. ! S. ALARCIA [et al], Dictionnaire biographique des militants du mouvement ouvrier belge, Bruxelles, Vie ouvrire, 1995 ! Lonardo BETTENI, Bibliografia dellÕAnnarchismo, Crescita politica, Firenze, vol.1, 1972 ; vol.2, 1976 ! Ren BIANCO, Rpertoire des priodiques anarchistes de langue franaise (Un sicle de presse anarchiste dÕexpression franaise 1880-1983, 3 vol), (doctorat dÕEtat, Universit de Provence), Aix en Provence, 1988, 7 vol. ! Hem DAY, Bibliographie dÕHem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, 116p. ! Johan DEBRYN, Inventaris van de papieren Marcel Dieu alias Hem Day, Brussel, A.G.R., 1986, 156p. ! Denise FAUVEL-ROUIF, L’anarchisme : Catalogue de livres et brochures des XIXe et XXe sicles, Mnchen, London, Paris, Saur, 1993, 2 vol. ! Jean-Franois FEG, Aperu des collections du Mundaneum, Mons, Mundaneum, (collection des inventaires 4), 1999, 36p. ! Jean-Franois FUèG, Ç Des sources pour lÕhistoire du mouvement anarchiste È in Cent ans de lÕoffice international de bibliographie, Mons, Mundaneum,1995, 368p. ! Jean MAITRON (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais [ressource lectronique], Paris, Editions de lÕAtelier, Editions ouvrires, 1997 ! Marie-Etienne MOENS DE HASE, La presse an-archiste belge, essai bibliographique. Mmoire de lÕInstitut dÕEtudes Sociales de lÕEtat. Section Bibliothcaire-Documentaliste, Burxelles, 1980, 116p. + annexes 36p. ! Paulette TEMERMAN, LÕAn-Archie, livres et priodiques, catalogue de lÕexposition, Mundanum, Mons, 1980 2. HISTOIRE DE LA PENSE ANARCHISTE : ! Henri ARVON, L’anarchisme au XXe sicle, Paris, Presses universitaires de France, 1979, 232p. ! Henri ARVON, L’anarchisme, Paris, Presses universitaires de France (Que sais-je?), 1951, 86. 128p. ! Xavier BEKAERT, Anarchisme, violence et non-violence, Paris, Le Monde Libertaire ; Bruxelles, Alternative Libertaire, 2000, 48p. ! Frans BOENDERS, De volle vrijheid : ideologie en geschiedenis van het anarchisme, Antwerpen, Manteau, 1976, 183p. ! Jacques CSIUS, L’ anarchisme : une utopie ncessaire ?, Bruxelles, Labor ; Paris, Castells, 2000, 96p. ! Sbastien FAURE (dir), Encyclopdie anarchiste, Paris, Librairie Internationale, 4 tomes ! Jean-Franois FUèG, Ren BERTHIER, Anti-communisme et anarchisme, Paris, Le Monde Libertaire, 2000, 48p. ! Daniel GURIN, Ni dieu ni matre : anthologie historique du mouvement anarchiste, Paris, La Dcouverte & Syros, 2 tomes ! Daniel GURIN, Pour un marxisme libertaire, Paris, R. Laffont, 1969, 303p. ! Luis MERCIER VEGA, L’increvable anarchisme, Paris, Union gnrale d’ditions, 1970, 185p. ! Andr NATAF, La Rvolution anarchiste, Paris, A. Balland, 1968, 227p. ! Max NETTLAU, Histoire de lÕanarchisme, Paris, dition du Cercle, 1971, 290p. ! Olivier NIEUWLY, Anarchisme et modernit: essais politico-historique sur les penses anarchistes et leur rpercussion sur la vie sociale et politique actuelle, Lausanne, LÕage dÕhomme, 1998, 233p. ! Jean PRPOSIET, Histoire de l’anarchisme, [Paris], Tallandier, 1993, 500 p. ! Franois RICHARD, Les anarchistes de droite, Paris, Presses universitaires de France (Que sais-je?), 1991, 127p. ! Andr SALMON, La terreur noire: chronique du mouvement libertaire, Paris, J-J Pauvert, 1959, 542p. 3. HISTOIRE DU MOUVEMENT ANARCHISTE ET LIBERTAIRE : ! s.n., Hommage Hem DAY , Paris-Bruxelles, Pense et Action, n¡40, octobre-novembre 1970, 55p. ! Ren BIANCO, Ç Les anarchistes dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais È in Michel DREYFUS, Claude PENNETIER, Nathalie VIET-DEPAULE (dir), La part des militants. Biographie et mouvement ouvrier : Autour de MAITRON, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier franais, Paris, Atelier/dition Ouvrire, 1996, pp.185-192 ! Roland BIARD, Dictionnaire de lÕextrme-gauche de 1945 nos jours, Paris, Belfond, 87. 1978, 412p. ! Roland BIARD, Histoire du mouvement anarchiste en France 1945-1975, Paris, Galile, 1976, 314p. ! Frand BOENDERS, De volle vrijheid : ideologie en geschiedenis van het anarchisme, Antwerpen, Manteau, 1976, 183p. ! LO CAMPION-Hem DAY, Autour du procs, Bruxelles-Paris, Pense et Action, 1968 ! Lo CAMPION, JÕai russi ma vie, Paris, Editions Borrgo, 1985 ! Lo CAMPION, Le drapeau noir, lÕquerre et le compas, Wissous, Goutal-Darly, 1978, 175p. ! Lo CAMPION, Les anarchistes dans la Franc Maonnerie ou les maillons libertaires de la chane dÕunion, Marseille, culture et libert, 1969, 242p. ! David COPPI, Les repres de lÕanarchisme entre les deux guerres en Belgique francophone, travers la presse libertaire, mmoire de licence, U.L.B., 1986, 106p. ! Hem DAY, ERNESTAN (1898-1954), sa vie, son oeuvre, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1955, 32p. ! Hem DAY, Manuel DEVALDéS et le pacifisme scientifique, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1958, 16p. ! Hem DAY, Ç Quarante ans dÕAn-archie, rapport sur lÕactivit anarchiste en Belgique È in Bibliographie de Hem DAY, Paris-Bruxelles, Pense et Action, 1964, pp.41-58 ! Peter DE LANNOY, Anarchisme in Belgi tijdens het interbellum: organisatorische onmacht troef, mmoire de licence, V.U.B., 1993, 305p. ! Jean DEMEUR, LÕanarchisme en Belgique ou la contestation permanente, Paris-Bruxelles, Pierre De Myre, 1970, 182p. ! Jean-Franois FUèG, Le Rouge et le Noir, Ottignies, Quorum, 1995, 205p. ! Rose-Marie GARCIA Y GOMEZ, Que sont les anarchistes espagnols devenus ?, mmoire de licence, U.L.B., 1993 ! Didier KAROLINSKI, Le mouvement anarchiste en Wallonie et Bruxelles, 1919-1940, mmoire de licence, Universit de Lige, 1983 ! Jean MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, Paris, Gallimard, 1992, 2 vol. ! Gaetano MANFREDONIA, LÕanarchisme en Europe, Paris, Presses universitaires de France (que sais-je ?), 127p. ! Jan MOULAERT, Le mouvement anarchiste en Belgique, 1870 Ð 1914, Ottignies-LLN, Quorum, 1996, 416p. ! Jan MOULAERT, Rood en zwart, Leuven, Davidsfonds, 1995, 462p. 88. ! J. SCHIELDERMANS, Hem Day (1902-1969) en het Franstalig Belgisch anarchisme tussen de twe wereldoorlogen, mmoire de licence, K.U.L., 1983 ! G. VAN DEN BEGIN, De vredesbeweging in Vlanderen, Antwerpen-Brussel, OMEGA, IOT, 1983, 119p. ! Stefan VAN DEN ZEGEL, YÕen a pas un sur cent..., Parcours de militants libertaire autour de la guerre dÕEspagne, mmoire de licence, U.L.B., 1985 ! Raoul VAN DER BORGHT, Hem Day, Marcel Dieu, een leven in dienst van het anarchisme en het pacifisme: een politieke biografie ...1902-1940, mmoire de licence, V.U.B., 1973, 104p. ! J-P VERHOEVEN, De quelques courants anarchistes franais confronts aux guerres 1914-1918 et 1939-1945, mmoire de licence, U.L.B., 1977 ! W. VERMANDER, De stratege van de Vlaamse Vredesbewegingen, Brussel, Eindverhandeling Internationale Betrekkingen, V.U.B., 1983, 171p. 89. 4. Sujets connexes : ! s.n., Ç Le mouvement de contestation l’Universit Libre de Bruxelles È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n¡419-420, le 25 octobre 1968, 49p. ! Jean BARREA, L’utopie de la guerre: d’Hrasme la guerre des euromissiles, Bruxelles, Ciaco, 1986 ! Jean-Pierre CATTELAIN, L’objection de conscience, Paris, Presses universitaires de France (Que sais-je?), 1973,128p. ! J.M. CHAVIER, Ç "Gauchisme" et nouvelle gauche en Belgique (I )È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n¡600-601, le 20 avril 1973, 44p. ! J.M. CHAVIER, Ç "Gauchisme" et nouvelle gauche en Belgique (II )È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n¡602-603, le 4 mai 1973, 36p. ! Louis CORMAN, La non-violence dans la conduite des peuples et dans la conduite de soim me, Paris, Stock, Delamain et Boutelleau, 1949, 185p. ! Bart COENEN, Provo in Vlaanderen, mmoire de licence, V.U.B., 2001, 140p. ! Jean COT, La paix du monde ... : une utopie raliste, Bruxelles, Labor ; Paris, Castells, 2000, 96p. ! Jean DE BOè, Propos subversifsÉ, Bruxelles, Syndicat unifi du livre et papier, 1967, 348p. ! Jean DE BOè, Un Sicle de luttes syndicales, 1842-1952, Bruxelles, Syndicat unifi du livre et papier, 1952, 266p. ! Jean DEFRFANE, Le pacifisme, Paris, Presse Universitaire de France, (Que sais-je ?), 1983, 127p. ! Genevive DREYFUS-ARMAND, Laurent GERVEREAU, Mai 68 : les mouvements tudiants en France et dans le monde, Nanterre, Bibliothque de documentation internationale contemporaine, 1988, 303p. ! Pascal DUMONTIER, Les situationnistes et mai 68 : thorie et pratique de la rvolution, 1966-1972, Paris, G. Lebovici, 1990, 307p. ! Jacques DURANDEAUX, Les journes de mai 68; rencontres et dialogues, [Paris], Descle de Brouwer, [1968],159p. ! Yves FREMION, Provo, la tornade blanche, Bruxelles, Editons JEB, 1982, 160p. ! A. GERARD, Ç La dynamique du mouvement de paix en Belgique francophone È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, nos 1053-1054, 12 octobre 1984, 68p. ! Serge GOVAERT, Mai ’68 : c’tait au temps o Bruxelles contestait, Bruxelles, Politique et Histoire, 1990, 184p. 90. ! Carine JANSEN, LÕobjection de conscience en Belgique : 1919-1964, mmoire de licence, U.L.B., 1983, 280p. ! Laurent JOFFRIN, Mai 68 : histoire des vnements, Paris, Seuil, 1988, 370p. ! Paul JORION, Quelques considrations relatives au phnomne "Provo". Amsterdam 1965-1967, mmoire de licence, U.L.B., 1969 ! Maurice JOYEUX, LÕanarchie et la rvolte de la jeunesse, une hrsie politique dans la socit contemporaine, Paris, Casterman, 1970, 163p. ! Alain KAPPER, La guerre du Vietnam, vue sur la Belgique : les mouvements de solidarit envers le peuple vietnamien (1964-1973), mmoire de licence, U.L.B., 1998 ! Jean KREITMANN, Le problme du pain, de la paix et de la libert dans le monde, 2e d : Flavion, Le phare, 1983, 151p. ! Joseph Jean LANZA DEL VASTO, Technique de la non-violence, Paris, Denol, 1971, 286p. ! Marie-France LATRONCHE, L’influence de Gandhi en France, Paris, L’Harmattan, 1999, 255p. ! Claudine LELEUX, Approche du mouvement situationniste, mmoire de licence, U.L.B., 1974 ! Marc LORNEAU, Ç Le mouvement trotskyste belge : septembre 1939-dcembre 1964 È in Cahiers Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n¡s 1062-1063 du 21 dcembre 1984, 57p. ! Nadine LUBELSKI-BERNARD, Ç Les mouvements de la paix en Belgique (1945-1960) È in Le Pacifisme en Europe des annes 1920 aux annes 1950, 1993, pp.373-395 ! Nadine LUBELSKI-BERNARD, Ç Quelques aspects du mouvement anti-atomique en Belgique È, dans Socialisme, nov.-dc. 1995, n¡ 252, pp.324-331 ! Nadine LUBELSKI-BERNARD, Thse: Les mouvements et les idologies pacifistes en Belgique, U.L.B., 1977, 3 vol. ! Christian MELLONet Jacques SEMELIN, La non-violence, Paris, Presses universitaires de France, (Que sais-je ?) 1994 ! Marcel MERLE, Pacifisme et internationalisme XVII-XXe Sicle, Paris, A. Colin, 1966, 359p. ! P. MOREAU, Ç Les mouvements pour la Paix en Belgique francophone È, in la Revue Nouvelle, Bruxelles, n¡3, mars 1971, pp.294-308 ! Anne MORELLI (dir), Histoire des trangers et de l’immigration en Belgique : de la prhistoire nos jours, Bruxelles, Vie ouvrire, 1992 ! Anne MORELLI, Fascismo e anti-fascismo nellÕemigrazione italiana in Belgio (1922- 1940), Roma, Bonacci, 1987 ! Anne MORELLI, La participation des migrs italiens la Rsistance belge, Roma, Ministero Affari esteri, 1982, 144p. 91. ! Anne MORELLI, La presse italienne en Belgique, 1919-1945, Leuven-Louvain, Editions Nauwelaerts (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine), 1981 ! Jean-Marie MULLER, Jean KALMAN, Csar CHAVIEZ, Un combat non-violent, Paris, Fayard-Le Cerf, 1977 ! Jean-Marie MULLER, Le principe de non-violence ,Bruxelles, Marabout, 1999, 321p. ! Richard PAULISSEN, La contestation lÕuniversit de Lige: 1967-1971, mmoire de licence, Universit de Lige, 1992, 110p. ! J. POSADAS, La guerre, la paix et le socialisme, Bruxelles, Science, culture et politique, 1981, 40p. ! Pie-Raymond RGAMEY, Non-violence et conscience chrtienne, Paris, Editions du Cerf, 1958, 380p. ! Jean-Claude SOYEUR, Non-violence, Bruxelles, Les ditions Feuilles Familiales, 1968, 112p. ! P. STOUTHUYSEN, Ç Les mouvements de la paix en Flandre È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n¡ 1092-1093, 11 octobre 1985, 59p. ! Maurice VAìSSE (dir), Le pacifisme en Europe : des annes 1920 aux annes 1950, colloque : Reims, du 3 au 5 dcembre 1992 , Bruxelles, Bruylant, 1993, 455p. ! Jean V AN LIERDE, Ç Les mouvements de la paix en Belgique È in Courrier Hebdomadaire du CRISP, n¡240, 24 avril 1964, 28p. ! Jean VAN LIERDE, Carnets de prisons dÕun objecteur de conscience (1949-1952), Vie ouvrire, Bruxelles, 1994, 262p. ! Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Bruxelles, Labor, 1998, 208p. ! Christian VASSART, Aime RACINE, Provos et provotariat, un an de recherche participante en milieu provo, Bruxelles, Centre dÕtude de la dlinquance juvnile, publication n¡21, 1968, 160p. ! Laetitia VERHULST, L’aventure des Cahiers Socialistes : revue indpendante de critique sociale : novembre 1944 - novembre 1953, mmoire de licence, U.C.L., 2001 92. VIII. Index des noms cits A ABARCA....................................................................79 ADAMAS..............................................................15,34 ALBEROLA................................................................81 ALLARD....................................................................29 ALPUENTE ................................................................31 ARMAND..............................................................11,72 ARONSTEIN...............................................................43 ASCASO ....................................................................16 B BACCUS ....................................................................29 BADIEN.....................................................................40 BADOT................................................. 23,34,35,37,77 BAKOUNINE.................................... 11,22,25,64,66,75 BEAULATON .............................................................77 BERTHIER .................................................................40 BIANCO................................7,8,25,31,32,47,63,80,86 BONFANTI............................................ 16,21,23,26,33 BOSMANT .................................................................43 BROWN.....................................................................23 BRULAND........................... Voir Goriely Voir Goriely C CAMPION ................................... 15,16,21,22,23,29,87 CARPEAU..................................................................50 CHUCK................................................... Voir Demeyst CLEYS.......................................................................66 COHN-BENDIT .....................................................56,75 Considrent ..............................................................39 CORDIER............................................. 5,6,21,26,66,78 COURTIN..............................................................66,67 D DALLAS ...........................................Voir Van Swieten DE BO............................................. 6,15,21,30,31,32 de La BOèTIE.......................................................24,25 DE LIGT...........................................................27,39,40 de MIOMANDRE........................................ 63,66,67,79 DE SMET................................................... 30,35,72,73 DE SMET..............................................................34,35 DEBRUYN ...................................................................5 DECOEUR..................................................................43 DEMEYST..................................................................59 DESCHENE ................................................................52 DESTRYKER ....... 7,48,52,54,56,57,61,62,63,64,65,66,67,68,79 DETROYER................................................................29 DIEU 2,5,6,14,15,16,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29,30 ,31,32,33,34,35,36,37,38,39,40,41,42,43,44,45,4 6,47,48,49,52,53,65,66,68,70,71,72,73,74,75,76, 77,78,79,80,81,86,87 DOGUET..........................................................60,62,67 DUBUISSON ..............................................................59 DUMONT.............................................Voir Vanbergen DURUTTI...................................................................16 E ERLER.......................................................................29 ERNESTAN ................................. 15,17,18,21,22,25,37 EWALENKO...............................................................20 F FALONY...............................................................32,42 FAURE.............................................................22,23,72 FEDELI ......................................................................71 FERRER................................................ 22,23,25,38,39 FLORQUIN.................................................................43 FOLLON ...............................................................50,52 FONTENIS.................................................. 68,72,76,77 FORTON ....................................................................49 FOURIER ...................................................................39 G GANDHI ..........................................................12,23,39 GARCET ...............................................................29,39 GHEUDE....................................................................29 GILLES .................................................................60,68 GIMENEZ ..................................................................31 GLINNE .....................................................................43 93. GODARD ...................................................................66 GODIN.......................................................................58 GODWIN...............................................................11,25 GOL.............................................................................7 GORIELY...................................................................18 GORIS .........................................................................6 GRISAR ................................................................58,59 GURUCHARRI............................................................79 H HALKIN.....................................................................43 Han RYNER ......................................... Voir Ner Henri Hem DAY .....................................................Voir Dieu HENRIQUEZ ......................................... 39,40,41,42,44 HERSHKOWITZ..........................................................65 HUMBERT .................................................................23 HUVENNE ................................................. 32,33,42,79 I ILLECYN....................................................................43 J JAEGER .....................................................................18 K KEUHENNE ..........................................................65,66 KOECK......................................................................30 KRISNAMURTI .....................................................23,39 KROPOTKINE ............................................................11 L LECLERCQ ................................................................43 LECOCQ ....................................................................50 LECOIN ..................................................... 32,40,53,78 LEJEUNE ..............................................................29,32 LEMAIRE.............................................. 52,53,64,65,66 Lnine.......................................................................28 LEPAPE ....................6,34,35,36,37,52,53,54,55,77,80 LEROI........................................................................60 LETAWE....................................................................48 LOCKE ......................................................................11 LOPEZ .......................................................................73 LORPHéVRE......................................................5,21,33 Louise MICHEL ...................................................22,25 LOUVET ....................................................................48 LUMUMBA ..................................................................5 M MAITRON........................................................75,77,86 MARTINEZ ................................................................31 Marx...............................................................25,61,75 MATTART ............................................................15,34 MAURICE.................................................Voir Moreau MONIER ....................................................................22 MONTARESSI ............................................................55 MONTARESY.............................................................73 MOREAU..............................................................18,79 MORZOCCHI .............................................................73 MOULAERT.................................................................4 N NATALIS .............................................. 52,53,54,55,81 Ner.......................................................................23,72 NETTLAU .............................................................23,74 NEYST.............................................................60,67,68 NIEUWENHUIS .....................................................27,39 O OMER...........................................................Voir Piron P PANEKOEKE..............................................................68 PARMENTIER .......................................................72,73 PEE............................................................................43 PERISSINO............................................................21,42 PERRESINO................................................................73 PIRON...................................................................18,20 PLATTEUW...........................................................29,36 POUGET ....................................................................11 PROUDHON ...............................................................22 PROVO ......................................................................43 PRUDHOMMAUX.......................................................74 Q QUADEN ...................................................................58 R RECLUS................................................................10,22 RELGIS.................................................................40,53 94. RIFFLET ..........................................................17,20,21 ROBERT ............................................... 18,29,32,42,77 ROCKER....................................................................39 S SABATE.....................................................................31 SALMON...............................................................21,24 SCHOKAERT..............................................................29 SCHYNS ....................................................................43 SIMON...................................21,23,34,35,37,48,53,55 STIRNER..........................................................11,39,66 T TAQUIN.......................................................................6 TELLIER .....................................................Voir Rifflet TERROIR ...................................................................36 THYS....................................................................66,80 TORTON....................................................................50 V Van LIERDE 5,6,21,22,23,25,26,27,29,32,33,34,49,51,65,66,6 7,91 VANMARCKE...........................................................43 VAN SWIETEN .....................................................18,20 Van WIJK .......................................................27,39,49 VANBERGEN........................................................18,29 VANDALE .................................................. Voir Jaeger VEEVAETE ................................................................67 VIAN .........................................................................22 VOLINE .....................................................................22 W WALTER ...................................................................66 WANGERMEE............................................................18 WIRIX ..................................................................58,59 Z ZACHARY..................................................................54 95. IX. Table des matires I. ANNE ACADMIQUE 2001-2002INTRODUCTION............................................. 2 II. MTHODOLOGIE .................................................................................................... 4 III. NOTIONS THORIQUES DE BASE...................................................................... 10 IV. LE MOUVEMENT ANARCHISTE EN BELGIQUE............................................. 14 1. 1918-1945 : MISE EN CONTEXTE.......................................................................... 14 2. 1944-1952 : TENTATIVES DE RECONSTRUCTION.................................................... 17 ! Les Cahiers socialistes, Revue indpendante de critique sociale ................... 17 ! Pense et Action ........................................................................................... 20 ! LÕInternationale des Rsistants la Guerre (I.R.G.), section belge du War Resisters International (W.R.I.)..................................................................... 25 ! Solidarit Internationale Anti-fasciste (S.I.A.)............................................... 29 3. 1952-1959 : UNIFICATION ET RUPTURE................................................................ 33 ! LÕAction Commune Libertaire (A.C.L.)......................................................... 33 4. 1959-1965 : RENOUVEAU DES ACTIVITS ANARCHISTES ....................................... 38 ! Le Cercle la Botie ....................................................................................... 38 ! LÕAnti-antitoutiste pour la paix..................................................................... 40 5. 1965-1970 : LA RELéVE ?.................................................................................... 45 ! Les Provos.................................................................................................... 45 ! XYZ .............................................................................................................. 49 ! Socialisme et Libert..................................................................................... 52 ! Les mouvements tudiants de 1968 et leurs manifestations dans les universits belges ........................................................................................................... 57 ! Liaisons ........................................................................................................ 60 ! Le groupe du 18 fvrier ................................................................................ 62 ! LÕAlliance..................................................................................................... 64 V. LES ANARCHISTES BELGES ET LEUR ACTION AU NIVEAU INTERNATIONAL........................................................................................................... 69 1. LES CONGRéS INTERNATIONAUX ANARCHISTES..................................................... 69 96. ! Le premier congrs international anarchiste (Paris, 1948) ........................... 70 ! Le deuxime congrs international anarchiste (Londres, 1958)..................... 72 ! Le troisime congrs international anarchiste (Carrare, 1968)..................... 75 2. LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET LA PARTICIPATION BELGE ................... 76 ! LÕAlliance Ouvrire Anarchiste (A.O.A) ....................................................... 76 ! Anarchisme et non-violence .......................................................................... 77 ! La F.I.J.L., les rencontres de jeunes et la violence ........................................ 79 VI. CONCLUSION ......................................................................................................... 82 VII. BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................... 85 2. HISTOIRE DE LA PENSE ANARCHISTE : ....................................................... 85 3. HISTOIRE DU MOUVEMENT ANARCHISTE ET LIBERTAIRE :................... 86 VIII.INDEX DES NOMS CITS...................................................................................... 92 IX. TABLE DES MATIéRES ........................................................................................ 95